Maintenant que le mouvement de repli tant attendu est arrivé, les observateurs étudient les entrailles techniques des Bourses pour chercher à savoir si la correction tire à sa fin ou non.
Pour Pierre Lapointe, stratège mondial de Pavilion Corp., une poignée d’indicateurs lui suggère que le recul pourrait se poursuivre.
Il manque des signes de capitulation dans la chute de 5 à 9 % des quatre principaux indices nord-américains, depuis leurs sommets respectifs (Dow jones - 4,6 %, S&P 500 - 5,5 %, Nasdaq, - 7,2 % et S&P/TSX - 9,3 %).
M. Lapointe estime que la fin imminente du programme de rachat d’obligations de la Fed déstabilise les marchés comme lors des deux programmes précédents, en 2010 et en 2011.
Cette fois, c’est l’impuissance de la Banque centrale européenne face à la faiblesse de l’Europe qui flirte avec la récession et la déflation, qui nourrit le pessimisme.
La crise de la dette européenne et celle du plafond de la dette américaine avaient provoqué des chutes de 12,2 %, en 2010 et celle de 14,3 % en 2011, rappelle-t-il.
Les indices et la proportion des titres dans les indices n’ont pas techniquement encore assez cassé pour garantir un rebond durable, dit-il.
M. Lapointe juge aussi les investisseurs encore trop complaisants pour envoyer un signal clair d’achat.
Quelque 40 % des petits investisseurs sondés par l’American Association of Individual Investors (AAII) se disent encore optimistes.
Michael Harnett de Bank of America Merrill Lynch, note toutefois que l’encaisse dans les portefeuilles se rapproche du niveau de 5 % qui signale habituellement que les gestionnaires sont mûrs pour retourner dans le marché.
Il est clair que les investisseurs s’ajustent au ralentissement mondial et craignent que les entreprises multiplient en les avertissements de bénéfices moindres d’ici la fin de l’année.
Martin Roberge, de Canaccord Genuity, croit probable que le mouvement de repli atteigne les grandes multinationales américaines et les titres canadiens de la consommation de base, avant de compléter sa route.
L’énergie trop punie ?
L’énergie trop punie ?
Dans une logique circulaire, plus les investisseurs du monde se réfugient dans les obligations américaines, plus ils font monter le dollar américain, qui lui, fait tomber les cours des matières premières.
Il en coûte en effet plus cher pour les acheteurs non américains d’acheter les matières premières quand leur propre devise recule par rapport au billet vert, ce qui réduit la demande.
La hausse du dollar américain incite aussi les négociateurs à vendre des denrées dans leur portefeuille.
Le pétrole est particulièrement frappé. Le dévoilement d’une hausse inattendue de 11 % de la production de l’Arabie saoudite en septembre, pour affaiblir la Russie ou protéger ses parts de marché selon les commentateurs, a fait chuter le pétrole Brent de la Mer du Nord et le West Texas américain de 20 %, la définition d’un marché baissier.
On assiste à un mouvement de panique, dit M. Roberge. On compte presque autant de titres de l’énergie à la baisse que lors de la crise de 2008, dit-il.
Pourtant, les prix que reçoivent les producteurs canadiens pour leur pétrole tiennent bon malgré le plongeon des cours pétroliers libellés en dollars américains sur les marchés internationaux, depuis juin.
Le recul du huard depuis un an amortit notamment l’effet du recul des cours pétroliers en dollars américains, une fois ces revenus convertis en monnaie canadienne pour les producteurs d’ici.
« Par rapport à l’indice S&P/TSX, le ratio cours-valeur comptable du secteur pétrolier a déjà atteint un niveau de capitulation. Le secteur pourait toutefois baisser davantage s’il retournait à son ratio cours-valeur comptable moyen de 1,5 », précise M. Roberge.
Plusieurs titres ont déjà baissé plus que ne le justifie la baisse des cours du pétrole, dit pour sa part Randy Ollenberger, de BMO Marchés des capitaux, en réduisant ses prévisions de bénéfices et ses cours-cibles.
Parmi les pétrolières intégrées, l’analyste préfère Royal Dutch Shell et Suncor, deux sociétés solides capables de financer leurs projets à même leurs flux de trésorerie.
Parmi les principaux producteurs canadiens de pétrole, M. Ollenberger privilégie Canadian Natural Resources, Encana et MEG Energy.
Il prévient toutefois qu’à court terme, les cours du pétrole pourraient rester faibles, si les investisseurs continuent de se réfugier dans le dollar américain.