BLOGUE. Le contraste ne peut pas être plus frappant, le titre de l’Américaine Lowe’s (NY, LOW, 35,15 $ US) surpasse son sommet historique de février 2007, pendant que le cours de Rona (Tor., RON, 10,90 $) est au même point qu’en 2003.
La comparaison n’est pas tout à fait équitable toutefois, puisque Lowe’s profite de la résurrection d’un marché résidentiel américain déprimé, tandis que Rona est coincée entre un putsch d’un actionnaire qui veut déloger son conseil d’administration et l’espoir que Lowe’s revienne à la charge avec une nouvelle offre pour Rona.
En juillet, le conseil d’administration de Rona a rejeté les avances de Lowe’s parce qu’elles n’étaient « pas dans l’intérêt des actionnaires ».
Le gouvernement libéral s’est rapidement mêlé au dossier en citant l’intérêt stratégique de Rona pour les fournisseurs et les marchands québécois, notamment. Veuillez lire le blogue de mon collègue François Pouliot pour connaître la position du nouveau gouvernement.
Ensuite, une série d’actionnaires institutionnels, dont Richard Fortin, de Bissett Asset Management, ont fait pression sur les dirigeants de Rona et son conseil pour leur rappeler qu’il est de leur devoir de considérer toutes les options pour valoriser la société et représenter l’ensemble des actionnaires.
Deux jours après le dévoilement d’une baisse de 24 % du bénéfice d’exploitation au troisième trimestre, le 9 novembre, le président Robert Dutton a démissionné subitement, après avoir perdu la confiance du conseil d’administration.
« Nous espérons que le départ de M. Dutton signale que le conseil est enfin disposé à considérer toutes les options pour créer de la valeur pour les actionnaires », avait déclaré à lesaffaires.com M. Fortin, le 9 novembre.
« Clairement, les plus récents résultats indiquent que le plan de relance ne fonctionne pas. La société a perdu 600 millions de sa valeur depuis juillet. Les 40 millions d’économies visées dans le plan de relance ne font pas le poids », a-t-il ajouté.
Tentative de putsch du conseil de Rona
Tentative de putsch du conseil de Rona
En réponse à la requête du gestionnaire Invesco pour la tenue d’une assemblée extraordinaire visant à destituer tout le conseil d’administration, Rona a convoqué une assemble en mai 2013 ! Invesco a 10,16 % de Rona.
D’ici là, la pression sur Rona sera forte.
« Le conseil devra considérer toutes les avenues, car si l'entreprise continue dans la voie actuelle, la valeur de son fonds de commerce se dépréciera un peu plus chaque jour ", a aussi déclaré Irwin Michael, gestionnaire des Fonds ABC.
Le cours de Rona est attrayant selon lui puisqu’il se négocie près de sa valeur comptable tangible (l’avoir des actionnaires excluant la plus-value payée pour les acquisitions et la valeur de ses marques).
La Caisse de dépôt et placement du Québec a dépensé 44 millions de dollars pour acheter deux blocs importants de Rona, payant jusqu'à 14,167 $ pour 2,4 millions de ses actions, en juillet et le 4 septembre. La Caisse détient 14,18 % de Rona.
Avec la volonté politique de garder le siège social de Rona au Québec et les blocs des marchands (10 %) et du Fonds de la FTQ (3,5 %), c’est près de 30 % des actionnaires qui s’opposent en principe à la vente de Rona à Lowe’s.
Contrairement à d'autres actionnaires, la Caisse sait être patiente. Douze ans après avoir permis à Québecor d'acheter Vidéotron et le Groupe TVA, la Caisse de dépôt et placement du Québec vient de réduire sa participation dans Québecor Média, de 45,3 % à 24,6 %.
Six mois de jeux de coulisses
Six mois de jeux de coulisses ?
Devant la possibilité d’une bataille de procurations, pas étonnant que neuf analystes recommandent de conserver le titre de Rona, avec des cours-cibles qui varient de 10 à 12 $.
Mark Petrie, l’analyste de CIBC, qui avait prévu les changements potentiels au conseil d’administration, estime que la valeur de toutes les pièces de Rona vaut plus de 16 $ par action.
En attendant une offre potentielle, « Rona fait face à d'énormes défis pour rediriger ses ventes dans ses plus petits magasins, au moment où l’industrie résidentielle ralentit et où la concurrence s'intensifie, avait ajouté l’analyste, dans un rapport le 9 novembre.
Avec les deux mains dans son propre plan de relance et ses propres actionnaires à satisfaire, Lowe’s préfère se faire discrète.
Dans son plus récent appel-conférence, la société américaine a réaffirmé son intérêt pour une acquisition canadienne pour accroître sa taille, sans toutefois identifier Rona directement.
"Je spécule que Lowe’s est encore intéressée. Ils disent encore chercher une acquisition canadienne de taille. Il n’y en a pas beaucoup au Canada.
Dans sa première offre, Lowe’s cherchait l'appui du conseil de Rona pour conclure une acquisition amicale. J’imagine que le départ de M. Dutton est le premier pas ", nous a confié un financier de Montréal.