BLOGUE. En soit, la mainmise par le principal distributeur canadien de médicaments, McKesson, des bannières et des franchises du groupe privé Katz, n’est pas majeure, puisque McKesson achète un client qui procure surtout des services de mise en marché à des pharmacies indépendantes.
Néanmoins, la transaction de 920 millions de dollars pourrait influencer la consolidation prévue des pharmacies au Canada, que provoque la réforme de la gestion des médicaments génériques par les provinces.
« Il est dans l’intérêt du grossiste McKesson de s’assurer que les pharmacies indépendantes ne joignent pas les chaînes de ses rivaux », explique Keith Howlett, de Valeurs mobilières Desjardins.
Un rival plus fonceur pour Shoppers
D’un, « McKesson devient un plus important rival pour Shoppers et Jean Coutu en améliorant sa force d’attraction pour les pharmaciens indépendants », explique Perry Caicco, analyste chez CIBC Marchés des capitaux.
Shoppers devra être plus audacieuse et créative pour mettre la main sur les pharmacies indépendantes que la réforme fragilise. La bataille pour acquérir les indépendants fera grimper les prix qu’auront à offrir les acquéreurs, prévoit M. Caicco.
« Katz devient un concurrent de plus à Shoppers pour l’achat de pharmacies indépendantes à l’extérieur du Québec », croit aussi M. Howlett.
« À moins de former son propre réseau de pharmacies indépendantes. Il sera plus difficile pour Shoppers d’accroître la taille de son réseau », dit M. Caicco, en précisant que cela n’entache pas la qualité des actifs de Shoppers, ni sa capacité à générer des flux excédentaires, année après année.
Le réinvestissement de Katz dans ses propres pharmacies Rexall accentuera la concurrence dans certains marchés ontariens de Shoppers, à court terme. " Toutefois, il faudrait que Rexall croisse énormément pour devenir une réelle menace pour Shoppers ", dit pour sa part David Hatley, de Credit Suisse.
Une occasion manquée pour Jean Coutu ?
La transaction McKesson-Katz pourrait aussi avoir des répercussions pour le Groupe Jean Coutu, entrevoit M. Caicco.
« Katz aurait été une acquisition parfaite pour Jean Coutu. Jean Coutu est peut-être encore intéressée aux 420 pharmacies qu’exploite Katz en Ontario et dans l’Ouest canadien, mais la vente de ses pharmacies indépendantes par la famille Katz indique qu’à long terme il est plus probable que Jean Coutu devienne une cible plutôt qu’acquéreur », avance M. Caicco.
McKesson est le distributeur des pharmacies de Katz en vertu d’une entente d’approvisionnement à long terme. Ce contrat rend ces pharmacies moins attrayantes pour un groupe intégré tel que Jean Coutu.
Le groupe Katz, contrôlé par la famille Katz d’Edmonton, compte réinvestir une partie des 920 millions de dollars reçus dans l’expansion de ses propres pharmacies Rexall et Pharma Plus. « Cela suggère que ses pharmacies corporatives ne sont pas à vendre », indique Vishal Shreedhar, de la Financière Banque Nationale.
Katz pourrait rester une cible à long terme, croit tout de même M. Hartley. Le fait que Katz se débarrasse de ses bannières et franchises concentre la société sur ses pharmacies corporatives, qui pourraient être plus facilement revendues, à long terme.
Michael Van Aelst, de Valeurs mobilières TD, ne voit pas une menace dans le geste de McKesson pour Shoppers er Jean Coutu. En achetant des pharmacies indépendantes, McKesson cherche avant tout à protéger ses propres revenus de distribution comme elle l’a fait avec Proxim au Québec, dit-il.
Néanmoins, il est possible que McKesson acquiert d’autres pharmacies indépendantes pour empêcher les pharmaciens qui veulent vendre de joindre les réseaux de Jean Coutu et Shoppers.
McKesson peut offrir à ses « partenaires-pharmaciens » un appui financier pour les aider à préserver leurs revenus, de la même façon que le Groupe Jean Coutu réduit les redevances que lui versent ses franchisés, à l’occasion.
L’analyste de CIBC, M. Caicco, pousse son analyse plus loin : si Katz n’est pas à vendre, le géant Américain Walgreen (NY, WAG) pourrait-elle s’intéresser davantage à Shoppers, se demande-t-il ?
Pour l’instant, ces conjectures à long terme laissent les investisseurs indifférents. L’action du Groupe Jean Coutu (Tor., PJC.A, 13,35 $) gagne 0,6 % le 31 janvier, celle de Shoppers Drug Mart/Pharmaprix (Tor., SC, 41,23 $) s’apprécie de 0,8 %.