La déclaration est encore revenue, en matinée, lors d'une entrevue de François Legault à la radio de la SRC.
"Monsieur Couillard veut repousser l'atteinte de l'équilibre budgétaire de plusieurs années, rappelez-vous de sa déclaration d'il y a quelques semaines", a-t-il dit en substance, en dénonçant l'intention.
- C'est vrai que ce n'est toujours pas très clair cette histoire-là, s'est-on dit, de notre côté.
Coup de fil au Parti libéral et entretien avec Philippe Couillard.
D'abord un peu de contexte
La déclaration de monsieur Couillard, à la veille de la mise à jour économique, était la suivante: "…personne ne s'attend à ce qu'on puisse équilibrer le budget pour l'année (2013-14). Pour l'année prochaine, on doit s'approcher le plus possible de l'équilibre et avoir un plan pour les deux ou trois années suivantes, qui nous amène vers un équilibre solide, vers un plan crédible."
Le lendemain, les stratèges du parti sortaient pour dire que l'intention libérale était que le Québec atteigne l'équilibre budgétaire en 2014-15, et qu'il n'y avait pas d'incohérence avec ce qu'avait dit monsieur Couillard.
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À notre connaissance, Philippe Couillard lui-même ne s'était cependant pas expliqué clairement sur sa déclaration.
"Ce que je voulais dire, c'est que je craignais que l'on s'embarque sur plusieurs années de déficit. Je me suis mal exprimé. Ce que l'on souhaite, c'est un équilibre budgétaire pour 2014-15", a-t-il dit mercredi.
Voilà, la chose est maintenant clarifiée.
Est-ce vraiment réaliste?
Réaliste qu'un équilibre budgétaire en 2014-15?
Le chef libéral y croit. Il estime que le Parti québécois a fait d'importantes erreurs. Avec son projet de redevances, il a grandement nui au Plan nord, et fait perdre confiance dans le Québec à l'industrie minière mondiale. Il reconnaît que le contexte des ressources n'était pas facile, mais estime que c'est la politique du gouvernement qui a pesé le plus lourd dans la chute des investissements.
Monsieur Couillard croit aussi que le gouvernement n'aurait pas dû ralentir la cadence des investissements dans les infrastructures, ce dont il vient d'ailleurs de s'apercevoir en annonçant une légère accélération. Il aurait enfin utilisé plus rapidement les crédits d'impôt pour stimuler l'industrie de la construction, comprend-t-on.
Le plus intéressant
Le plus intéressant
Le plus intéressant de la discussion est cependant venu sur la question des dépenses.
Il faut à son avis introduire une politique du "cran d'arrêt", qui fait en sorte que tout ajout de programme serait compensé par une compression de dépenses.
- Mais on ne semble pas structurellement à l'équilibre budgétaire. Est-ce que vraiment, il est suffisant de dire qu'on compressera des dépenses si on ajoute des programmes? Si en cycle normal, les revenus ne couvrent pas les dépenses, ne faut-il pas tout de suite compresser les dépenses?, a-t-on demandé.
Monsieur Couillard ne nie pas que l'on puisse être en situation de déficit structurel, mais semble vouloir y aller par étape. "Commençons par dire qu'on n'ajoutera pas de programmes et de nouvelles dépenses, et que si on en ajoute, on coupera ailleurs. Ce sera déjà un gros progrès."
Le chef libéral verra à l'avance venir la question sur les compressions que fait miroiter la CAQ (chez Hydro-Québec et en abolissant notamment les commissions scolaires). "C'est facile à dire qu'on va retrancher 1,4 G$, mais je veux dire des choses réalistes", lance-t-il.
On discutera ensuite de la décision du PQ de renflouer les déficits à venir sur 12 ans. Une situation qui nous apparaît personnellement nettement trop étirée, en ce que la probabilité est extrême que la période soit marquée par un nouveau cycle baissier. Il dira être en désaccord avec le PQ, mais la conversation tournera et on n'obtiendra pas de réponse précise sur la période sur laquelle il amortirait le déficit de cette année, et celui de l'an prochain, si jamais une équipe libérale prenait le pouvoir (et ne parvenait pas à atteindre son objectif en 2014-15).
Ce que l'on retient de l'entretien?
Plus que le Parti québécois, monsieur Couillard semble penser que l'on est en déficit structurel. Comme le Parti québécois, il semble cependant prêt à attendre encore un peu pour s'en assurer et mieux mesurer l'ampleur de ce déficit structurel.
On est personnellement convaincu que le déficit est structurel. Le simple fait de devoir mettre le remboursement des déficits prévus sur 12 ans plutôt que 5 ans pour espérer toucher les cibles en est l'illustration.
Disons au passage que ce problème structurel risque de s'accentuer. C'est ce que laisse entrevoir une récente analyse des chercheurs du Cirano Nicolas-James Clavet, Jean-Yves Duclos, Bernard Fortin, Steeve Marchand et Pierre-Carl Michaud sur le coût des soins de santé dans l'avenir. À ce chapitre, il faudra cependant voir l'espace fiscal que pourrait libérer le gouvernement fédéral. De récentes études du directeur parlementaire à Ottawa prévoient en effet aussi d'importants surplus à Ottawa dans l'avenir.
Il sera intéressant de voir la prochaine campagne électorale. Mais déjà, les camps semblent positionnés. Le Parti québécois et le Parti libéral ne parleront pas de coupes supplémentaires dans les dépenses.
La CAQ, elle, en fera assurément son cheval de bataille. Bien difficile de voir cependant comment, dans le contexte actuel, elle peut en même temps vouloir introduire des baisses d'impôt (abolition de la taxe scolaire et de la taxe santé).
Assez curieusement, aucun parti ne semble prêt à reconnaître un déficit structurel dans toute sa portée. Les faits sont têtus, on finira par y arriver.
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