BLOGUE. Intéressante conférence téléphonique jeudi matin avec la direction de Bombardier. Qui permet de réaliser combien les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de l’avionneur québécois.
« Nous sommes relativement enthousiastes pour 2012, parce que l’on a maintenant des composants que l’on peut voir et montrer », a en substance dit Pierre Beaudoin en parlant notamment des cabines et des ailes de la CSeries. « Cela nous donne confiance que l’on progresse », a-t-il ajouté.
Le grand patron de Bombardier n’a cependant pas caché que beaucoup restait à faire. C’est une chose de fabriquer des composants, c’en est une autre de les assembler et de fabriquer des avions.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
Fonctionnera, ne fonctionnera pas la CSeries? C’est ce que l’on saura d’ici la fin de l’année puisque c’est l’horizon que la société a toujours en vue pour ses premiers vols.
Des doutes dans le marché
Ce n’est pas sans nervosité que l’on se dirige vers le moment de vérité. L’approche des premières opérations d’assemblage coïncide en effet avec une résurgence des inquiétudes quant au potentiel de la famille d’appareils.
En début de mois, le chef de la direction de Republic Airways, Bryan Bedford, a confié à Bloomberg qu’il était habité par le doute. « Ce qui est difficile (distressing), c’est qu’elle (la Cseries) n’a pas encore été un gros vendeur. Nous sommes préoccupés par la viabilité du projet », aurait-il dit.
Republic a 40 des 138 commandes fermes pour la CSeries, en plus de 40 options d’achats.
Elle a curieusement aussi passé à l’été une commande inattendue d’une vingtaine de A319 à Airbus pour sa filiale Frontier Airline. Le A319 sera le rival de la CSeries et des analystes ne sont pas convaincus que Republic et Frontier ont besoin d’autant d’appareils.
De mauvais augure pour Bombardier?
Ce n’est pas parce qu’un produit n’a pas fait autant de ventes préliminaires que ce que l’on aurait souhaité qu’il ne sera pas un bon produit une fois construit. Monsieur Bedford est victime du phénomène de la meute : c’est bon si tout le monde suit, ça ne l’est pas si ça suit moins. Le motif sur lequel il assoit son inquiétude est fort friable.
Il n’en demeure pas moins qu’après avoir dit qu’un appareil sera 15% plus économique que ce qui se fait sur le marché, et soutenu qu’il serait toujours plus économique que les versions améliorées à venir de Airbus et Boeing, il faut un jour que la promesse se matérialise concrètement.
C’est dans cette phase concrète que nous avançons maintenant. Quelque chose nous dit que si la promesse est livrée, le carnet de commandes des CSeries se garnira plus rapidement et monsieur Bedford sera bien heureux que Republic ait été la première à se présenter à la plaque (elle aura bénéficié d’un meilleur prix et de l’avantage d’être la première dans le marché). Si, à l’inverse, la livraison est inférieure à la promesse, sans dire que l’avenir de l’aéronautique sera totalement compromis pour Bombardier et le Québec (il restera les avions d’affaires et quelques ventes d’avions régionaux), il sera sérieusement assombri.
Surveillons la Chine
Surveillons la Chine
En parallèle à l’avancement de la CSeries se déroule aussi une intéressante négociation avec les Chinois.
Depuis mars de l’an dernier, Bombardier discute avec Commercial Aircraft Corporation of China (Comac) d’une entente partenariale où elles partageraient de leurs expertises. Que ce soit au plan marketing ou encore pour des pièces d’appareils.
Des rumeurs de fusion entre la division d’avions commerciaux de Bombardier et Comac ont circulé, mais été niées par Bombardier.
En conférence téléphonique jeudi, monsieur Beaudoin s’est à la fois montré prudent et enthousiaste. Il a soutenu qu’il fallait encore obtenir l’assurance qu’une éventuelle entente serait gagnante. Une allusion permet toutefois de voir jusqu’à quel point un partenariat pourrait à terme signifier beaucoup pour Bombardier.
Comac table sur le ARJ-21, un jet régional 80-100 places dont les premières livraisons sont attendues cette année. Elle travaille surtout au développement du C919, un plus gros porteur de plus de 150 passagers.
Pierre Beaudoin a indiqué qu’il voyait la CSeries s’insérer dans le projet chinois, sous le C919.
À une question relance, il a précisé qu’il n’était pas question de mettre les équipes de ventes en commun. On ajouterait « pour l’instant ».
Si un premier partenariat devait bien fonctionner, il ne faut pas en effet une très grande imagination pour entrevoir ce que pourrait être la suite : l’émergence d’un troisième constructeur aéronautique mondial.
La Chine est un marché d’importance pour la CSeries. Paradigm Capital estime que d'ici 2030, il s’y vendra pas moins de 1400 avions commerciaux 100-150 passagers et que ces ventes généreront des revenus de l'ordre de 85 G$ US. Sous un autre angle, BMO Marchés des capitaux parle d'une Chine qui représentera 18% du marché de l'aviation des 20 prochaines années.
Pour donner un peu de perspective, CIBC Marché mondiaux évaluent que les recettes en provenance des Q-400 et des jets régionaux de Bombardier atteindront l'an prochain 1,4 G$.
Plus on y regarde, plus on constate combien l’année 2012 est charnière pour Bombardier. La façon dont on exécutera les choses dans les prochains mois sera éminemment déterminante pour les prochaines années.
Lire aussi L'action de Bombardier plonge de 10%