C'est un fort intéressant entretien qu'a accordé, il y a quelques jours, le grand patron de Bombardier au quotidien The Gazette.
À une question sur les démarches de l'entreprise pour vendre le CSeries, Pierre Beaudoin raconte comment, à l'automne, Bombardier a vendu 15 appareils de la famille d'avions à la China Development Bank, une société de location d'appareils.
L'avionneur a demandé à ce que le président de la Chine, Xi Jinping, soit signataire de l'entente. Le président chinois a dit oui. Et est venu, personnellement, apposer sa griffe, en présence du gouverneur général David Johnston.
L'anecdote illustre combien Bombardier a réussi à bien jouer ses cartes en Asie jusqu'à maintenant. Rares sont les entreprises qui font signer le numéro un de la Chine à un contrat.
Il faut dire que Bombardier est présente en Chine depuis plusieurs années. Que l'entreprise chinoise Shenyang Aircraft fournit le fuselage central des CSeries. Et que, depuis une couple d'années, la québécoise travaille à développer une relation privilégiée (notamment pour de l'entretien et des ventes croisées) avec le fabricant d'avions chinois Comac. Comac développe le C919, un gros porteur de plus de 150 passagers, qui se situera tout juste au-dessus de la CSeries.
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La signature de Xi Jinping vise à faciliter le travail de Bombardier auprès des sociétés aériennes chinoises. Histoire de bien leur montrer que l'avionneur canadien a l'appui des autorités.
Un appui qui ne garantit rien, mais qui vient assurément rehausser la probabilité de commandes pour le CSeries, à court et à long terme.
Le hic actuel
Le hic, c'est que pendant que les nouvelles sont relativement bonnes en Asie, elles sont aussi nettement moins bonnes dans plusieurs endroits.
L'entretien de The Gazette aborde la question du départ du responsable du CSeries, Chet Fuller, et son remplacement par Raymond Jones. Monsieur Jones était jusqu'au début décembre responsable des avions commerciaux.
Pierre Beaudoin ne se défile pas, mais est peu loquace sur les raisons du départ. «Ce n'est pas en raison de ce qui ne fonctionnait pas. Nous avions le sentiment que Raymond Jones serait la bonne personne pour diriger cette équipe», dit-il simplement.
Ce n'est pas ce qui fera taire ceux qui disent que le départ est lié au fait que les commandes ne rentrent pas.
Bombardier a à son carnet 182 commandes fermes de CSeries. Il lui en manque 118 pour atteindre son objectif de 300 au moment du lancement officiel.
En théorie, s'il n'y a pas de retard – et la direction n'en souhaite certainement pas - il ne lui reste guère plus qu'un an pour atteindre l'objectif.
En juin 2012, Pierre Beaudoin confiait aux Affaires que l'entreprise n'était pas si pressée d'obtenir la marque des 300 appareils. Il indiquait que le calendrier de production prévoyait 30 appareils pour la première année, 60 l'année suivante et 120 à la troisième année. Pas question, à l'époque, de faire de compromis sur les prix.
De tels compromis, expliquait-il, ont déjà été faits pour obtenir des clients de lancement.
Avec le récent départ de Chet Fuller, quelque chose nous dit cependant que l'humeur a changé chez Bombardier et que le besoin d'obtenir des commandes vient de prendre le dessus sur celui d'obtenir un bon prix.
C'est dire que les premières années du CSeries pourraient ne pas être aussi lucratives que ce que prévoit le plan d'affaires.
On devrait mieux voir si tel est le cas d'ici quelques mois. Particulièrement alors qu'Air Canada s'apprête à décider s'il elle achète ou non des CSeries.
La signature du président chinois suffit-elle?, demandait-on en titre.
Pour l'instant, les apparences sont qu'elle sera insuffisante pour que, à court terme à tout le moins, l'avionneur puisse faire d'aussi bons chiffres que ceux qu'il espérait.
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