On s'attendait à ce que l'ambiance soit assez maussade. Les derniers développements – le report de l'entrée en service du CSeries et les 1 700 mises à pieds dans l'aéronautique - ne pointaient pas vers une formidable atmosphère pour l'assemblée annuelle de Bombardier. Pourtant, tel ne fut pas le cas.
L'humeur était assez bonne jeudi et relativement optimiste.
Un récent financement a permis de repousser des échéances et d'aller chercher 500 M$ US d'argent supplémentaire, ce qui semble avoir rassuré les esprits sur la capacité de l'entreprise à mener à terme ses projets. Les essais en vol du CSeries semblent aussi bien se dérouler. Devant les actionnaires, le patron de la division aéronautique, Guy Hachey, a précisé que les résultats (consommation de carburant, puissance, comportement en général) sont conformes aux anticipations de Bombardier et à ses calculs.
Il y avait donc des sourires et pas vraiment de grincements de dents.
Ce qu'on retient de l'assemblée?
Deux choses.
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La première: il faudra probablement encore quelques mois avant que des commandes de CSeries ne viennent. Les tests ne sont pas encore très avancés. L'appareil est par exemple pour l'instant uniquement testé en mode manuel et n'a pas encore été opéré avec les ordinateurs de vol. Le salon de Farnborough à l'été semble trop rapproché pour générer une grande récolte de commandes.
La seconde, et c'est ce qui nous a le plus frappé: une petite omission dans l'allocution de Pierre Beaudoin.
À pareille date l'an dernier, monsieur Beaudoin disait: "Nous planifions, dans un horizon de cinq ans et plus, augmenter nos revenus de 10 à 16 G$ US…".
Il a cette année indiqué "nous visons 10 à 15 G$ US de revenus annuels additionnels dans un horizon de 5 ans".
Jusque-là, rien de très nouveau. On est dans les mêmes eaux.
L'an dernier, monsieur Beaudoin avait cependant aussi dit: "nous prévoyons augmenter notre marge bénéficiaire (avant intérêts et impôts), de 3 à 4 points de pourcentage par rapport à 2012".
Cette année?
Rien!
À l'évidence, la direction de Bombardier a décidé d'être plus prudente en ce qui concerne l'avenir.
Où se trouve la zone d'ombre?
Dans son allocution, le nouveau patron de la division Transport, Lutz Bertling, a dit viser une marge bénéficiaire de 6% pour 2014, et a précisé que l'objectif à atteindre demeurait le 8%. Ce 8% est la cible qu'a toujours eue Bombardier.
Monsieur Hachey, de son côté, s'est montré nettement plus circonspect. Il a parlé de la marge enregistrée au dernier trimestre (5%) et dit qu'elle était supérieure à l'an dernier (4,5%). Sans plus.
Décryptage: Bombardier ne semble plus aussi sûre de ce que sera sa marge dans l'aéronautique dans cinq ans.
Pourquoi?
Ce n'est pas clair.
Ce que vaudra Bombardier dans cinq ans, prise 1
Ce que vaudra Bombardier dans cinq ans, prise 1
L'an dernier, au lendemain de l'assemblée, on s'était livré à un petit exercice d'évaluation où l'on tentait de voir ce que pourrait valoir le titre de la société dans cinq ans.
On avait utilisé la méthode de la valeur d'entreprise, qui consiste à appliquer un multiple au bénéfice avant intérêts et impôts (BAII), à soustraire la dette de la société, et à diviser le résultat par le nombre d'actions en circulation.
Il était présumé que la dette augmenterait dans les trimestres à venir, mais qu'elle commencerait ensuite à reculer au fur et à mesure que les flux de trésorerie augmenteraient, ce qui, dans cinq ans, la ramènerait à peu près au niveau initial.
Il était aussi présumé que le multiple de 11 fois le BAII auquel se négociait alors Bombardier ne bougerait pas. Ce qui est tout aussi incertain que le niveau de dette futur. Mais il faut bien scénariser quelque part.
Les résultats de l'exercice étaient les suivants:
-Dans l'éventualité où les revenus grimpaient de 10 G$ US et que la marge augmentait de 3%, le titre se négocierait alors à 12$.
-Dans l'éventualité où les revenus grimpaient de 16G $ US et que la marge augmentait de 4%, le titre avancerait plutôt à 17,25$.
Dans le scénario le plus pessimiste, un investisseur faisait 3 fois le prix actuel du titre (4,15$), dans le plus optimiste, quatre fois.
Ce que vaudra Bombardier dans cinq ans, prise 2
Devant la nouvelle prudence de Bombardier, on a décidé de faire de nouveaux calculs.
-Dans le premier cas, celui où les revenus augmentent de 10 G$ US, on a fait grimper la marge de la division Transport à son objectif de 8%, mais on a laissé la marge de la division aéronautique à son niveau actuel de 5%. En envoyant la hausse des revenus à 75% dans l'aéronautique et à 25% dans le transport (à cause d'autres prévisions fournies par monsieur Hachey dans son allocution). On arrive dans cinq ans à une valeur de 8,75$ pour l'action.
-Dans le second cas, celui où les revenus augmentent de 15 G$ US, avec les mêmes hypothèses, on arrive à une action qui vaut 11$ dans cinq ans.
Conclusion?
Il n'est pas impossible que les scénarios de la prise 1 soient encore les bons. La marge dans l'aéronautique pourrait en effet augmenter par rapport à aujourd'hui. Avec toutes les mésaventures de Bombardier, on se rabattrait cependant davantage sur les scénarios prise 2.
Si un investisseur croit que les prévisions de ventes de l'entreprise se matérialiseront, c'est encore un rendement potentiel fort intéressant (un doublé ou un triplé sur cinq ans). Le risque demeure néanmoins important.
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