Jeté un oeil à la dernière lettre aux actionnaires de Warren Buffett ?
Allez-y. On y trouve toujours d'intéressantes réflexions. Notamment sur l'investissement dans l'or.
C'est cependant l'une de ses confessions qui a le plus attiré notre attention.
«L'an dernier, je vous ai dit qu'une reprise immobilière allait probablement s'amorcer d'ici environ un an. J'avais tout faux», dit M. Buffett.
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Les résultats des cinq sociétés liées au secteur de la construction que détient Berkshire Hathaway le démontrent bien. Clayton Homes, Acme Brick, Shaw, Johns Manville et MiTek ont rapporté en 2011 un bénéfice combiné identique à celui de l'an dernier.
Jusque-là, rien pour écrire une chronique, si ce n'est pour donner un coup de chapeau à l'Oracle qui, année après année, ne cherche jamais à se défiler.
Plus intéressant suit toutefois lorsque Warren Buffett réitère le pronostic. «L'immobilier résidentiel reprendra. Probablement avant longtemps», affirme-il.
Pourquoi Buffett entrevoit plus de chantiers
Sa théorie va ainsi.
À long terme, le nombre d'unités résidentielles doit nécessairement égaler le nombre de ménages (avec un taux normal d'inoccupation). Dans la période qui a précédé 2008, l'équation s'est brisée. Sous l'influence de plusieurs forces, les États-Unis ont ajouté plus d'unités résidentielles qu'il n'y avait de ménages. Une bulle immobilière s'est formée, le pays s'est retrouvé avec un surplus d'unités et, en éclatant, la bulle a finalement ébranlé les assises de l'économie américaine.
Le taux de chômage s'est ensuite envolé, et la formation de nouveaux ménages a du fait significativement reculé.
Bonne nouvelle, dit cependant M. Buffett, l'équation est maintenant renversée. Il se forme chaque jour plus de ménages qu'il ne se construit d'unités résidentielles. «Les couples peuvent reporter leur emménagement, mais les hormones finissent par prendre le dessus», illustre-t-il, avec un clin d'oeil.
Au rythme annuel de 600 000, les mises en chantier sont de loin inférieures au nombre de nouveaux ménages en formation (un peu plus de 1 million), ce qui fait que les acheteurs et les locataires sont en train de gruger l'excédent d'inventaire sur le marché.
La démographie et les forces du marché, fait-il valoir, feront qu'il se construira de nouveau un jour un million d'unités résidentielles par année au pays. Et peut-être même plus. Lorsque ce jour viendra, prévient-il, on pourrait être surpris par l'ampleur de la chute que connaîtra alors le taux de chômage.
A-t-il raison ?
A-t-il raison?
Il faut être assez téméraire pour s'opposer à Warren Buffett.
À long terme, il est de toute façon difficile d'attaquer le pronostic. Le marché de la construction finira en effet par rebondir.
La question en est davantage une d'opportunisme. Rien ne sert de positionner son capital dans des sociétés de construction, si la demande ne s'améliore pas avant cinq ans.
Ce qui amène cette question, sur laquelle Buffett ne s'avance pas : à quelle vitesse l'excédent d'inventaire pourrait-il disparaître ?
La maison Goldman Sachs s'est récemment attardée à l'interrogation. Ses analystes évaluent l'excès de stocks à 2,5 millions (M) d'unités. Ils anticipent pour 2012 une croissance des nouveaux ménages de 0,8 M et de 1,1 M pour 2013. Tout cela en fonction d'une création d'emplois qui devrait se maintenir à la cadence actuelle, c'est-à-dire à 150 000 par mois. Résultat des courses : le marché devrait revenir à l'équilibre d'ici 3,5 ans.
Un horizon tout de même assez éloigné.
Un confrère blogueur du Financial Times, Cardiff Garcia, estimait récemment que le pronostic semblait conservateur. Et que, même s'il ne l'était pas, le rebond pourrait survenir bien avant. Il se peut en effet qu'une partie des unités résidentielles en surplus ne fasse pas l'affaire des nouveaux ménages, et que ceux-ci décident plutôt de se faire construire. Les unités en surplus sont également inégalement réparties, ce qui est susceptible de fausser la lecture du marché en général. Par exemple, Las Vegas peut rester avec un lot important d'unités libres, mais plusieurs marchés peuvent repartir.
On est d'accord. Notre seule hésitation est en fait, comme chaque fois, liée aux prévisions de reprise pour les États-Unis. Rappelons les chiffres. L'administration Obama prévoit qu'à la fin de son exercice financier, en septembre 2012, son déficit équivaudra à 8,5 % du PIB (sensiblement la même chose qu'en 2011, à 8,7 %). Pour septembre 2013, la cible est à 5,5 % et pour l'exercice suivant, à 3,9 %. Même si le PIB augmentera, c'est un recul assez appréciable de stimulus à prévoir, et quelque chose nous dit que l'économie croîtra beaucoup moins vite à partir de 2013 qu'elle ne le fait actuellement. On peut même se demander si elle ne rechutera pas.
C'est pourquoi il nous paraît plutôt optimiste de parler d'une reprise de la construction américaine dans 3,5 ans.
Cela dit, tenter de synchroniser le marché n'est jamais facile, et généralement une idée mauvaise. Pour ceux qui comme Buffett ont un horizon à long terme, le coup semble certain. Il suffit de miser sur des entreprises qui ne sont pas trop endettées.
Voici quelques sociétés de construction susceptibles de rebondir un jour : Toll Brothers (TOL, 22,87 $ US), Standard Pacific (SPF, 4,20 $ US US), KB Home (KBH, 11,20 $ US) et Lennar Corp. (LEN, 22,95 $ US).
francois.pouliot@tc.tc
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