Vincent Delisle, stratège de Banque Scotia, se plie à son tour à l’ingrat exercice des prédictions pour 2015.
Pour simplifier l’interaction parfois complexe entre les facteurs macroéconomiques et la Bourse, M. Delisle, découpe ses perspectives en dix thèmes, pour une sixième année consécutive.
Avant d’aborder ces thèmes, voici quatre prévisions:
-Les taux américains à court terme passeront de 0,25% à 1,25% ; les taux américains de 10 ans de 2,25% à 3%. Au Canada, les taux à court terme resteront inchangés à 1% et les taux de 10 ans passeront de 1,9 à 2,75%, en 2015. Les obligations offriront un rendement nul en 2015, les obligations de sociétés de 2%.
- Le dollar canadien reculera sous le seuil de 0,85$US par rapport à son niveau actuel de 0,8734US.
- Le S&P 500 devrait atteindre 2225 en 2015, soit un multiple de 16,5 fois les bénéfices des entreprises de cet indice prévus en 2016. Il s’agit d’un gain potentiel de 7,3%
- Le S&P/TSX de Toronto terminera 2015 à 15 000, pour une hausse potentielle de 5,7 %.
1- Les États-Unis continuent de mener la charge
La performance supérieure de l’économie américaine continuera en 2015, avec une croissance prévue de 3,3% en 2015. Ce rythme devancera ceux du Canada (2,3 %), de la zone euro (1,0 %) et du Japon (0,9 %). L’économie américaine surpassera aussi celles des marchés émergents où la cadence ralentit.
2- Le dollar américain poursuivra son ascension
La divergence des politiques monétaires un peu partout dans le monde soutiendra le dollar américain. La première hausse prévue du taux directeur par la Fed, au deuxième semestre de 2015, sera complètement à contresens de la voie empruntée par l’Europe et le Japon.
L’amélioration du marché du travail aux États-Unis exercera aussi des pressions à la hausse sur les salaires et les attentes d’inflation.
Un billet vert fort et un recul des cours des denrées risquent de fragiliser les pays émergents au cours des prochains mois, comme ce fût le cas à la fin des années 1990 (en Thaïlande et en Russie).
3- Des surprises pour les taux à long terme
Les taux à long terme aux Etats-Unis ont baissé de 0,75% en 2014 malgré la création de 241 000 emplois, un taux de chômage de 5,8 % et la fin du programme de rachat d’obligations de la Fed, en octobre.
Ce découplage pourrait persister en 2015. Les investisseurs actifs devraient suivre de près les signaux techniques des taux à long terme pour détecter tout renversement de tendance.
Tout mouvement au-dessus de 2,53% pour les taux de 10 ans (soit leur moyenne mobile de 200 jours) signalerait un nouveau régime de taux plus élevés.
4- La Fed fait grimper la volatilité
4- La Fed fait grimper la volatilité
Depuis 2009, la volatilité de la Bourse est dans une tendance baissière, atteignant même un plancher de plusieurs décennies, pendant l’été 2014.
Ce climat de calme a probablement pris fin au troisième trimestre et les marchés connaîtront plus de sautes d’humeur l’an prochain, comme on peut s’y attendre lorsque la Fed se prépare à hausser ses taux (pour la première fois depuis 2006). M. Delisle compte suivre de près ses indicateurs techniques et tactiques pour y adapter sa stratégie.
5- Ressources : les consommateurs auront l’avantage sur les producteurs
Contrairement à la période de 2005 à 2010 où la croissance de plus de 10 % de la Chine a fait grimper les cours des matières premières, l’appétit de la Chine décline depuis 2011, au moment où la production est encore forte. Les consommateurs de matières premières devraient donc bénéficier du recul de leurs coûts d’approvisionnement. La zone euro, les États-Unis et le Japon en profiteront parmi les pays développés, ainsi que la Chine et l’Inde, parmi les pays émergents.
6- Le huard faible bénéficiera à certains secteurs du TSX
Si la chute du pétrole nuira aux pays producteurs, pour encore au moins six mois, les États-Unis devraient tout de même en bénéficier puisque 70 % de leur économie repose sur le consommateur. Les secteurs du transport, industriel et de l’habitation seront des bénéficiaires. La baisse du pétrole profitera aussi profits des fournisseurs de technologie et de biens en capital.
Au Canada, la baisse du huard devrait soutenir les secteurs suivants si l’on se fie aux périodes passées de faiblesse de notre monnaie. Comme guide, M. Delisle présente les rendements moyens des secteurs du S&P/TSX pendant de précédents reculs de 6 % du huard sur 26 mois : industrie (+ 31 %), transport (+ 41 %), consommation discrétionnaire (+ 35 %), pièces d’autos (+ 64 %), média (+ 24 %), consommation de base (+ 33 %), finance (+ 22 %), technologie (+ 34 %) et télécommunications (+ 16 %).
7- Plus de divergences entre les pays
7- Plus de divergences entre les pays
En 2014, l’indice mondial MSCI a gagné 4,2 % en 2014, avec 50 % ou 23 pays membres qui ont participé à la hausse, en dollars américains. Il s’agit de la plus faible corrélation depuis 2004-06. La force du dollar américain et la hausse prévue du taux directeur américain en 2015 devraient accentuer ce phénomène.
8- Les multiples cours-bénéfices peuvent encore augmenter
Même si le S&P 500 a gagné 206 % depuis le premier trimestre de 2009 et que son multiple cours-bénéfices est supérieur à sa moyenne, l’évaluation de l’indice peut encore augmenter tout en restant dans sa tendance historique. Les États-Unis ne négocient à un multiple de 8,9 % supérieur à sa moyenne historique, le Canada de 2,53 % et l’Amérique latine de 17%. Les multiples cours-bénéfices se contractent pendant les « récessions de profits », alors que M. Delisle prévoit une hausse de 8,5 % des bénéfices américains en 2015. De plus, le retour en masse des investisseurs aux actions n’a pas encore eu lieu, contrairement aux prévisions. La hausse des taux pourrait rediriger les investisseurs vers les actions, s’ils voient leurs obligations perdre de la valeur dans leur état compte.
9- Le secteur minier pourrait moins souffrir que l’énergie
Puisque ça fait déjà quatre ans que les cours des métaux et de leurs producteurs reculent, le secteur minier pourrait mieux se tenir en 2015 que le secteur de l’énergie. Les cours des producteurs d’or et de métaux de base ont aussi déjà baissé deux fois plus que le cours de leur matière sous-jacente. En revanche, le réveil brutal de la chute du pétrole sous 70 $ US le baril ne fait que commencer ; les producteurs devront revoir leurs dépenses et leurs dividendes.
10- Au tour des plus grandes sociétés de briller en Bourse
Après un long marche haussier pour les titres à faible capitalisation, entre 1999 à 2013, c’est au tour des sociétés à grande capitalisation de connaître leur cycle haussier. Même si la croissance américaine sera solide, d’autres facteurs seront moins favorables aux titres à faible capitalisation, dont la volatilité et le changement de régime des taux. Au Canada, les cours affaiblis pour les ressources empêcheront les titres à faible capitalisation de surpasser l’indice S&P/TSX.