Une bulle obligataire est-elle aussi dangereuse qu'une bulle boursière ou qu'une bulle immobilière ?»
Le titre de la recherche de la maison Natixis a attiré notre attention, il y a quelques jours.
Plusieurs ont oublié la bulle boursière de l'an 2000. À moins de 15 fois les bénéfices au milieu des années 1990, le cours du S&P 500 (et celui des autres indices boursiers mondiaux) s'était envolé pour atteindre 25 fois les bénéfices au tournant de la décennie. C'était une époque où, attirés par quelques années de rendements extraordinaires, même les épargnants les plus conservateurs brisaient leur tirelire pour tout envoyer à la Bourse.
Ce qui devait arriver arriva. La bulle éclata, et l'on se retrouva avec des problèmes économiques majeurs. Appauvris par la baisse de la Bourse, les consommateurs eurent moins d'argent à dépenser et les sociétés vendirent moins de produits. Elles furent de surcroît aux prises avec d'importants problèmes d'endettement. La bulle, ainsi que la richesse artificielle qu'elle créait, avait en effet amené nombre d'acquisitions à des prix élevés, qui laissèrent après l'éclatement trop peu de bénéfices pour le niveau de dette contracté.
Un nouveau phénomène allait se produire à partir de 2002. En raison de la baisse des taux d'intérêt, qui avait pour but de relancer l'économie, les valeurs immobilières se mirent à grimper aux États-Unis. Des sommes importantes convergèrent vers le secteur, et nombre de logements s'ajoutèrent. Lorsque tout s'arrêta, en 2008, les prix se mirent à reculer, les marges furent rappelées, et une spirale infernale se mit en route. Pendant un certain temps, plusieurs observateurs se demandèrent si le monde financier n'allait pas s'écrouler.
Pour essayer de sauver la mise, les gouvernements d'un peu partout dans le monde vinrent pour garantir des milliards de dollars en investissement, et les banques centrales se concertèrent pour tenter de faire baisser encore davantage les taux d'intérêt.
L'intervention des banques centrales se poursuit, encore aujourd'hui, pour garder de bas taux.
Une erreur ?
Pas nécessairement. La Fed cherche à créer de l'inflation. Pour nous prémunir contre le risque d'une déflation. Le risque est actuellement qu'elle échoue. Mais il y a malheureusement, aussi, celui qu'elle réussisse. Et qu'une nouvelle bulle n'éclate. Bref, le danger est des deux côtés.
La maison Natixis estime que la prime de risque des obligations (le taux d'intérêt exigé pour rémunérer les risques de défaut) est désormais inférieure à la normale. Elle cite quelques exemples concrets. Les taux d'intérêt baissent aux États-Unis, alors que, pourtant, le ratio dette/PIB du pays continue d'augmenter. En Europe, les taux baissent également depuis 2012 en Espagne, en Italie et au Portugal, alors que le nombre de prêts en défaut continue d'avancer significativement.
Qu'arrivera-t-il quand les taux remonteront ?
Une moyenne est généralement faîte pour être atteinte. Le risque est qu'à un certain moment la normalité ne revienne, que la prime de risque ne se replace, et que les taux d'intérêt ne remontent.
«L'impact sur les emprunteurs et les investisseurs sera catastrophique. Les premiers souffriront d'une augmentation du service de leur dette, et les seconds, d'une perte en capital sur la valeur de leurs obligations», prédit l'auteur de l'étude, Patrick Artus.
Autrement dit, on pourrait bientôt retomber dans une nouvelle crise.
Quand ?
La maison ne précise cependant pas quand la chose pourrait se produire. Elle parle plutôt d'un horizon à «moyen terme».
Quand et quelle en sera l'ampleur ?
Dans un récent article du magazine Forbes, le gestionnaire Steve Bluementhal (CMG) s'avance cependant davantage. À l'heure actuelle, 13 des 16 membres de l'Open Market Committee (FOMC) croient que la Fed commencera à hausser son taux directeur en 2015. La médiane du groupe donne les fonds fédéraux à 1 % en 2015 et à 2,25 % en 2016 (à 0 % actuellement).
Récemment, le taux sur les obligations 10 ans se situait à 2,5 %. Si le taux à un jour des fonds fédéraux grimpe à 1 % en 2015, les obligations 10 ans devraient grimper autour de 3,5 %. Un tel mouvement causerait une perte en capital d'environ 8 % sur la valeur de l'obligation.
Si on pousse l'exercice sur 2016, les obligations 10 ans pourraient alors se trouver à 4,75 %, et générer une perte en capital d'environ 18 %.
Qu'est-ce à dire pour les obligations et les fonds obligataires canadiens ?
C'est plus difficile à dire. Il n'est pas assuré que les taux canadiens évolueront en synchronisme avec les taux américains. À preuve, le taux à un jour au Canada est à 1 % (par rapport à 0 % aux États-Unis), et les obligations 10 ans à 2,30 % (par rapport à 2,5 %). Mais il serait surprenant qu'une hausse marquée d'un côté de la frontière ne traverse pas de l'autre côté.
Les pertes pourraient donc se ressembler. Si vous avez un fonds commun obligataire ou un fonds négocié en Bourse, le truc est de s'attarder à la durée moyenne du portefeuille du fonds. Et de rechercher de courtes durées plutôt que des longues durées (10 ans est un extrême). Le rendement en intérêts sera plus faible, mais le choc le sera également.
Il y a aussi la possibilité de ne simplement acheter qu'une obligation du gouvernement d'un an ou deux et de la laisser venir à maturité. Il n'y aura dans ce cas aucune perte en capital et l'on pourra réinvestir à un meilleur taux après un choc éventuel.