Qu'entrevoient les prévisionnistes pour les années à venir ? Un paysage assez rose. Mais pourrait-il s'assombrir ?
C'est la maison Natixis qui a porté la question à notre esprit, il y a quelques jours, avec un commentaire sur l'exposition de l'économie d'aujourd'hui aux causes passées de déraillement. Celles-ci pourraient-elles se reproduire prochainement ?
Avant d'évaluer chacune, un rapide regard sur ce qu'anticipent les grandes organisations prévisionnistes en ce qui concerne l'économie américaine.
La Réserve fédérale prévoit une croissance du PIB réel se situant entre 2,6 et 3 % en 2015. Pour 2016, le pronostic est d'une croissance qui variera de 2,5 à 3 %. En 2017, il est d'une progression de 2,3 à 2,5 %. C'est le pronostic le plus pessimiste de toutes. Le Fonds monétaire international, l'OCDE et la Commission européenne sont tous plus optimistes que la Fed pour les États-Unis au cours des deux prochaines années avec des prévisions de croissance qui varient de 3,1 à 3,6 % en 2015 et de 3 à 3,3 % l'an prochain.
Le consensus des prévisionnistes, lui, fait état d'une croissance de 3,3 % en 2015, de 2,9 % en 2016 et de 2,8 % en 2017.
Constat ?
Sachant que les progressions des années 2012, 2013 et 2014 ont été d'environ 2,3 %, c'est dire que non seulement l'opinion générale n'est pas préoccupée par l'économie, mais qu'elle la voit appuyer significativement sur l'accélérateur dans les prochains mois.
C'est audacieux. Selon Deloitte University Press, la durée d'un cycle économique, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a en moyenne été de 56 mois. En juin, on entrera dans le 72e mois du cycle actuel. Et en se fiant aux prévisions, on dépasserait la centaine de mois à la fin de 2017. Des cycles de 100 mois et plus ne se sont produits que deux fois dans l'histoire.
Audacieux, disions-nous. Irréaliste même, dans le contexte actuel ? Voyons si des déraillements identiques à ceux du passé sont susceptibles de se produire d'ici 2017.
Premier risque : l'inflation
À la fin des décennies 1970, 1980 et 1990, des récessions furent provoquées par la mise en place de politiques monétaires destinées à combattre l'inflation. Après les périodes d'expansion, les banques centrales n'eurent d'autres choix que de hausser les taux d'intérêt.
On ne peut pas dire que ce soit réellement ce qui se dessine. Depuis janvier, l'inflation est nulle aux États-Unis. Le pouvoir de négociation des salariés semble s'être érodé, et la faiblesse de l'économie mondiale fait que le prix des commodités est en chute. Peu de danger apparent de rupture de croissance sur ce front.
Deuxième risque : une dette excessive du secteur privé
Tous ont en mémoire la cause de l'effondrement économique de 2008-2009 : le surendettement des ménages, notamment occasionné par les prêts à risque (subprimes). En 2000, un phénomène apparenté s'était produit, mais du côté des entreprises.
Peu probable que ce risque se concrétise. Le taux d'endettement des entreprises et des ménages américains, qui avait dépassé les 140 % du PIB en 2008-2009, est en régression et s'établit plutôt légèrement au-dessus des 120 %.
Troisième risque : une correction du prix des actifs
L'assouplissement quantitatif aux États-Unis a eu pour effet de faire grimper de manière importante la valeur des actifs (voir le tableau, dans la colonne de gauche). Particulièrement dans le secteur de l'immobilier.
En 2000, l'éclatement de la bulle boursière avait fait reculer l'économie. En 2008, la même chose s'était produite, mais du côté de l'immobilier. L'analyste Patrick Artus, auteur du commentaire de Natixis, estime qu'il est possible que le phénomène se reproduise. Les actifs lui semblent actuellement surévalués, et un dégonflement aurait un effet néfaste sur le sentiment de richesse.
Quatrième risque : une chute importante des investissements
Une autre menace qui ne serait pas anodine. Les sociétés américaines ont investi massivement au cours des derniers mois, ce qui contribue à donner de l'élan à l'économie américaine.
Le ratio des investissements productifs par rapport au PIB dépasse maintenant les 12 %. En 2000, l'économie américaine était passée en mode reculons lorsque le ratio avait atteint 11 %. En 2008-2009, le même phénomène s'était produit à un ratio de 12 %.
Ici aussi donc, il y a risque de déraillement.
Au final ?
Deux événements du passé pourraient se reproduire, selon Natixis.
On n'est pas convaincu de la surévaluation du marché boursier. À 18 fois les bénéfices prévus de 2015 et à 16 fois ceux de 2016, les valeurs sont certes riches, mais pas de nature à déclencher par elles-mêmes une forte secousse.
C'est un choc extérieur qui pourrait déclencher des craintes sur les bénéfices. Il y a, dans une éventuelle hausse des taux d'intérêt, une possibilité de choc externe sur la richesse immobilière (et par effet domino sur l'économie). Cette hausse devrait cependant être graduelle. Bien qu'il y ait eu un redressement, les prix de l'immobilier sont encore 30 % plus faibles (ajustés en fonction de l'inflation) que ceux qui avaient engendré la crise de 2008.
Le consensus de croissance économique est probablement trop optimiste, mais il se pourrait bien que le cycle se prolonge jusqu'à la fin de 2017. Avec une Bourse offrant des rendements modérés, corrigeant parfois, mais n'affichant pas de recul par rapport à aujourd'hui.