Ça va de mal en pis dans ce qu'il est maintenant convenu d'appeler l'affaire Yves Bolduc. Le ministre de la santé, Gaétan Barrette, a invité mercredi l'ancien ministre libéral Claude Castonguay à prendre sa retraite. C'est une attaque démesurée, qui a cependant l'avantage d'amener le débat exactement sur le point central de l'affaire.
On s'était personnellement promis qu'on ne reviendrait pas sur cette affaire, histoire de ne pas donner l'impression de s'acharner (le dossier est émotif).
Mais monsieur Barrette a forcé en journée un changement de résolution.
"S'il n'est pas capable de prendre sa retraite, Claude Castonguay, quelqu'un devrait peut-être lui dire de la prendre", a-t-il dit.
Le ministre de la santé n'a apparemment pas aimé que monsieur Castonguay fasse un parallèle entre la situation d'Yves Bolduc et la Commission Charbonneau, sur les ondes de la radio de CBC.
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Il a en outre estimé que ce genre de parallèle, porté par un individu de la stature de monsieur Castonguay, faisait preuve de malhonnêteté intellectuelle.
Vraiment?
Monsieur Barrette a raison de dire qu'il ne faut pas faire de parallèle entre la situation du docteur Bolduc et certains actes criminels qui ressortent à la Commission Charbonneau.
Ce n'est cependant pas tout à fait ce qu'a fait monsieur Castonguay. À la radio, il a indiqué que la Commission Charbonneau avait mis au jour une série de complots destinés à tenter d'en obtenir le plus possible de l'appareil public. Il a ajouté que les gens croyaient qu'en votant libéral, c'en serait fini de ces complots et petites manœuvres. Puis il a conclu que, malheureusement, il semblait possible que ce soit encore possible par un ministre ayant l'un des plus importants portefeuilles du gouvernement.
Peut-être les propos de monsieur Castonguay vont-ils un peu loin en laissant entendre la mauvaise intention initiale. Mais ils sont en plein sur le nœud de l'affaire: l'abus de système.
Monsieur Barrette focalise depuis le début sur le fait que monsieur Bolduc avait la capacité de suivre les 1500 patients qu'il a acceptés tout en accomplissant convenablement son travail de député de l'opposition.
Sur ce point, on a toujours été prêt à donner le bénéfice du doute à monsieur Bolduc.
Mais ce n'est pas le noeud de l'affaire.
Le point névralgique de l'affaire
Le point névralgique de l'affaire
La faute de monsieur Bolduc réside dans ce qui suit.
Le programme d'incitation fournissant entre 100$ et 200$ par patient a été créé afin d'amener des médecins ayant des patients à en prendre davantage. Il s'agissait à l'époque d'ajouter quelque chose comme entre 100 et 150 patients à la liste de suivi d'un médecin. Un ajout de 10 à 15% par rapport à la moyenne québécoise de patients suivis par médecin (1100).
Le problème est que monsieur Bolduc a utilisé un programme destiné à convaincre les médecins d'alourdir leur tâche de 10-15% pour plutôt se construire à bonis 100% d'une clientèle.
Il est vrai que le but la politique (un ajout de 100-150 patients plutôt que la construction de 100% d'une clientèle) n'était pas écrit en toutes lettres dans celle-ci. La limite de patients éligibles au bonus n'a été portée à 150 qu'après les faits.
Même avant les précisions, il restait néanmoins évident que l'intention du programme n'était pas d'encourager la construction d'une clientèle importante et son abandon quasi-simultané. Comment le gouvernement aurait-il pu en effet espérer régler son problème de médecins de famille en donnant une prime pour 1500 patients et en autorisant leur abandon un an plus tard?
Monsieur Bolduc pouvait difficilement ne pas être conscient de la chose puisque c'est sous sa férule qu'a été élaboré le programme. Il était aussi bien placé pour apprécier le risque d'abandon de sa clientèle et pouvait choisir de ne pas s'y exposer en ne réclamant pas la prime.
Il a choisi de courir ce risque et nous sommes aujourd'hui dans une situation d'abus de système.
Un parlementaire qui abuse du système, abuse de la confiance du public. Un parlementaire qui abuse de la confiance du public ne peut rester en fonction.
Il commence à se faire tard pour que monsieur Bolduc admette qu'il n'avait pas réalisé qu'en exploitant comme il l'a fait la brèche du programme il abusait de la confiance du publique et répare sa faute en remboursant les 215 000$ qu'il a reçus en prime. En fait, c'est probablement maintenant inacceptable.
Il est cependant encore temps pour monsieur Barrette de changer son focus, réfléchir plus longuement, et conclure que Claude Castonguay ne tient pas un discours scandaleux lorsqu'il fait allusion à une petite manœuvre qui tente d'en obtenir le plus possible du trésor public.
Il est important pour lui de faire la distinction entre la décision de monsieur Bolduc de retourner à la pratique (une décision louable, qui peut peut-être se défendre dans son ampleur) et celle d'accepter la prime. La discussion ne porte que sur la prime.
Monsieur Castonguay pèche peut-être en faisant un lien avec la Commission Charbonneau, mais monsieur Barrette pèche assurément, et bien davantage, en chargeant avec désinvolture un citoyen qui, heureusement pour l'intérêt public, n'a pas encore pris sa retraite.
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