C'est un curieux budget que ce deuxième du ministre des Finances, Carlos Leitao. Il comporte à la fois des mesures de resserrement importantes et des cadeaux. Pas un mauvais budget, mais les bonbons arrivent nettement trop tôt.
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L'année qui s'amorce le 1er avril en sera une de craquements alors que le système québécois devra absorber plusieurs compressions et hausses de tarifs, en plus de composer avec la frustration de ses salariés.
Pour donner un peu de perspective sur l'effort de compression, les dépenses consolidées ont grimpé de 2,3% en 2014-15, la plus faible croissance des dernières années. Elles ne grimperont pourtant cette année que de 1,5%. En santé, les coûts grimpaient l'an dernier à 3%, ils ne seront cette année qu'à 1,4%. En éducation, on passe d'une croissance de budget de 1,6% l'an dernier à 0,6% (c'est inscrit 0,2% dans les documents, mais il y a apparemment un ajustement à faire pour avoir des pommes avec des pommes).
Qui sera affecté?
Il y quatre types de perdants.
-Les employés de l'État, dont les salaires sont gelés.
-Les usagers des systèmes d'éducation et de santé (parents, élèves, patients, etc.). Il y a ici beaucoup de brouillard. La diminution de la croissance des dépenses est importante et, aux yeux du passé (voir les progressions de dépenses plus haut), les coûts de système ne sont pas couverts. Ça devrait vouloir dire coupe de services. Le gouvernement note cependant que les salariés de l'État sont gelés, alors qu'ils avaient reçu des augmentations de 2% l'an dernier. Il ajoute qu'il y aura également des gains d'efficacité. Bref que les services à la population ne seront pas réellement affectés. On ne mettrait pas la maison là-dessus.
-Le contribuable. Il y a le 300 M$ de récupération dans les municipalités, qui, pour certains citoyens, sont récemment rentrés dans le compte de taxes. Il y a aussi les hausses de tarifs dans les garderies, qui toucheront significativement les familles plus en moyen. Il y a enfin une flopée de mesures annoncées préalablement sur l'immatriculation des plus grosses cylindrées et un certain nombre d'autres mesures.
-Les journalistes. C'est la quatrième cohorte de perdants de ce budget. Ceux qui s'efforcent de livrer l'information la plus précise possible. Il y a 769 M$ de nouvelles récupérations annoncées dans ce budget. La plupart des économies associées à ces initiatives ne sont pas fournies. On a pu identifier quelques coûts (dont 150 M$ pour une baisse de prime à la Financière agricole en raison de l'amélioration des marchés), mais pour une bonne partie du 769 M$, on n'a aucune idée où se trouvent les compressions.
C'est vraiment dommage. Québec est toujours capable de détailler et chiffrer ses cadeaux, mais sur les compressions, il y a nettement plus de confusion.
Passons maintenant aux cadeaux.
Les cadeaux
Les cadeaux
Il y en a un certain nombre.
Pour les particuliers: abolition de la taxe santé, introduction du bouclier fiscal et introduction d'une prime au travail après 63 ans.
Tout ça n'arrive cependant pas cette année, c'est plutôt pour l'an prochain et les suivantes.
Chez les entreprises, il y a quelques cadeaux. Diminution de l'impôt sur le revenus de 8% à 4% pour les PME du secteur primaire (forêt, agriculture et pêche); réduction du taux général d'imposition de toutes les sociétés de 11,9% à 11,5%. Encore ici, rien ne commence avant l'an prochain.
Il y a aussi le rétablissement de certains crédits à l'industrie du multimédia, du cinéma et de la culture; un peu plus d'argent pour la stratégie maritime; et une hausse des crédits d'impôt pour les grands projets (déjà annoncée dans ce cas).
Pourquoi va-t-on si vite avec les cadeaux?
Le retour à l'équilibre budgétaire est une nécessité. Les craquements que fera entendre le système cette année sont un mal pour un bien futur. Il faut mettre les programmes sociaux à l'abri des secousses économiques à venir. Et pour le faire, il était nécessaire d'arriver à un équilibre financier structurel qui cesse de faire grimper la dette du Québec.
Celle-ci commencera à reculer cette année pour la première fois depuis 2009. Elle (la dette brute) passera de 54,9% à 54%.
L'objectif est de la ramener à 45% du PIB d'ici 2026.
En apparence, la route est bien tracée, alors que les projections financières du gouvernement placent la dette à 49,4% en 2020.
La difficulté est que les projections ne prennent pas en compte la probabilité d'une récession. Et qu'il y a de bonnes chances que cela survienne.
En 2007-2008, avant que le trouble ne prenne, la dette nette du Québec représentait 40% du PIB, font voir les chiffres de l'Institut du Québec. Elle aujourd'hui à 50% du PIB. On voit l'ampleur que peut avoir un ressac économique sur la dette.
Pourquoi courir le risque qu'une nouvelle récession ne nous frappe avant que l'on soit revenu à des niveaux où la dette causerait moins de difficultés?
La province devrait se dépêcher de courir à l'atteinte d'un ratio dette/PIB de 45% (pour la dette brute) et 40% (pour la dette nette). Une fois rendu, on pourra alors y aller de baisses d'impôts et de cadeaux.
La sortie du plat de bonbons est prématurée, le plan de match n'est pas le meilleur pour le Québec.
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