Si vous avez l’impression d’être submergés chaque jour par les annonces d’acquisitions qui défilent, vous avez raison.
Les transactions ont toujours fait partie du paysage boursier. Parlez-en à Apple qui a discrètement acquis 24 entreprises depuis 18 mois ou à TransForce qui en a enfilé une centaine, au fil des ans,
Toutefois, la fusion de 40 milliards de dollars américains des géants européèns du ciment Lafarge et Holcim, l’offre hostile de 40 G$ US de Valeant pour Allergan et la rumeur d’une offre de 13 G$ US par General Electric pour les activités d’énergie de la Française Alstom, sans compter les échanges d’actifs de 28 G$ US entre les pharmaceutiques GlaxoSmithKline, Eli Lilly et Novartis, indiquent que le phénomène prend une nouvelle ampleur.
Un signe de confiance avant tout
Un signe de confiance avant tout
La valeur des transactions a atteint la marque de 1 000 milliards de dollars américains depuis le début de 2014, rapporte Bloomberg, un sommet en sept ans.
Au mois d’avril, les transactions dans le seul secteur industriel ont atteint 69 G$ US, le mois le plus actif pour cette industrie, depuis au moins 2002. Si le reste de l'année continuait au même rythme, 2014 verrait des transactions totalisant 4 000 milliards, soit la deuxième année la plus active, après celle de 2007, un an avant la crise.
Pour l'instant, le bond des transactions dans le secteur industriel en particulier est perçu comme un signal rassurant de retour de la confiance, puisque l’humeur de leurs dirigeants est beaucoup plus tributaire de l’activité économique que les secteurs pharmaceutique, financier ou de la technologie, fait valoir Eric Green directeur de la recherche de Penn Capital Management, à Bloomberg.
« Les signes d’amélioration économique donnent aux présidents et aux chefs de la finance la confiance de tirer la gâchette sur les acquisitions », dit aussi Joel Levington, analyste de Bloomberg Industries.
Six ans après la crise, 2 300 entreprises non financières américaines semblent plus disposées à déployer les liquidités de 2 000 milliards qu’elles sont accumulées en rachetant leurs actions, en majorant leurs dividendes et en réalisant des acquisitions.
Même les dépenses en immobilisations font un timide retour, ce qui en fait d’ailleurs un thème très à la mode parmi les stratèges boursiers.
Les bas taux rentabilisent les transactions
Les bas taux rentabilisent les transactions
Il n’a pas que l’embellie économique qui fait passer les entreprises à l’action. Les taux d’intérêt restent très bas, malgré la meilleure économie américaine et la reprise en Europe.
Il a aussi rarement été aussi aisé pour les entreprises d’emprunter sur le marché des obligations, et pour si peu, afin de financer des transactions.
Des observateurs commencent même à parler d’une « épidémie » d’obligations de pacotille émises par les sociétés. Le phénomène commence d’ailleurs à inquiéter les amateurs d’obligations de sociétés, dont Jeffrey Gundlach, président de DoubleLine Capital.
« En faisant grimper les cours des obligations de pacotille, les investisseurs ont retiré toute la pâte à date du tube de dentifrice », a prévenu M. Gundlach, dans une entrevue à Bloomberg, en mars.
Un cas d’espèce récent en Europe : le câblodistributeur français Numericable a émis 23 milliards d’obligations et de prêts, un record pour des titres de pacotille, pour financer l’achat de la filiale sans-fil de Vivendi, SFR.
Meilleurs sont les taux, plus il est facile de justifier une acquisition et surtout de la rentabiliser. Tant que les flux de trésorerie de la société acquise procurent un rendement supérieur au coût d'emprunt, l'achat rapporte, du moins sur le plan financier.
En septembre 2013, Verizon a émis 49 milliards de dollars d’obligations, avec un coupon de 4,5 %, échéant en 2020, pour avaler le reste de Verizon Wireless.
Les acquéreurs récompensés
Les acquéreurs récompensés
Cette conjoncture unique explique aussi pourquoi les actions des acquéreurs grimpent en Bourse à l’annonce d’acquisitions.
Auparavant, les actions des acquéreurs auraient baissé tellement les acquisitions avaient la réputation de rarement donner les rendements promis.
Le mouvement prend aussi de l’ampleur parce qu’une fois qu’il est enclenché, les acteurs des différentes industries se dépêchent pour mettre la main sur les meilleurs actifs et cibles, de peur de se laisser distancer par leurs rivaux.
Les entreprises cherchent aussi à devancer une éventuelle hausse des taux d’intérêt, qui rendrait les acquisitions rapidement moins attrayantes.
Alors que dans le passé de telles vagues de transactions annonçaient une fin de cycle boursier ou était signal de danger, cette fois, les observateurs y voient plutôt une façon de prolonger la hausse boursière, en donnant aux entreprises un autre moyen d’améliorer leurs marges déjà record.
L’équipe du crédit de Barclays estime que ce genre de tendance lourde peut durer encore bien longtemps, surtout si une économie modérée prolonge le cycle des faibles taux.
Pour l’instant, le marché leur donne raison. Les taux américains de 30 ans aux Etats-Unis sont redescendus de 3,97 % en janvier à 3,43 % !
« Les entreprises utilisent aussi des actions pour financer leurs acquisitions, ce qui évite d’alourdir leur bilan », explique l’analyste Jeffrey Meli, de Barclays
Néanmoins, toute tendance, aussi positive soit-elle, connaît éventuellement des excès qui finissent invariablement par transformer les festivités en lendemain de veille.