BLOGUE. C'est un important coup de Jarnac que vient d'infliger Stornoway au Plan Nord. La décision de la minière d'aller au diesel plutôt qu'à l'électricité jette un important doute sur la réalisation d'une bonne partie des 47 G$ d'investissements en énergie (60% du Plan) qui y sont prévus.
Stornoway, qui se prépare à exploiter la première mine de diamants du Québec, dans le secteur des Monts Otish, conclut qu'il est préférable pour elle d'aller de l'avant avec une énergie au diesel plutôt que d'y aller avec l'électricité d'Hydro-Québec.
Officiellement il pourrait être avantageux pour Stornoway d'investir les 173,6 M$ nécessaires à la construction de la ligne de transport qui la relierait à Laforge 1. Il lui en coûterait 15% moins cher en coûts d'exploitation totaux par rapport au diesel. Et peut-être l'économie pourrait-elle être supérieure si d'autres minières s'ajoutaient sur le tronçon et partageaient les coûts. Mais il n'y a pas de garantie que d'autres s'ajouteront sur l'espérance de vie actuelle du projet (11 ans). Et comme 15% de moins en coût d'exploitation est jugé marginal, Stornoway préfère y aller au diesel.
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On le voit, Stornoway ne rejette pas totalement la filière de l'électricité. Ses attentes de prix n'en apparaissent pas moins grandement optimistes.
En entrevue éditoriale aux Affaires, il y a quelques semaines, le président d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, avait été clair. Hydro fera de l'argent avec les minières du Québec. Il avait même avancé un prix. Le prix coûtant de La Romaine est à 6,5 cents le kilowattheure, avait-il dit. En ajoutant la marge bénéficiaire qu'Hydro demande pour ses investissements, cela mettait le prix de vente minimal de l'électricité (avant transport) à 9 cents.
À combien Stornoway postule-t-elle qu'Hydro lui aurait vendu son électricité? À 5,8 cents. Nettement en bas du 9 cents. En bas même du coûtant de la Romaine avancé par monsieur Vandal. Et ce n'est en fait que la pointe de l'iceberg. Le tarif L est en réalité de 3 cents. C'est sur celui-ci que s'appuie Stornoway pour arriver à son prix hypothétique de 5,8 cents, en ajoutant des frais parce que des équipements de puissance sont nécessaires et qu'il y a des pénalités en période de pointe. Bref, on peut aussi décider de voir que le prix anticipé par Stornoway est à la moitié du coût d'exploitation des premiers barrages du Plan Nord.
Où est le marché pour les nouveaux barrages?
Où est le marché pour les nouveaux barrages?
Évidemment, si on est écologiste, on sera assez préoccupé par les chiffres qui précèdent.
Le cas Stornoway vient nettement mettre en relief un risque jusqu'ici inattendu: celui qu'il soit plus avantageux pour beaucoup de minières du Plan Nord de fonctionner au diesel plutôt qu'à l'électricité. Même en vendant à la moitié du cost des nouveaux barrages, on ne convainc en effet pas Stornoway de passer à l'électricité. Ce n'est pas très bon côté CO2.
C'est encore plus préoccupant cependant pour ceux qui rêvent de voir le Québec se lancer dans la construction de nombreux grands barrages.
Le Québec est actuellement en important surplus d'électricité.
Lors de notre entretien, monsieur Vandal avait indiqué que l'électricité québécoise se développerait en phase avec les besoins du Québec. Ce développement, dans son esprit, allait se faire en bonne partie en fonction des besoins miniers de la province.
Or, si les minières ne veulent pas de l'électricité en raison de son coût et de celui des infrastructures de transport, pourquoi construirait-on d'autres barrages?
D'autant que le PDG d'Hydro confiait être en mesure de répondre à tous les projets miniers actuels (qui s'étendront sur plusieurs années) à partir des barrages déjà existants.
Quel impact financier pour le Plan Nord?
C'est une question qui n'est pas facile à répondre parce qu'on a toujours eu de la difficulté à comprendre les chiffres du gouvernement.
Officiellement, Québec prévoit des investissements en énergie de 47 G$ dans les 25 prochaines années, c'est 60% des investissements prévus au Plan Nord. Sont dans le compte, les 3 500 MW de nouveaux barrages annoncés lors du dévoilement du Plan.
Mais il semble aussi se trouver dans le compte d'autres projets déjà prévus dans le plan Stratégique 2006-2015 (4 500 MW) et peut-être actuellement en cours de réalisation.
Quoiqu'il en soit, on peut probablement s'avancer et dire que la moitié du projet énergétique de 47 G$ apparaît aujourd'hui à haut risque de non matérialisation, et peut-être même plus.
Un échec certain?
Un échec certain?
Non. Il est possible que certains projets miniers soient économiquement rentables s'ils peuvent partager les coûts d'une même ligne ou s'ils se trouvent sur le chemin de quelques communautés qui pourraient partager les coûts d'infrastructure de transport. Mais ce n'est pas simple à exécuter. Il faut notamment que quelques sociétés fassent des découvertes économiques (il naît une mine pour 1000 projets) et que les mises en production ne surviennent pas à 10 ans d'intervalle (l'espérance initiale de vie de Stornoway est de 11 ans).
Il est aussi possible que, pour les projets plus au nord encore que celui de Stornoway, le coût de transport du diesel soit tel, qu'il devienne avantageux d'y aller avec l'électricité.
Pour l'heure cependant, Stornoway envoie un fort mauvais signal.