C'est une bonne performance absolue et relative que vient encore une fois de livrer la Caisse de dépôt et placement. Souhaitons maintenant que la performance de l'institution diminue dans les années à venir. Oui, oui, diminue.
D'abord sur les derniers chiffres.
L'approche ne fait pas l'unanimité, mais on aime bien analyser la performance de l'institution sous deux angles.
Premier angle: la performance par rapport aux indices de référence
La Caisse présente ses rendements par rapport à des repères prédéterminés qu'elle souhaite évidemment battre à long terme.
En 2014, l'ensemble des portefeuilles de l'institution a livré un rendement de 12%. Sur quatre ans, le résultat est à 9,6% annuellement.
Sur les deux périodes, la Caisse fait mieux que son portefeuille de référence, qui affiche un rendement un an à 11,4%, et quatre ans à 9,3%.
C'est parfait.
Cette méthode d'évaluation de la performance est bonne, mais elle est remplie d'imperfections.
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Les indices comparatifs de la Caisse sont souvent imprécis. Ceux en infrastructures et en immobiliers ne sont pas toujours comparables avec ses stratégies d'investissement. En immobilier, par exemple, avant de se mettre à liquider la plupart de ses participations hôtelières, la Caisse était assez présente dans le secteur. L'indice, lui, n'avait aucune représentation du secteur. Dans les infrastructures, la Caisse a beaucoup d'investissements privés, mais les indices représentent surtout la performance de placements publics.
Ces deux repères ont, ces dernières années, nui à la performance relative de la Caisse. Inversement, on peut par contre se demander si l'indice de son nouveau portefeuille Actions Qualité mondiales, n'est pas trop peu exigeant et ne vient pas faire mieux paraître sa performance (rendement de 18,5% contre 11,6% pour l'indice).
Deuxième angle d'évaluation de la performance: le régime des rentes
C'est pour cette raison que l'on aime bien personnellement utiliser un autre test de performance: celui du régime des rentes. On met de côté tous les portefeuilles et indices et l'on regarde simplement sa performance par rapport à celle des autres caisses de retraite.
Idéalement, on devrait comparer cette performance sur quatre ans avec les grandes caisses de retraite comme Omers et Teachers. Malheureusement, souvent les exercices financiers de ces grands régimes courent sur des périodes différentes (31 mars ou autres dates). Souvent aussi la performance est livrée sur des horizons différents (cinq ans plutôt que quatre).
Si bien que l'on n'est jamais vraiment capable d'avoir une appréciation de performance précise par rapport aux pairs, du moins au moment des résultats.
Il reste la performance des caisses de retraite dans leur ensemble. RBC Services aux investisseurs rapporte que la performance médiane des caisses de retraite canadiennes sur quatre ans est à 9,3% (par année). Celle du régime des rentes est à 10,2%.
Évidemment, on ne parle pas du tout du même coffre à outils de placements. Il n'en reste pas moins que l'écart permet de voir que l'existence de la Caisse permet de bonifier significativement le rendement.
Test deux aussi réussit. D'où le constat de la bonne performance.
Pourquoi il est souhaitable que la performance diminue
Pourquoi il est souhaitable que la performance diminue
La plus intéressante portion de la conférence de la Caisse a porté sur son plan de match pour les prochaines années. Rien de neuf, mais des précisions et des éclaircissements.
"Qualité, qualité, qualité", attendez-vous à entendre le dicton régulièrement dans l'avenir. La Caisse veut investir dans des sociétés solides, qui ne livreront pas nécessairement de rendements explosifs à court terme, mais de bons rendements à long terme.
Elle veut aussi accentuer ses investissements en infrastructure et en immobilier.
Difficulté: tout commence à être assez bien évalué. Et l'on s'approche en fait de la porte d'entrée de la surévaluation.
Il suffit de voir la progression de certains indices. Le S&P 500 a avancé de plus de 44% sur deux ans et est maintenant à 18 fois les bénéfices.
Dans l'un de ses communiqués, la Caisse fait en outre remarquer que, dans les infrastructures, 75% du rendement de son indice comparatif est attribuable à la simple hausse des multiples, pas à une amélioration de rentabilité. Il est bien de vouloir augmenter son exposition aux infrastructures, mais il ne semble pas trop se trouver d'aubaines là non plus. À moins bien entendu d'être promoteur et de partir un projet à zéro (comme on veut le faire à Montréal avec le pont Champlain et le train de l'Ouest), mais, là, se trouvent des risques d'exécution importants et il faut avancer avec prudence.
La situation est la même dans le secteur immobilier où les taux d'intérêt ne peuvent plus tellement baisser et faire monter les valeurs.
On a beau investir dans de la qualité, les multiples des sociétés de qualité enflent également. Et parfois plus que les autres, justement parce qu'elles sont de qualité.
Il ne s'agit pas de dire que le plan de match n'est pas bon. Plutôt l'inverse. Il est excellent. Sur une très longue durée, il est intelligent d'investir dans des actifs de très grande qualité. Ils traversent les décennies et amènent une pérennité de rendement que la majorité des sociétés ne seront pas capables de produire.
Mais ces actifs de qualité sont aussi souvent payés à bon prix et il est assuré que leur valeur ne résisterait pas plus que les autres à une chute de marché occasionnée par une surévaluation.
C'est dans la tourmente que les directions tombent, et, en même temps qu'elles, les plans de match. Même s'ils sont les meilleurs à long terme.
C'est pour cela que l'on souhaite que la performance future de la Caisse et des marchés diminue. Des croissances annuelles de 12% risqueraient de nous amener des joies bien éphémères et de détruire une bonne stratégie.
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