Les appels publics à l’épargne québécois sont plus que rares ces dernières années et encore plus dans le secteur industriel.
Leur réussite est pourtant essentielle pour convaincre d’autres entreprises qui hésitent à faire le saut en Bourse.
Le premier anniversaire du concepteur et fabricant de luminaires DEL à haut rendement, Lumenpulse (Tor., LMP, 14,25 $), est un bon cas d’espèce parce que l’année écoulée a servi des surprises, malgré la préparation rigoureuse de ses dirigeants.
Un an après une entrée en Bourse triomphale, qui a donné à l’entreprise encore émergente un capital de croissance (115 M$) pour des années à venir, son cours est encore inférieur au prix initial de 16$ par action.
Dans l’effervescence qui accompagne trop souvent les premiers appels publics à l’épargne dans un marché haussier, son action a trop rapidement grimpé jusqu’à 23,95$ en juillet 2014.
Par la suite, un trimestre décevant a inquiété les nouveaux actionnaires encore peu familiers avec le mode de fonctionnement de la société.
En plus, la vente inattendue d’un bloc de 66,5 M$ d’actions par cinq actionnaires d’origine, au cours de 19,50$, a eu l’effet d’une douche froide. L’action est tombée jusqu’à un cours-plancher 13,06$ en novembre.
Depuis, l’action reprend du mieux. Elle pourrait rattraper encore plus de terrain si les résultats annuels, qui seront dévoilés en juin, incitent les investisseurs à réévaluer la société, qui compte le dragon Alexandre Taillefer et la famille Bronfman, en tant qu’actionnaires.
L’excès d’enthousiasme des premiers appels publics à l’épargne explique d’ailleurs pourquoi tant d’investisseurs d’expérience n’y participent pas.
La marche est déjà haute en effet quand une entreprise fait ses premiers pas en Bourse avec une évaluation boursière de plus de 5 fois ses revenus, avant même d’atteindre la rentabilité.
Les investisseurs ont été attirés par la promesse de croissance annuelle de 50 % des revenus, dans le créneau porteur des éclairages architecturaux DEL de haute performance, offerts aux architectes et aux designers du monde pour illuminer efficacement leurs ouvrages.
Plusieurs jalons atteints
Plusieurs jalons atteints
Sur le plan de l’exploitation, Lumenpulse peut dire mission accomplie à plusieurs égards.
La société du quartier Griffintown, de Montréal, a atteint plusieurs jalons qu’elle s’était fixée et se rapproche d’autres plus vite que prévu.
Pour l’exercice 2015, qui vient tout juste de se terminer, Lumenpulse devrait afficher une hausse de 60 % de ses revenus à 99,5 M$, prévoit Kris Thompson, de la Financière Banque Nationale. L’analyste prévoit aussi un bénéfice annuel de 0,10 $ par action, un premier pour la société.
Dans son prospectus, la société avait aussi promis d’atteindre une marge brute de 50 % d’ici 3 à 5 ans, mais cette marque sera probablement atteinte dès le prochain exercice parce que ses coûts fixes sont étalés sur un plus gros chiffre d’affaires.
La société vend aussi une plus grande proportion de ses propres produits à valeur ajoutée et améliore sans cesse sa chaîne d’approvisionnement et ses processus d’assemblage.
«La marge brute non ajustée atteint déjà 43 %. On est en ligne pour atteindre 50 % à la fin de l’exercice 2016», a indiqué en entrevue Yvon Roy, vice-président, responsable des relations avec les investisseurs.
Comme promis, Lumenpulse a aussi bouclé trois acquisitions, pour élargir sa gamme de produits, renforcer son avance technologique ainsi que la valeur de sa propriété intellectuelle.
Lumenpulse procède avec discipline pour que ses achats aient une valeur stratégique et complémentaire. Elle a donc acquis trois entreprises qui étaient déjà des partenaires d’affaires.
La plus importante, la Britannique AlphaLED, acquise pour 30,4 M$, suscite les attentes les plus élevées, car cette société n’était pas présente en Amérique du Nord. Ses éclairages pour magasins ajoutent aussi un nouveau créneau pour Lumenpulse.
Lumenpulse lance actuellement les éclairages rebaptisés Lumenalpha, en Amérique du Nord. Leur impact se fera sentir sur les revenus et les profits de Lumenpulse surtout à partir de 2016, indique M. Roy.
En mars, Lumenpulse a aussi acquis le petit fabricant d’éclairages extérieurs Éclairage SDL de Québec, si bien que l’éventail de ses produits couvre donc désormais 45 à 50 % des applications de son marché, un autre jalon atteint.
Ses éclairages de rue, d’espaces urbains et d’aménagements paysagers professionnels ont déjà été rebaptisés Lumenarea.
La société veut faire passer cette proportion à 80 %, d’ici quatre ans, précise M. Roy pour exploiter son réseau mondial d’agents et de distributeurs.
Les acquisitions font encore partie des priorités tant qu’elles servent la stratégie de l’entreprise de percer de nouveaux marchés (telle que l’Italie et l’Allemagne) ou encore pour compléter sa gamme de produits ou ses technologies.
Revalorisation potentielle
Revalorisation potentielle
Jed Dorsheimer, de Canaccord Genuity, l’un des deux courtiers derrière l’appel à l’épargne, reconnaît que les résultats de la société n’ont pas été tout à fait à la hauteur de ses attentes cette année.
Il a d’ailleurs réduit son généreux cours-cible de 29 à 24 $, en deux temps.
«Pour soutenir une évaluation de plus de 25 fois les bénéfices, il aurait fallu que la société exécute sans faille et qu’elle surpasse les prévisions», explique-t-il.
M. Dorsheimer s’attend à ce que l’année qui commence «cimente» le modèle de l’entreprise dans l’esprit des investisseurs, à mesure que la croissance des revenus et des bénéfices gagnera en force.
À son avis, les investisseurs ont eu le temps de digérer la vente d’actions par les actionnaires-fondateurs et se tourneront vers l’avenir.
Les résultats du quatrième trimestre, attendus le 18 juin, donneront de nouveaux repères de progrès aux investisseurs qui tourneront la page sur la vente d’actions, croit aussi M. Roy.
«On laisse nos résultats parler d’eux-mêmes. C’est grâce à eux qu’on regagnera la confiance des investisseurs», dit-il.
Kris Thompson, de la Financière Banque Nationale, est très confiant avec un cours-cible de 28 $, soit 25 fois le bénéfice ajusté de 0,60 $ par action qu’il projette pour l’an prochain.
«Son évaluation de deux fois les revenus et de 14 fois son bénéfice d’exploitation est attrayant pour participer à l’adoption des éclairages DEL», dit-il.,
Les économies d’échelle qui accompagneront le bond des revenus devraient plus que doubler la marge d’exploitation, de 5,2 % qu’elle était au troisième trimestre à 13,8 % en 2016, prévoit l’analyste, dont l’employeur a envoyé Lumenpulse en Bourse.
Paul Steep, de Banque Scotia, aime la croissance rapide, l’innovation, l’expansion internationale et la capacité d’acquisition de Lumenpulse, mais aime moins son évaluation de 31,7 fois le bénéfice de 0,44 $ par action qu’il prévoit en 2016.