Ce que l'on retient du dernier budget fédéral? La transparence des documents budgétaires est limitée; les investissements à court terme sont plus faibles que ce qui était prévu au départ, ceux projetés à long terme sont d'une force surprenante. Dans quatre ans, le gouvernement pourrait bien paraître, mais il devra dire quelques chapelets pour qu'une récession ne se présente pas.
D'abord sur la transparence.
Le gouvernement de Justin Trudeau, qui prêche la transparence, y fait malheureusement entorse à un endroit important.
Il est coutume de fournir un tableau qui permet de voir rapidement quelles mesures ont été abolies par rapport à l'ancien budget et quelles mesures sont nouvelles, avec les coûts (récupérés ou à encourir) pour chacune. Ce tableau n'y est pas cette année. Les hauts fonctionnaires ont tous reconnu son utilité passée, et ne pouvaient expliquer son absence que par cette simple phrase: décision du gouvernement.
Pas facile dans ces circonstances de repérer rapidement des mesures qui ont pu être abolies. On ne parle pas nécessairement de gros morceaux, mais cette page récapitulative n'est vraisemblablement pas disparue pour rien.
Autre élément de transparence. Le gouvernement investit davantage en infrastructures, 11,9 milliards (G)$ d'argent neuf sur cinq ans. Et en promet au total pour 120 G$ sur 10 ans. Il aurait été intéressant d'avoir l'information sur ce que le dernier budget projetait comme investissements sur cinq ans et sur 10 ans. De manière à pouvoir faire des pourcentages et mieux évaluer la force véritable des augmentations prévues. Malheureusement, les fonctionnaires n'étaient apparemment autorisés à fournir des chiffres que sur le budget 2016 et non sur le budget 2015.
On notera au passage que le programme électoral des libéraux prévoyait des investissements supplémentaires de 17 G$ sur quatre ans, comparativement aux 11,9 G$ supplémentaires annoncés sur cinq ans. Il s'agit d'un stimulus qui est significativement plus faible que prévu.
Que penser du déficit?
Le budget prévoit un déficit de 29,4 G$ pour 2016-17, ce qui est somme toute conforme aux attentes de plusieurs analystes. Le déficit devrait baisser à 17,7 G$ en 2019-20, année électorale pour le gouvernement, et être à 14,3 G$ l'année suivante.
En théorie, le renflouement du déficit s'opère par la simple progression du PIB nominal, à raison de plus de 4% par année dans les prochains exercices.
Le ministre des Finances, Bill Morneau, a même soutenu en conférence de presse qu'il croyait que l'on pourrait être revenu à l'équilibre budgétaire dans cinq ans.
L'affirmation nous a un peu surpris. Pour deux raisons.
1- Elle présume que le gouvernement réussira un contrôle assez serré des dépenses. Entre 2015-16 les charges totales de programmes ont augmenté de 6,7%; l'année précédente, elles avaient augmenté de 2,4%. Le gouvernement conservateur était réputé tenir les cordons de la bourse assez serrés. Les projections actuelles ne tablent que sur des augmentations de 1,3% en 2017-18 et 1,7% en 2018-19. Ce n'est pas illogique, Ottawa projetant notamment à ce moment dépenser un peu moins en infrastructures que dans les deux années précédentes. Mais quand même, c'est faible et ça n'apparaît pas dans le sac.
2- La seconde hésitation à adhérer au pronostic vient du fait que, comme chaque fois lorsque l'on fait un budget, personne n'introduit une ou deux années de récession dans le chiffrier. Peut-être n'entrerons-nous pas en récession, mais, au rythme où vont les choses actuellement, les prévisions de croissance économique pour les prochaines années nous apparaissent toujours un peu fortes. Les prévisions de la Banque TD, qui sont pour une croissance du PIB nominal sous les 4% dans les prochaines années, semblent plus prudentes.
Au final?
Ce budget devrait rendre heureuse la classe moyenne, qui reçoit d'intéressantes diminutions d'impôts. Le programme de stimulation est aussi pertinent. D'autant qu'il commence par retaper et mettre à niveau la maison. Une bonne part des investissements seront affectés à remédier à nos problèmes de traitement des eaux, une autre au transport en commun. Dans le premier cas, ça s'imposait, dans le second, c'est une potentielle amélioration de la productivité sociale (réduire le temps d'un citoyen dans le trafic, c'est augmenter son temps de disponibilité au travail ou son temps de consommation).
Côté déficit, le ratio dette/PIB devrait pendant ce temps baisser par rapport à aujourd'hui sur l'horizon électoral.
Il faut cependant pour cela qu'aucune récession ne se présente dans les prochaines années.
On a personnellement des doutes sur ce que sera l'état des finances publiques dans quatre ans. Nullement catastrophique, mais probablement plus dans le rouge que ce qui est annoncé. D'où quelques doutes aussi sur le réalisme de cet engagement d'investir 120 G$ en infrastructures sur 10 ans.
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