La fuite en mars des industries les plus à la mode ne met pas en danger la hausse boursière américaine, répète le stratège mondial de Credit Suisse, Andrew Garthwaite.
Le changement de la garde, qui fait passer les investisseurs des chouchous les plus chèrement évalués aux sociétés plus établies et aux industries meilleur marché, crée néanmoins des remous qui gardent le S&P 500 dans un étroit tunnel depuis le début de l’année.
Le S&P 500 a gagné 1,4 % depuis le début de 2014, après un gain exceptionnel de 31 % l’an dernier.
M. Garthwaite s’attend d'ailleurs à une hausse modeste de 5 % d’ici la fin de l’année pour l’indice-phare américain.
Le flegme britannique aide sûrement le londonien Andrew Garthwaite à garder son calme, mais le stratège a aussi plusieurs arguments dans son sac.
Pas de cassure en vue
La rotation des investisseurs n’est pas le prélude à une cassure boursière parce que le comportement du marché du crédit, soit les écarts de rendement entre les obligations de sociétés et celles des gouvernements, ont continué à se rétrécir, depuis le début de mars, tant aux États-Unis qu’en Europe.
Or, le rendement des obligations de sociétés, en tant que repère de confiance, a devancé les actions de trois mois lors des cinq points tournants de la Bourse, depuis 1987.
De plus, même au sommet du S&P 500 de mars, les indicateurs mesurant l’élan des cours n’indiquaient pas une ruée extrême des investisseurs vers les coqueluches du Web, de la biotechnologie ou encore vers les plus petites sociétés, comme on l’avait vu lors de records précédents.
L’humeur mondiale des investisseurs envers les actions et l’appétit du risque ne montrent aucun signe d’excès non plus et se tiennent près de leur moyenne à long terme.
La hausse ayant été généralisée avant le repli récent du Nasdaq, la Bourse est aussi moins vulnérable au repli de ses leaders, dit-il.
Les actifs risqués tiennent bon
Les actifs risqués tiennent bon
M. Garthwaite se dit aussi rassuré par le comportement d’autres classes d’actif jugées plus risquées depuis le début de mars, dont les marchés émergents, les pays périphériques de l’Europe et certains métaux.
Le stratège y voit là un signe que l’économie mondiale se porte bien, malgré tout.
Certains indicateurs précurseurs, dont la masse monétaire réelle mondiale, s’améliorent et devancent habituellement un rebond des indices de l’activité et des commandes manufacturières.
L’économiste en chef de Credit Suisse, James Sweeney, prévoit que la production industrielle mondiale reprendra de l’élan à partir du mois de mai.
La moins grande fluctuation des obligations du Trésor américain, qui a retrouvé son plus bas niveau depuis trois ans, incite aussi les investisseurs à revenir aux devises des marchés émergents où les rendements obligataires sont supérieurs, précise aussi le stratège.
À court terme, le retour de ces capitaux a un effet d’entraînement sur les Bourses des pays émergents dont les cours étaient en février à leur plus faible évaluation en dix ans, en fonction de leur valeur comptable, lorsqu'on les compare aux Bourses mondiales.
L’Europe préférée aux Etats-Unis, la Chine inquiète
L’Europe préférée aux Etats-Unis, la Chine inquiète
M. Garthwaite ayant le monde comme univers de placement, il préfère l’Europe aux États-Unis, incluant ses pays périphériques, parce que les cours y sont encore bon marché et que les bénéfices encore déprimés peuvent rebondir.
Par contre, il reste prudent envers les marchés émergents où le retour des capitaux lui apparaît fragile puisque les indicateurs précurseurs de la production industrielle et des profits dans ces marchés ne remontent pas encore.
De plus, ces devises et ces Bourses sont plus à risque de voir les capitaux fuir à nouveau si l’élan de l’économie et de l’emploi aux États-Unis avançait la première hausse du taux directeur de la Réserve fédérale. Pour l’instant, les investisseurs obligataires s’attendent à une première hausse en avril 2015.
La Chine en particulier tracasse M. Garthwaite parce que le pays doit juguler une bulle immobilière, une bulle de crédit et une bulle d’investissements. Le stratège est donc aussi prudent envers les producteurs de matières premières.
Aux États-Unis et en Europe, le stratège privilégie les secteurs qui bénéficieront d’une reprise des investissements des entreprises.
Les banques prêtent déjà davantage aux entreprises, maintenant que leurs ratios de capital respectent les nouvelles normes réglementaires et que les prêts hypothécaires perdent de leur vigueur.
En Europe, les analystes de Credit Suisse suggèrent des titres tels que Adecco, Cap Gemini, Whitbread, Daimler et Siemens.