Il n’y a rien de plus agaçant qu’un consensus trop consensuel.
Or, la très grande majorité des stratèges tournent le même disque. En 2015, il faut privilégier la Bourse américaine par rapport aux autres marchés développés et aux pays émergents.
Il y a aussi presqu’un consensus pour le niveau prévu du S&P 500. La cible moyenne de quelque 18 stratèges sondés par Bloomberg est de 2225 pour la fin de 2015, soit un gain potentiel de 11 %, par rapport au niveau actuel.
Aucun ne prévoit une baisse. Il s'agit du consensus le plus unanime depuis 2009.
Ce genre de synchronisme réveille généralement en moi un réflexe de méfiance - parce que les marchés déjouent souvent les meilleures prévisionnistes.
L’interdépendance entre les économies et les marchés des capitaux a souvent tôt fait de déclencher des mécanismes d’ajustement qui ont parfois des effets imprévisibles ou encore indésirables.
Qui avait prévu par exemple la chute du pétrole l’été dernier, au moment où le secteur de l’énergie aux États-Unis était parmi les plus populaires pour miser sur une croissance mieux synchronisée des économies mondiales?
Le secteur pétrolier avait grimpé de 25% en Bourse, entre la fin de février et le 23 juin 2014.
Ces paris ont d’ailleurs amplifié la chute des cours du pétrole depuis juin, puisque les investisseurs et les négociateurs vendent afin d'éviter des pertes encore pires.
Un peu trop d'optimisme selon Goldman Sachs
Un peu trop d'optimisme selon Goldman Sachs
D’ailleurs, dans une note à ses clients publiée aujourd’hui. David Kiston, stratège de Goldman Sachs, a prévenu que les investisseurs ont terminé l’année 2014 sur une note un peu trop optimiste à court terme, s’il se fie à un indicateur interne.
Le niveau d’optimisme a atteint un niveau record 100 suggérant que le S&P 500 est vulnérable à une baisse d’au moins 3%, au cours des six semaines suivantes.
Le cours-cible de 2100 de Goldman Sachs, pour la fin de 2015, est l’un des plus prudent de Wall-Street, pour un rendement potentiel de 3,9% prévu cette année.
Avec un peu de recul toutefois, il est difficile d’imaginer que d’autres marchés que les États-Unis puissent prendre la relève l’an prochain, surtout en fonction du risque que l’investisseur assume.
Il est en effet probable que les Bourses de l’Europe et des marchés émergents rebondissent en réaction aux nouvelles mesures de détente monétaire par les banques centrales de l’Europe, du Japon et de la Chine, mais en terme de risque-rendement, les États-Unis devraient encore se distinguer.
La chute du prix de l’essence, en même temps que le marché du travail s’améliore, devrait stimuler les dépenses des ménages et accélérer leur rythme de croissance de 2,2% qu’il a été depuis 2009, à 2,9% en 2015. Ce serait le meilleur taux depuis 2006, prévoit Mark Zandi, économiste, de Moody’s Analystics.
Écouter les entreprises au lieu des marchés
Écouter les entreprises au lieu des marchés
Mais ce qui frappait à la fin de 2014, c’est la confiance dont faisaient preuve les entreprises américaines, en dépit des turbulences mondiales.
Mieux vaut écouter les entreprises, aguerries par la crise de 2009-09, que les marchés.
Tour à tour, des entreprises telles que General Electric, 3M, CVS pour ne nommer que celles-là ont fourni de solides perspectives qui tranchent avec l’anxiété des marchés.
General Electric (NY, GE), le conglomérat qui devient de plus en plus industriel, mise toujours sur une hausse d’au moins 10% des bénéfices de son secteur industriel en 2015, malgré la dégringolade du pétrole.
Des coupes administratives et l’intégration d’Alstom devraient notamment gonfler ses marges.
Plutôt sceptiques envers le potentiel de la transformation de GE, les analystes prévoient tout de même que la croissance de ses bénéfices s’accélérera de 1% en 2014 à 8% en 2015.
Le fabricant des Post-it et du ruban gommé et de 29 000 autres produits 3M (NY, MMM) ne dévie pas non plus de son plan de match de cinq ans, malgré la hausse du dollar américain.
Ce plan prévoit une croissance annuelle de 9 à 11% de ses bénéfices, entre 2013 et 2017, un rendement du capital investi de plus de 20% et des acquisitions 5 à 10 milliards de dollars américains.
Une croissance interne modeste mais solide de 4% (prévue entre 2013 et 2017), d’autres gains de productivité et la baisse des cours des denrées, amélioreront ses marges.
La multinationale a porté de 17 à 22 milliards de dollars américains le programme de rachat d’actions planifié entre 2013 et 2017 et a accru son dividende de 20%.
Cette entreprise transforme 100% de ses bénéfices en flux de trésorerie.
Le pharmacien et administrateur de services de santé CVS Health Corp. (NY, CVS) prévoit pour sa part que ses revenus progresseront de 7 à 8% et ses bénéfices de 12 à 15%, en 2015, malgré sa décision de ne plus vendre de cigarettes en pharmacie et la pression sur ses marges qu’exercent des médicaments génériques.
CVS vient d’augmenter son dividende de 27% et prévoit racheter jusqu’à 6 milliards de dollars américains de ses actions en 2015, 50% de plus qu’en 2014.
CVS prévoit rien de moins que des flux de trésorerie excédentaires de 41 milliards de dollars américains entre 2014 et 2018.
Une telle «visibilité» vaut son pesant d’or et milite pour rester fidèle aux actions américaines l’an prochain, même si elles ne trôneront probablement pas en tête des palmarès de rendements.