Michael Harnett, le stratège en chef de Bank of America Merrill Lynch, est nerveux.
Les actions mondiales sont à un record ; le marché des obligations aussi. La volatilité est à son plus bas depuis 2007, malgré les conflits en Ukraine et en Iraq.
La hausse des marchés financiers est dopée par les liquidités sans précédent injectées par les banques centrales du monde, dit-il.
Plus la valeur des actifs monte plus ils attirent de nouveaux investisseurs qui ne veulent pas manquer le bateau. Ce cycle vertueux ne peut durer éternellement, craint le stratège.
«Plus la croissance économique et les taux prendront du temps à revenir à la normale, plus les risques d’excès spéculatifs augmenteront et forceront éventuellement les autorités à couper les vivres aux spéculateurs, avant même que l’économie mondiale n’ait terminé sa convalescence», évoque M. Harnett.
À chaque bulletin, M. Harnett se plait d'ailleurs à donner en exemple les prix farfelus payés pour un appartement à Londres, un condo à Hong Kong, une oeuvre d'art ou encore des statues gonflables, pour illustrer que les taux zéro enrichissent "Wall Street" et non "Main Street".
Les excès risquent d’apparaître dans les placements à rendement élevé où les investisseurs mondiaux ont placé 917 milliards de dollars de leurs capitaux depuis mars 2009. Ces titres incluent les obligations à rendement élevé, les sociétés en commandite négociées en Bourse et les obligations des pays émergents, énumère M. Harnett.
Seuls le dollar américain et la Chine ne participent pas aux festivités, dit M. Harnett à la blague.
Si le dollar américain s’appréciait en prévision d’une hausse de l’inflation et des taux, comme le fait la livre sterling, ce serait un bon signal précurseur d’un retour de la volatilité, dit-il.
Le pétrole: un danger à 125$ le baril
Le pétrole: un danger à 125$ le baril
Le stratège suit aussi le prix du pétrole qui est perçu à la fois comme une source d’inflation et un ralentisseur économique.
Aux États-Unis, le prix de l’essence à la pompe démarre notamment la saison estivale à son plus haut niveau en six ans.
Une montée du pétrole a précédé chacune des récessions au cours des quatre dernières décennies, rappelle aussi Julian Jessop, de Capital Economics.
La règle de pouce veut que chaque hausse de 10$ US dans le prix du baril de pétrole ampute de 0,20 à 0,30% de l’économie mondiale. Ce n’est pas à dédaigner pour une économie qui croîtra de 2,8% cette année.
M. Jessop fait aussi remarquer que l’économie mondiale a perdu de son élan depuis que le pétrole a franchi de nouveau la barre de 100$US le baril, en 2011.
Pour l’instant, les marchés financiers restent de glace face à la montée récente du carburant parce que la hausse n’est pas suffisante encore pour changer les prévisions économiques.
La planète utilise plus efficacement le carburant qu’avant. Les Etats-Unis produisent aussi plus que jamais.
Enfin, l’Irak équivaut à moins de 4 % de la production mondiale de pétrole, précise aussi Amotz Asa-El, chroniqueur au Jerusalem Post.
« Il ne faut pas oublier que l’Iran pourrait compenser pour le manque à gagner en Iraq, si jamais les insurgés Sunnites prenaient le contrôle du Sud de l’Irak, un scénario peu probable en raison de la géographie du pays », explique-t-il.
Tant que le conflit ne s’étend pas à l’Arabie Saoudite, au Koweit et aux Émirats arabes unis, qui produisent un cinquième du pétrole mondial, le conflit restera un problème confiné à l’Iraq, ajoute-il.
Un prix de 120 à 125 $ US pour le baril du pétrole Brent est un premier seuil de danger pour l’économie mondiale qu’il faut garder à l’œil, s’accordent à dire les deux stratèges.
Un tel prix, s’il est soutenu, inciterait bien des investisseurs à quitter les paris « cycliques » qu’ils ont fait.
Le prix du pétrole Brent a terminé la semaine du 16 au 20 juin à 114,69 $ US le baril.