Le gouvernement du Québec annonçait il y a quelques jours un congé fiscal bonifié pour les grands projets d'investissement. Québec sort tambours et trompettes, mais semble en train de jeter 600 M$ au feu.
En novembre 2012, le gouvernement péquiste avait annoncé un programme de congé fiscal pour les projets d'investissement de 300M$ et plus dans les secteurs manufacturier, du commerce de gros, de l'entreposage, et du traitement et de l'hébergement de données. Le niveau d'investissements requis allait quelques mois plus tard être réduit à 200M$.
Ce programme donnait droit à un congé fiscal équivalent à 15% de la valeur du projet. Ce congé pouvait être utilisé à la fois sur l'impôt à payer ou sur la cotisation au Fonds des services de santé (qui est une taxe sur la masse salariale).
Parce que seulement trois projets se sont qualifiés depuis 2012, le gouvernement estime que le programme ne donne pas assez de fruits. Il a décidé d'abaisser son seuil d'admissibilité à 100M$, et même à 75M$ pour les projets dans des régions désignées.
Portez bien attention à la déclaration du ministre des finances, Carlos Leitao, dans le communiqué gouvernemental qui fait l'annonce de la bonification:
«Le congé fiscal bonifié permettra de soutenir la réalisation d'au moins 25 nouveaux projets. Ces investissements représentent près de 4G$ qui créeront plus de 15 000 nouveaux emplois au cours des prochaines années».
Ce passage nous a fait sourciller.
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Comment le gouvernement peut-il savoir à l'avance le nombre de nouveaux projets qui se présenteront alors qu'il n'avait aucune idée des résultats lorsque le seuil d'éligibilité était à 200M$?
Appel au gouvernement. La réponse qui en est revenue est la suivante:
«Les données nous indiquent qu'il y a une dizaine de projets d'investissement de 100M$ qui se réalisent à chaque année dans ces secteurs.»
C'est pour le moins étonnant.
Les entreprises ont jusqu'au 20 novembre 2017 pour soumettre un projet. Si l'on fait un peu d'arithmétique, on arrive effectivement autour de 25 investissements qui pourraient naître sur trois ans.
La question qui suit est évidemment: si ces projets naissent déjà naturellement, alors, pourquoi leur donner un congé fiscal?!?
À 15% de déduction sur 4G$ d'investissements prévus, c'est 600M$ de revenus auxquels renonce le gouvernement. D'où l'affirmation initiale à l'effet qu'il semble en train de tirer 650M$ au feu.
La faute
La faute
Il ne s'agit pas de dire que le montant est d'une ampleur catastrophique. À partir du moment où leur projet est approuvé, les entreprises ont cinq ans pour procéder aux investissements. Certains projets ne seront pas nécessairement rentables à l'an 1 ou 2 et commenceront à payer de l'impôt plus tard. Si bien que le 650 M$ de cadeaux peut s'étirer sur plusieurs années. L'impact de la mesure ne devrait pas être très significatif sur chacun des budgets à venir.
Évidemment, il est aussi possible que le programme génère plus de 25-30 projets et que, au final, on récupère une partie des cadeaux octroyés. Mais ça semble peu probable.
Il n'y a pas de faute à prétendre que l'on soutient la réalisation de projets d'envergure, comme on l'a fait lors de l'annonce du 10 février. Il y a cependant faute à ne pas divulguer l'ensemble du portrait d'une situation en soutenant que le Québec y gagne assurément. On vient de transformer un programme qui amenait de nouveaux investissements en un programme qui n'en amènera vraisemblablement pas. Le risque de perte pour le trésor public a considérablement grimpé.
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