"Si on ne trouve pas un compromis raisonnable, Bombardier pourrait considérer déménager ses activités de recherche et développement ailleurs…".
La déclaration de la porte-parole de Bombardier, mardi matin, sur les ondes de la radio de Radio-Canada, nous a fait sursauter.
Ces accusations de pratique illégale de la profession d'ingénieur contre 27 employés de Bombardier aéronautique pourraient avoir des retombées que l'on ne soupçonnait pas initialement. Les activités de recherche et développement de l'entreprise au Québec, c'est 2 200 emplois.
Que reproche-t-on exactement à ces 27 employés?
Trois d'entre eux se seraient présentés sur des sites de référence comme étant ingénieurs sans être inscrits à un ordre professionnel. Les autres auraient participé à la confection de rapports aéronautiques, sans être ingénieur inscrit et sans être supervisés par des ingénieurs inscrits. (On ignore combien avaient et combien n'avaient pas de formation d'ingénieur).
L'Ordre des ingénieurs soutient qu'il doit faire appliquer sa loi, et que si des gestes d'ingénierie sont posés, ils doivent l'être par des ingénieurs inscrits ou sous la supervision de ceux-ci.
Bombardier estime de son côté que l'Ordre n'a pas juridiction, que ses activités sont réglementées par une loi fédérale et qu'elle n'a à répondre de ses façons de travailler qu'à Transport Canada.
Qui a raison au plan juridique?
Il y a du brouillard.
Une porte-parole de Bombardier nous a indiqué qu'il était écrit noir sur blanc dans les lois fédérales sur l'aéronautique qu'un ingénieur n'avait pas à être membre d'un ordre professionnel.
On n'a malheureusement été incapable de trouver une telle disposition.
Dans un article de 2012, le magazine Plan se penche sur la question et conclut que ce n'est pas parce que la certification en aéronautique est sous responsabilité fédérale que les ingénieurs n'ont pas à être inscrits à un ordre professionnel. La publication cite un porte-parole de Pratt & Whitney, directeur principal aux Programmes Turbopropulseurs Ingénierie, qui soutient que l'inscription est nécessaire.
L'aéronautique est une juridiction fédérale, mais l'exercice d'une profession est de compétence provinciale.
La plaidoirie de Bombardier devra être affinée.
(Après mise en ligne, un lecteur nous a fait parvenir la disposition sur laquelle semble s'appuyer Bombardier. La voici en hyperlien, article 5.2)
Qui a raison au plan pratique?
Qui a raison au plan pratique?
L'offensive de l'Ordre des ingénieurs sent à première vue le protectionnisme et l'intérêt des membres plutôt que l'intérêt public. Personne ne croit que Bombardier engage du personnel incompétent et il faut voir le CV de quelques-uns des employés pour constater que, même s'ils ne sont pas inscrits, ils ont mené des études à des écoles d'ingénierie. À noter qu'un certain nombre d'entre eux viennent de l'étranger.
En revanche, l'Ordre ne peut pas non plus faire preuve de favoritisme et mettre en veilleuse ses responsabilités pour Bombardier tout en continuant de les exercer pour les autres sociétés. L'enquête s'est amorcée à la suite de signalements, il était difficile pour l'Ordre de ne pas enquêter et faire appliquer la loi.
(ST)Les 2200 emplois sont-ils à risque?
Apparemment un comité de travail a été formé entre l'Ordre des ingénieurs et des représentants de Bombardier afin de tenter de trouver une solution. Le dépôt des infractions s'expliquerait par le fait que le délai pour poursuivre allait être prescrit.
Bombardier précisait mardi après-midi qu'un transfert de la R&D ailleurs était une des options parmi d'autres et pas la première.
Malgré la formation du comité de travail avec l'Ordre, elle maintenait toutefois qu'elle n'avait pas à alourdir ses processus.
L'écart des positions semble important.
Il serait étonnant que 2 200 emplois quittent le Québec sur cette dispute, mais un certain nombre est certainement à risque.
Cette affaire pourrait ultimement se retrouver à l'Assemblée nationale.
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