Six ans de marché haussier font émerger une nouvelle vague de premiers appels publics à l’épargne (PAPE), qui emporte aussi le Québec.
Certains diront que c’est un signe de sommet boursier puisque les courtiers attendent les conditions idéales pour que les entreprises-clientes émettent leurs premières actions.
«Le pipeline d’émissions est probablement le plus garni que j’ai eu l’occasion de voir dans ma carrière», a récemment déclaré au Globe and Mail, Peter Miller, responsable des financements en actions, chez BMO Marchés des capitaux.
Pendant que la fenêtre est encore ouverte, les Ontariennes Entreprises Cara (Tor., CAO, 33,75$) et Shopify (Tor., SH, 33,78$), ainsi que les Montréalaises Groupe Stingray Digital (Tor., RAY, 6,25$) et David’s Tea (Nasdaq, DTEA, 27$US) entrent tour à tour en Bourse.
Selon les courtiers, la société Stingray de l’entrepreneur Éric Boyko aurait pu émettre un milliard d’actions tellement la demande était forte.
« "C’est le prix à payer pour ajouter des entreprises rentables et en croissance, à nos placements" »
Plusieurs autres attendent dans l’antichambre
L’Ontarienne Shred-It International songe à briguer la Bourse dans une émission de 500 M$.
Shoes.com Technologies, de Vancouver, pense suivre dans les traces de Shopify cet automne, après avoir réalisé placement privé de 45M$, qui lui donne déjà une valeur marchande de 320M$.
La firme de logiciels de paiements en ligne Payfirma envisage une entrée en Bourse l'an prochain, maintenant qu'elle vient de récolter 10,4M$ dans un premier placement privé avec des investisseurs institutionnels.
HootSuite PointClickCare, BuildDirect, Vision Critical, Wattpad, Mogo Finance Technology et Shop.ca sont d’autres candidates en technologie dont le nom circule.
Des évaluations qui trahissent des attentes élevées
Des évaluations qui trahissent des attentes élevées
Shopify obtient une valeur boursière de 2,5 milliards de dollars, sans être rentable. Ses revenus atteindront 150M$, en 2015.
Le fournisseur de services musicaux multiplateformes Stingray fera ses premiers pas en Bourse le 3 juin avec une émission de 161M$ de dollars. Sa valeur boursière de 303M$ équivaut à quatre fois ses revenus et à 11 fois son bénéfice d’exploitation.
La chaîne de 158 boutiques pour les passionnés du thé, David’s Tea, a grimpé de 42% à sa première séance de négociation au Nadaq, le 5 juin, après une émission américaine de 96,9 M$US au prix de 19 $US. Sa valeur boursière de 625M$US est plus de cinq fois son chiffre d’affaires de 142M$CA et environ 121 fois son premier bénéfice annuel de 6,4M$CA réalisé en 2014.
Ce que nous disent les gestionnaires de fonds sondés c’est que ces évaluations sont chères, mais que c’est le prix à payer pour ajouter des entreprises rentables et en croissance, à leurs placements.
Surtout que les émissions sont de petite taille, ce qui crée un effet de rareté: David’s Tea vend seulement 5 millions d’actions, Shopify 8,85 millions et Stingray, 22,4 millions.
Certains gestionnaires consultés préfèrent bien sûr passer leur tour et laisser ces entreprises faire leurs preuves.
D’autres mordent, car ils sont contents de pouvoir ajouter de nouveaux titres prometteurs, bien souvent dans de nouveaux secteurs, à leur portefeuille déjà bien diversifié.
Ne pas tomber sous le charme trop facilement
Ne pas tomber sous le charme trop facilement
Si l’évaluation des nouvelles venues en Bourse fait sourciller et augmente le danger de déception, la marée des PAPE peut encore monter, puisqu’elle reste mineure au pays.
Le nombre de PAPE et la taille des émissions sont bien petites par rapport à ce qui a été vu dans le passé.
Il est tout aussi vrai que la vague peut casser n’importe quand, dès que la Bourse changera de direction.
L’appel public de Lumenpulse (Tor., LMP, 13$) en mai 2014 par exemple n’a pas eu l’effet d’entrainement souhaité.
De plus, l’action a grimpé rapidement de 16 à 24$ pendant l’été 2014, pour ensuite glisser à 13$ en novembre 2014, en raison de résultats qui n’étaient pas à la hauteur de certaines attentes. Son cours est depuis revenu à son prix d’émission.
Et que dire de la dégringolade de 17 $US à 1,40 $ du fournisseur ontarien de tableaux numériques Smart Technologies (Tor., SMA) depuis son PAPE de 2010.
Le spécialiste ontarien de la gestion de la chaîne d’approvisionnement Kinaxis (Tor., KXS, 29,45$) a été plus heureuse : son action a plus que doublé depuis son entrée en Bourse à 13$, en juin 2014.
Même les sociétés bien en vue Facebook (FB,79,19 $), Twitter (TWTR, 36,67$US), Alibaba (BABA), GoPro (GRPO,55,46$US) et ETSY (ETSY, 16,76$US) ont connu des départs turbulents.
Il ne faut donc pas tomber trop facilement sous le charme des nouvelles émissions. Elles ne connaitront pas toutes la réussite.
Seuls les investisseurs déjà bien diversifiés, patients et fonceurs devraient s’aventurer.