BLOGUE. Ce premier véritable budget d'un gouvernement conservateur majoritaire risque de faire couler de l'encre. Il annonce plusieurs mesures qui changeront, à court terme, la vie de plusieurs, et, à long terme, la retraite de la plupart. La rationalisation va-t-elle trop loin?
D'ici trois ans, en même temps que la cenne noire, près de 19 000 postes auront disparu dans les services fédéraux, soit 4,8% de l'effectif. Beaucoup de postes seront abolis par suite de départs à la retraite, mais 12 000 salariés perdront tout simplement leur emploi.
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La mesure fait suite à l'examen fonctionnel de l'appareil gouvernemental commandé l'an dernier. On visait initialement à identifier pour 4 G$ de dépenses à compresser sur trois ans, l'opération a finalement permis d'en identifier pour 5,2 G$.
Le coup de sabre devrait notamment permettre de gagner en efficacité et d'éliminer des dédoublements. Tous les ministères écopent, de même que nombre d'organisations périphériques (comme Radio-Canada, avec 10% d'amputation). Différents programmes (comme Katimavik) tombent aussi.
Fin de l'effort demandé?
Pas vraiment. Le gouvernement annonce qu'il poursuivra l'examen de diverses avenues de rationalisation ou de gain d'efficacité. Il avertit en outre ses salariés que leur cotisation au régime de retraite passera de 37% à 50%. L'âge de leur retraite sera aussi porté de 60 à 65 ans.
À tous les Canadiens, il annonce par ailleurs que l'âge de la retraite (droit à la pension) passera dans 10 ans de 65 à 67 ans.
Les Conservateurs coupent-ils trop?
La grande question. Non et oui. Et voici pourquoi.
Les 5,2 G$ de coupes ne sont pas de trop. On peut discuter du choix des mesures (et c'est assurément ce qui se fera dans les prochains jours), mais il faut bien un jour atteindre l'équilibre financier. Et, dans les circonstances d'incertitude actuelles, mieux vaut plus tôt que tard.
Le déficit 2011-2012 devrait être d'environ 25 G$, celui de cette année devrait atteindre 21,1 G$. Malgré les mesures annoncées, le retour à l'équilibre n'est toujours prévu que pour 2015-16.
S'ajoute le fait que, si le système peut fonctionner et livrer des prestations d'une qualité à peu près similaire, avec moins de coûts, on ne voit pas trop pourquoi le contribuable devrait continuer d'assumer ces coûts. Il apparaît y avoir de l'espace de compression sans que l'essentiel ne soit perdu: le gouvernement note en effet que l'on ne retranchera que 20% de l'augmentation de la fonction publique depuis la fin des années 1990 (de 1998 à 2011, l'effectif a augmenté de 95 000 employés pour atteindre un peu moins de 400 000 salariés).
Là où le débat risque de devenir intéressant
À court terme, donc, les Conservateurs ne coupent pas trop.
À long terme cependant, il se pourrait bien que l'on soit en train d'aller bien au-delà de ce qui a vraiment besoin d'être retranché. Et que la chose conduise sous peu à un surprenant débat. Restez jusqu'à la fin, particulièrement si vous êtes amateur de politique.
Notre couverture du budget fédéral 2012
Là où le débat risque de devenir intéressant
À court terme, donc, les Conservateurs ne coupent pas trop.
À long terme cependant, il se pourrait bien que l'on soit en train d'aller bien au-delà de ce qui a vraiment besoin d'être retranché. Et que la chose conduise sous peu à un surprenant débat. Restez jusqu'à la fin, particulièrement si vous êtes amateur de politique.
En février, le Bureau du directeur parlementaire du budget, un organisme indépendant chargé de mieux informer les parlementaires, publiait un intéressant rapport évaluant la viabilité financière de la structure budgétaire fédérale dans l'avenir.
L'exercice faisait notamment suite à l'annonce par Ottawa du plafonnement, à compter de 2017-18, des paiements de transfert en santé aux provinces. À cette date, ils ne seront plus haussés de 6% par année, mais plutôt autour de 4%.
Le calcul concluait qu'en projetant sur une longue période les finances publiques fédérales, à travers différents cycles économiques, la structure fédérale offrait une latitude annuelle se situant entre 15 G$ et 23 G$. Dit autrement, si le gouvernement abaissait cette année les impôts de 15 à 23 G$ ou augmentait les services de montants équivalents, il maintiendrait tout de même à long terme ses finances à l'équilibre.
L'étude attendait des économies de 4G$ en provenance de l'analyse des dépenses en cours. Elles sont finalement de 5,2 G$. Elle ne tenait pas non plus compte des compressions supplémentaires qu'on entend continuer d'effectuer. Ni du report de l'âge de la retraite.
Constat: lors du prochain calcul du directeur parlementaire, le surplus structurel devrait être nettement plus élevé.
Pendant ce temps, les calculs démontrent qu'à partir de 2017-2018 les finances des provinces se détérioreront nettement si elles souhaitent maintenir leur système de santé à flot. À titre d'exemple, le ratio de la dette/PIB des provinces, qui se trouve actuellement à 20%, devrait exploser à plus de 125% en 2050.
Des baisses d'impôt, des réinjections ou des transferts?
Vous voyez venir la suite.
D'importants surplus sont sur le point de se dessiner à Ottawa.
Qu'en fera-t-on? Les Conservateurs voudront sans doute les retourner aux contribuables et/ou rembourser de la dette, les libéraux et les néo-démocrates vraisemblablement les engager dans de nouveaux programmes fédéraux, et le Bloc, probablement les renvoyer aux provinces.
Le débat peut sembler éloigné, mais il est en réalité beaucoup plus rapproché qu'il n'y paraît. Les gouvernements ont en effet aujourd'hui l'habitude de prendre des engagements trois ou quatre ans à l'avance.
Le prochain budget devrait faire apparaître ces premiers surplus significatifs. Et très certainement on leur cherchera dès lors une destination.
Le temps est déjà venu de se positionner sur ce que l'on réclamera. Le contribuable? La dette? De nouveaux programmes sociaux? Ou plus d'argent aux provinces?