C'est avec une certaine surprise que l'on a appris, il y a quelques jours, que le gouvernement n'entendait pas toucher aux conventions collectives du secteur public.
"Humm… Ça y est, la cible ne sera pas atteinte cette année, et 2015-16 ne sera pas à l'équilibre. Misère… Quel plan le gouvernement peut-il bien avoir à l'esprit?", n'a-t-on pu retenir sur la nouvelle.
Réflexion faîte, l'État semble vouloir faire un petit pari sur la croissance économique et courtiser les syndicats pour pouvoir récupérer plus un peu plus tard.
La situation actuelle
D'abord un retour sur la situation (ceux qui n'aiment pas la mécanique financière peuvent aller à la page suivante sur la solution qui pourrait être dans les cartons).
Il manque officiellement 3,7 G$ pour atteindre l'objectif 2014-15 (un déficit de 1,75 G$). Près de 1,8 G$ de mesures ont déjà été identifiées par le gouvernement. Mais, en date de l'évaluation des experts Luc Godbout et Claude Montmarquette, il restait 1,9 G$ à trouver.
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Étant donné les promesses électorales libérales déjà annoncées (crédits à la rénovation, forêt et garderies), le manque à gagner est grimpé à 2,1 G$. Mais est redescendu à 1,6 G$ avec la décision du gouvernement de récupérer 490 M$ par une directive administrative, qui porte notamment sur le gel des embauches et des gains de productivité équivalent à 2% de la masse salariale.
Chaque pourcentage d'augmentation de salaire des employés de l'État aurait permis de récupérer entre 300 et 400 M$. En annulant les augmentations de salaire des employés de l'État (2%) c'est autour de 700 M$ qu'il était possible d'aller chercher pour l'exercice en cours. Ce qui permettait de faire un bon bout de chemin sur le 1,6 G$.
En l'absence de ces gains, où ira-t-on chercher les économies nécessaires?
Les experts suggèrent un gel de la masse salariale. Résumons en disant que sans toucher aux augmentations de salaires, ou renier des ententes avec des groupes de salariés, il est difficile de voir comment le gouvernement peut réussir à geler la masse salariale. Il réussira à trouver le 490 M$ qu'il vient de demander sur celle-ci. D'ailleurs, la CAQ visait une récupération de 521 M$ sur cette masse salariale à la première année de son cadre financier, on est dans les mêmes eaux. Plus élevé, n'est pas raisonnable, si l'objectif est, comme on le dit, de ne pas affecter les services.
Rien à tirer de la masse salariale, donc. Sauf peut-être chez les médecins, où l'on parle d'une récupération possible de 500 M$, en étalant la hausse de salaire prévue. Ce ne sera sûrement pas 500 M$, mais soyons optimistes et retenons 400 M$.
Le programme du PLQ prévoyait un effort supplémentaire de 200 M$ des sociétés d'État. Ça devrait fonctionner. Bien que probablement partiellement, une partie de l'effort étant déjà dans la dernière commande de 490 M$.
On peut penser aux 450 M$ de crédits d'impôts aux entreprises que la CAQ suggérait de geler pour un an. Avec toute l'importance qu'accorde le gouvernement à la relance de l'économie, il serait cependant bien étonnant de le voir agir ici tout de suite. Du moins significativement.
Les autres mesures de compression au plan de la CAQ touchaient l'optimisation des approvisionnements (250 M$), la révision des dépenses en informatique (300 M$) et la révision de la politique économique du PQ (276 M$).
Si toutes ces mesures sont applicables, et que l'on combine avec un éventuel étalement de la hausse de rémunération des médecins (économie présumée de 400 M$), il y a peut-être moyen de s'approcher de la cible pour cette année.
La difficulté
La difficulté
La difficulté est cependant qu'en étalant la hausse des médecins, on pousse vers l'avenir ce 400 M$. Et que pour l'an prochain, mis à part une nouvelle ronde de compression équivalente à celle de cette année (490 M$), le carquois commence à être pas mal vide de mesures de compressions pour arriver à l'équilibre budgétaire. Il faudra cette année-là ramener la croissance des dépenses non pas à 2,5%, mais à 2%. Et même en réussissant, il y a un écart à résorber de 530 M$ (330 M$ si l'on tient compte de la réserve). Sans ponction sur les hausses de salaires, ambitieux, comme dirait le Vérificateur.
Que prépare le gouvernement?
Bien malin celui qui peut le prédire.
On suspecte personnellement qu'il s'apprête à faire le pari d'une croissance économique supérieure aux prévisions pour 2015-16, qui viendrait en bonne partie régler les difficultés. De même que le pari de syndicats collaborateurs.
Il pourrait bien avoir raison sur le pari de la croissance. Bien que le PIB ait fait du surplace aux États-Unis au dernier trimestre, la création d'emplois a été nettement supérieure aux attentes.
Il reste à voir cependant s'il est prêt à l'écrire dans le prochain budget. On voit mal le gouvernement promettre de régler le problème de l'équilibre en haussant ses prévisions de revenus. Dans le contexte actuel, ce serait manquer de prudence.
Lors du dernier budget, en traînant autour des haut-fonctionnaires, on avait par ailleurs demandé quelle hypothèse d'augmentation salariale avait été prévue dans les projections des années à venir. La réponse avait été: 2%.
Si tel est bien le cas, le gouvernement pourrait bien être tenté d'offrir de plus faibles hausses que ce qui est budgété dans les prochaines années, de manière à récupérer de l'argent. L'offre pourrait aller en crescendo (avec un gel la première année, et des augmentations plus intéressantes ensuite) et être assortie de conditions quant à la progression des revenus de l'État.
Il est peu probable ici aussi que l'on puisse l'écrire de la sorte dans le budget. Histoire de ne pas trop montrer sa main.
Quand même, une drôle de situation, où l'on pourrait avoir un plan et ne pas pouvoir vraiment l'exposer.
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