BLOGUE. Le conglomérat de la famille Weston, propriétaire des épiceries Loblaw (Tor., L) , est allé chercher Richard Dufresne, le chef de la direction financière de Metro (Tor., MRU.A) pour combler le poste vacant de chef de la direction financière de George Weston (Tor., WN).
Ce type de déplacement latéral est assez rare dans l’industrie de l’épicerie et fait jaser les analystes à qui mieux mieux. M. Dufresne entre en poste le 26 mars.
Il faut dire que George Weston a encore 2,1 milliards de dollars de liquidités dans ses coffres à dépenser, trois ans après avoir vendu sa division américaine de produits frais de boulangerie, pour 2,5 milliards de dollars, en décembre 2008.
À l' époque, les financiers avaient spéculé sur la possibilité que George Weston ferme son capital ou celui de sa filiale Loblaw.
Ce scénario a été abandonné par la suite puisque Weston a choisi de verser un dividende spécial d’un milliard de dollars à ses actionnaires, en janvier 2011. « Des liquidités de 2,1 milliards sont insuffisantes pour privatiser Loblaw (4,4 G$) ou Weston (3,7 G$) », indique Trevor Bateman, analyste des obligations de sociétés, chez BMO Marchés des capitaux.
George Weston a elle-même allumé la mèche de la spéculation en déclarant que M. Dufresne arrive « à un moment charnière et excitant pour l’entreprise », en annonçant son embauche.
Dirigée par Pavi Binning depuis juillet 2011, son chef de la direction financière qu’elle a promu à sa présidence, George Weston a aussi mis en valeur « le savoir-faire transactionnel « de M. Dufresne, dans les motifs de son embauche. M. Dufresne a notamment travaillé sur l'achat de l'épicier ontarien A&P Ontario, par Metro.
Peter Sklar, de BMO Marchés des capitaux, spécule déjà sur la possibilité que Weston orchestre la vente par Loblaw des immeubles qui abritent ses épiceries, dans un fonds immobilier à capital fermé (Reits), comme le propriétaire des épiceries Sobeys/IGA, Empire Co., l'a fait il y a plusieurs années.
L'arrivée de M. Dufresne coïncide aussi avec le renforcement de l'équipe de développement corporatif de George Weston, précise aussi M. Sklar. Weston vient d'embaucher un vice-président principal et deux autres vice-présidents voués au développement des affaires, précise Keith Howlett, de Valeurs mobilières Desjardins.
Il ne faut pas voir dans la nomination de M. Dufresne une acquisition imminente par Weston d’un épicier, croit pour sa part Patricia Baker, de Scotia Capitaux, puisque M. Dufresne n’est pas un épicier ni un détaillant de métier, mais un financier, ayant travaillé au financement des entreprises à la Banque de Montréal.
Mme Baker n'y voit ni fumée ni feu. À son avis, George Weston est constamment à la recherche de candidates d’acquisitions dans le domaine des produits de boulangerie surgelés pour faire grossir cette filiale, sans plus.
L’impact pour Metro
Il n’y a pas anguille sous roche pour Metro non plus derrière le départ de M. Dufresne, croit Perry Caicco, de CIBC Marchés des capitaux.
« Son départ n’affaiblira pas Metro. L’épicier est une machine bien rodée, dotée de processus de gestion solides. Son modèle d’affaires n’est pas complexe. La transition vers un nouveau chef de la direction financière se fera en douceur », écrit M. Caicco.
En outre, le fait que M. Dufresne ait pu traverser la rue pour se rendre chez un compétiteur, sans prendre un congé entre les deux postes, suggère que Metro n’est pas engagée dans des projets d’acquisitions majeurs. Nous croyons toujours que Metro n’est pas sur le point d’avaler Safeway ou Overwaitea. Par contre, à moyen terme, nous continuons de penser que Jean Coutu serait le meilleur actif à acquérir », ajoute M. Caicco, un rare analyste qui échafaude des scénarios de transactions.
L’impact sur Loblaw
M. Caicco voit d’un bon œil pour Loblaw que George Weston rebâtisse son équipe de direction. Le bilan des six dernières années chez Loblaw, sous l’influence du consultant britannique Allan Leigthon, un protégé de la famille Weston, ont été pour le moins mitigés.
« Avec M. Leighton parti et une équipe plus solide chez Weston, la trajectoire de Loblaw retournera dans le giron d’influence de Weston. Dans le passé, Weston a été un parent discipliné qui veillait sur la bonne performance de son principal actif, Loblaw », évoque M. Caicco.
Même si George Weston a toujours de grandes ambitions en tant que boulanger, Loblaw lui procure encore 97 % de ses revenus et 87 % de son bénéfice d’exploitation.