Les actionnaires se font offrir un prix d’or pour leur Tim Hortons.
Ils doivent décider s’ils encaissent leurs gains ou conservent des actions de la future société « King Hortons » comme s’amusent à l’appeler les analystes.
Les investisseurs ont le choix entre une offre comptant de 88,50 $ par action ou une autre de 65,50 $ comptant plus 0,8025 action de la nouvelle société combinée avec Burger King Worldwide (NY, BKW, 30,35 $ US) ou une troisième option de 3,0879 actions de la nouvelle société.
Même le troisième actionnaire en importance de Tim Hortons (Tor., THI, 86,42$), Jarislowsky Fraser, avec 4,9 % des actions, n’a pas encore résolu le dilemme.
« L’offre est intéressante, mais nous voulons connaître les synergies que vise le fonds 3G Capital avant de prendre notre décision. D’habitude, nous n’investissons pas dans une société aussi endettée », indique en entrevue Charles Nadim, gestionnaire de portefeuilles, actions canadiennes, chez Jarislowsky Fraser.
Détenue par trois ex-banquiers résilients, 3G Capital possède 70 % de Burger King et aura 51 % de la société combinée, après la transaction.
C’est sûr que les économies font partie de l’équation, selon M. Nadim, puisque les dépenses générales et administratives de Burger King totalisent 16 000 $ par restaurant comparativement à 36 000 $ chez Tim Hortons,
La plateforme de franchisage internationale de Burger King l’intrigue aussi. Burger King fait appel aux partenariats avec des maîtres-franchiseurs, impartit la confection des aliments et la distribution et récolte des redevances.
« Il est clair que sur papier, Burger King peut transformer Tim Hortons de champion canadien à champion mondial, grâce à des partenaires locaux forts », dit le gestionnaire.
Le fonds brésilien 3G Capital a la réputation de charcuter les coûts. C’est ce que le fonds d’investissement privé a fait chez Burger King en doublant la marge d’exploitation à 60 % depuis 2010. La marge comparable de Tim Hortons est de 25,3 %.
Participer ou non à un rachat par endettement
Participer ou non à un rachat par endettement
Comme le dit si bien Keith Howlett, de Desjardins Marché des Capitaux, rester actionnaire de « King Hortons » est l’équivalent de participer à un rachat par endettement (leveraged buyout) de deux chaînes de restaurants distinctes, et de s’associer à un fonds d’investissement « agressif ».
Après la transaction, la dette de King Hortons atteindre de 5 à 7 fois son bénéfice d’exploitation, selon que l’on inclut les 3 milliards de dollars américains d’actions privilégiées qu’achète Warren Buffett (portant intérêt à 9 %). C'est un taux élevé rarement observé au Canada, même dans les rachats par endettement.
M. Howlett n’est pas friand de la transaction. En poste depuis seulement un an, le président de Tim Hortons Marc Caira, un transfuge de Nestlé, aurait pu arriver au même résultat en endettant la société pour financer un rachat massif d’actions, par exemple.
Quant au modèle de franchise-maîtresse de Burger King, Tim Hortons commence à l’implanter aux États-Unis.
Le principal potentiel d'appréciation après ce genre de transaction, comme le retour en Bourse en 2001 de Shoppers Drug Mart (détenue alors par Kohlberg Kravis Roberts), est de rapidement rembourser les 9,5 milliards de dollars américains que JP Morgan et Wells Fargo allongent à Burger King.
« Nous avons du respect pour la capacité de 3G Capital à créer de la valeur. Tim Hortons deviendra sans doute plus rentable, mais il reste à voir comment Burger King pourra accélérer l’expansion internationale promise de Tim Hortons », écrit-il.
Stephen Gauthier, de Fin-Xo Valeurs mobilières a déjà pris sa décision : il ne gardera pas les actions de King Hortons qu’il juge trop endettée. La nouvelle société ne correspond plus à ses critères de croissance et de rentabilité stables ni aux bons répartiteurs de capital qu’il recherche.
« Tim sera un titre difficile à remplacer. Je ne suis pas pressé. Il faudra sans doute que je me tourne vers une autre industrie, car tous les titres de consommation courante sont chèrement évalués », nous a-t-il expliqué.
Un potentiel à capturer selon deux analystes
Un potentiel à capturer selon deux analystes
Jim Durran, analyste chez Barclays, tranche la poire en deux. Il suggère à ses clients actifs d’encaisser leurs gains dans Tim et recommande aux plus patients de rester pour bénéficier au potentiel qu’offre la stratégie fonceuse de 3G Capital et Burger King.
Toujours prêt à se mouiller, Perry Caicco, de CIBC Marchés mondiaux, est partant et recommande à ses clients de choisir l’option de 65,50 $ comptant et de 0,8 action de Burger King.
Le meilleur analyste canadien de la consommation, selon le sondage de Brendan Woods, estime qu’avec ses flux de trésorerie annuels de 850 millions de dollars américains, la nouvelle société pourra réduire sa dette de 11,8 milliards américains de 650 à 700 millions de dollars par année.
« Il est difficile (pour les parties prenantes) de parler de synergies à ce stage parce qu’elles exigeront des mises à pied et des concessions de prix de la part des fournisseurs », dit-il. M. Caicco estime ces économies à 80 millions de dollars américains, dont 40 millions de dollars, dès la première année.
M. Caicco ne croit pas que Burger King démantèlera le système de distribution efficace de Tim Hortons. L’Américaine en obtiendrait bien peu dans une vente.
« Il faudra peut-être 6 à 12 mois avant de prendre la réelle mesure du potentiel d’appréciation au delà de 90 $ », prévient-il.
En Bourse, tout est question de rendement et il revient à chacun d’investir selon ses besoins et sa conscience.
Il est tout de même triste de voir tant d’investisseurs activistes et de fonds privés faire la pluie et le beau temps, comme le déplore Yvan Allaire dans son blogue.