Même si certains ont déjà commencé à parler d'une solution "souris", la commission proposée par le gouvernement du Québec pour faire le ménage dans l'industrie de la construction est une avenue intéressante. Une seule chose nous préoccupe: on n'aurait pas dû y nommer une juge active de la Cour supérieure.
La commission a pour mandat de faire enquête sur les activités de collusion et d'éventuels stratagèmes mis en place. Elle doit de même s'attarder au financement des partis politiques et voir si le crime organisé n'a pas infiltré le milieu.
Le principal élément de controverse réside dans la décision du gouvernement de ne pas lui permettre de contraindre des témoins.
C'est en fait le principal élément de considération de ce débat depuis le début: faut-il ou non tenir un exercice qui permettrait d'aller à fond sur les activités du milieu de la construction, mais qui du même coup mettrait à risque toutes les enquêtes criminelles en cours. Le témoignage d'un acteur assigné à une commission d'enquête bénéficie en effet ensuite de l'immunité et force la Couronne à démontrer que la preuve qu'elle a obtenue ne l'a pas été à partir de ce témoignage.
La présence du volet huis clos de cette commission et l'obligation qu'elle aura de transmettre les éléments de preuve recueillis aux autorités (Unité anti-collusion, Directeur général des élections, etc.) donne à penser que le gouvernement a décidé de faire le pari des taupes.
Les criminels ne se présenteront évidemment pas devant la commission, mais les délateurs, peut-être. C'est à partir de leur témoignage que l'on semble espérer pouvoir mettre au jour les stratagèmes et construire de la preuve qui servira à sortir les pommes pourries du système par le biais d'accusations criminelles (et éventuellement civiles).
La voie choisit par le gouvernement se défend. La commission durera deux ans. C'est plus court que ce que l'on aurait pensé. Si l'on s'aperçoit qu'elle ne donne pas les résultats escomptés, il sera toujours temps d'en constituer une nouvelle et de cette fois la doter des pouvoirs de contrainte.
Une réserve
Un important bémol vient cependant ponctuer l'annonce du gouvernement Charest. La nomination d'une juge de la Cour supérieure, sur recommandation du juge en chef.
Le mandat de cette commission indique à sa face même qu'elle est destinée à récolter de la preuve afin d'incriminer (comme en fait notamment foi son obligation de transmettre de la preuve à l'Unité anticorruption et aux autres autorités).
On apparaît ici aller à l'encontre des principes de justice naturelle. Il faudra voir comment tout cela sera géré et ce pourrait bien être la tâche la plus difficile de la juge France Charbonneau. Le pouvoir judiciaire ne peut travailler en complicité avec la Couronne ou des autorités susceptibles de porter des accusations. C'est l'impartialité de la Cour supérieure comme institution qui est au cœur même de la question.
Quelque chose nous dit que les avocats de la défense ne manqueront pas d'étudier la situation et que celle-ci sera soulevée lors d'éventuels procès. Il y a ici un risque de complications judiciaires qu'on ne négligerait pas.
Dans le contexte de ces mécanismes de transmission de preuve, un magistrat à la retraite où un autre expert juridique aurait été un choix plus avisé.
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