Ouf, le moins que l'on puisse dire c'est que ça brasse et ça bouge chez Bombardier.
Laurent Beaudoin qui quitte la présidence du conseil; Pierre Beaudoin qui laisse son poste de chef de direction et le remplace; Alain Bellemare, l'ancien grand patron de l'unité de moteurs de Pratt & Whitney Canada, qui lui succède; le dividende qui est suspendu; et une importante opération de refinancement de plus de 2 G$ US qui s'amorce.
Où est la nouvelle la plus importante?
Tout est imbriqué, mais allons à l'opération de refinancement de 2,1 G$ US, qui n'est certainement pas étrangère à tout le branle-bas de combat.
Il y a quelques semaines, nous étions venus en chronique en tentant d'évaluer si, à la fin 2015, Bombardier serait aux prises avec des problèmes de liquidités (Bombardier: ça chauffe).
Il s'agissait de voir si la société aurait suffisamment d'encaisse pour conserver l'accès à des lignes de crédit non utilisées de 1,4 G$ US. Pour garder cet accès, il fallait que Bombardier conserve pour 1 G$ US d'encaisse.
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Sans entrer dans les détails (c'est vraiment complexe), la conclusion était qu'elle ne devrait pas être en problème. En postulant des dépenses similaires à 2014, Bombardier n'aurait pas à renégocier avec ses banques. Le constat était similaire chez la plupart des analystes (du moins chez l'ensemble de ceux de notre univers qui abordaient la question).
Or, voici que l'aperçu financier dévoilé jeudi par la direction amène un important pavé dans la mare. La direction s'attend à des investissements en aéronautiques de 2G$ US en 2015. C'est, fait remarquer Benoît Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, nettement supérieur à ce qu'attendait le consensus, qui était plutôt à 1,5 G$ US.
Avec ce nouveau développement, il n'est pas aussi sûr qu'à la fin 2015 Bombardier aurait pu conserver l'accès à ses lignes de crédit non utilisées. Elle aurait dû avoir d'importantes négociations avec les banques.
D'où, préventivement, stratégiquement ou par obligation, la nécessaire opération de refinancement.
Une opération délicate, du renfort
Cette opération est délicate.
Avec les développements des derniers mois, il devenait de plus en plus difficile pour Pierre Beaudoin de piloter une opération de refinancement majeure.
C'est un euphémisme de dire que le marché a perdu confiance dans la direction.
On peut comprendre l'empressement de monsieur Beaudoin à aller chercher Alain Bellemare, lorsque celui-ci a décidé de quitter Pratt & Whitney, le mois dernier. Monsieur Bellemare a bon nom dans l'industrie. En plus de ses compétences et d'éventuelles nouvelles idées, il est susceptible d'amener la confiance nécessaire à la réussite de l'opération de refinancement qui s'amorce.
Le mystère
Le mystère
C'est ici qu'arrive un important brouillard.
Dans l'éventualité où elle réussisse son refinancement, que fera Bombardier avec ce nouveau 2,1 G$ US?
Si on a bien compris, 750 M$ seront utilisés pour rembourser une autre dette qui arrive à échéance en 2016. Cela laisse 1,35 G$ US d'argent supplémentaire.
En théorie, elle devrait tout faire pour ne pas y toucher. Le moins on ajoute de dette à l'histoire, le plus il reste de valeur aux actionnaires. À moins bien sûr d'investir cet argent dans un actif qui prend de la valeur et fournit plus de capitaux qu'il n'en coûte. Mais dans la situation actuelle, où tout est serré, on ne peut pas dire qu'il semble très à-propos de se lancer dans de nouveaux investissements, qui, par définition, comportent toujours des risques.
En conférence téléphonique, il y a eu pas mal de confusion sur le plan de match de Bombardier dans les mois à venir.
La direction a parlé de la possibilité que «certaines activités d'affaires participent au regroupement qui s'opère au sein de l'industrie, afin de réduire sa dette».
Que comprenne qui pourra.
Bombardier a récemment vendu son unité d'entraînement militaire à CAE, mais c'est une unité qui ne permettra pas de désendettement majeur.
Comme exemple de regroupements qui s'opèrent, monsieur Beaudoin a donné celui de CSR et CNR, les deux gros fabricants chinois du rail qui viennent d'annoncer leur fusion (et dont l'une a soumissionné pour la moitié du prix de Bombardier sur le métro de Boston). Il a cependant souligné qu'il ne s'agissait que d'une illustration.
À des questions d'analystes, la direction a d'un autre côté curieusement laissé entendre que des investissements pourraient être effectués. Une affirmation assez difficile à réconcilier avec l'opération de désendettement.
On se demande personnellement si Bombardier ne songe pas à amener les actifs de sa division transport dans un partenariat avec un nouveau consortium. Elle pourrait par exemple dire au partenaire: regarde, mon actif vaut 75% de la nouvelle société, rachète moi 25%, et partons ensemble 50-50 dans une nouvelle aventure. Pareille opération permettrait effectivement un désendettement et s'effectuerait dans un mouvement de consolidation.
Ce n'est cependant là qu'une hypothèse et ça n'éclaircit pas l'allusion à la possibilité d'acquisitions d'actifs.
Il y a du mystère dans l'affaire. Bien que tout ne puisse évidemment être télégraphié, des éclaircissements seront nécessaires d'ici aux opérations de refinancement.
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