Les investisseurs canadiens font face à un dilemme qui profite aux «multinationales locales», à défaut d’un meilleur terme.
L’économie canadienne tourne au ralenti tandis que la décélération marquée de la Chine et la surproduction dépriment le secteur des ressources naturelles.
Même les banques canadiennes, encensées mondialement pour leur solidité pendant la crise, sont tombées en défaveur en raison des craintes que suscitent l’effet d’une baisse prolongée du pétrole sur l’économie et la surchauffe du marché résidentiel.
Les producteurs de ressources naturelles n’ont pas été autant boudés depuis 2005 aux États-Unis et leur évaluation se rapproche des planchers connus en 2000 et en 2009.
Les investisseurs hésitent toutefois à sauter sur ces «aubaines» tant le ralentissement de la cadence chinoise obscurcit les perspectives des producteurs de ressources.
Dans le passé, un huard faible aurait dirigé les investisseurs vers ces producteurs dont les coûts sont en dollars canadiens et les revenus sont réalisés en dollars américains, mais pas cette fois-ci.
«La foule fuit les ressources depuis l’an dernier, ce qui réveille mon instinct à contre-courant. Toutefois, il est difficile de présenter des arguments convaincants en faveur d’une reprise mondiale qui justifierait d’investir à l’encontre du consensus», indique Ed Yardeni, président de Yardeni Research.
Déjouer la conjoncture
Déjouer la conjoncture
En même temps, notre économie vacillante déprécie notre monnaie, ce qui accroît nettement le coût pour les investisseurs canadiens d’acheter des entreprises américaines pour profiter de sa meilleure économie. Le huard a chuté de 27% depuis le sommet de 1,06$US atteint en juillet 2011.
Les pros se retrouvent donc devant les choix canadiens qui restent et cherchent à déjouer la conjoncture avec des entreprises canadiennes moins tributaires de l’économie canadienne ou de l’appétit de la Chine pour les ressources, en privilégiant les «multinationales locales».
Lire un blogue précédent sur la stratégie recommandée par Macquarie
Ces entreprises réalisent une bonne part de leurs revenus à l’étranger et profitent donc de la dépréciation du huard. Par exemple, le chemin de fer Canadien National (Tor.,CNR,79,31$), qui réalise 60% de ses revenus aux États-Unis, estime à 0,08$ par action l’effet favorable sur ses bénéfices du recul du dollar canadien, à son deuxième trimestre.
Ce thème est l’un des facteurs qui poussent plusieurs titres à de nouveaux sommets presque quotidiennement tels que Alimentation Couche-Tard(Tor.,ATD.B,57,50$), Vêtements de sport Gildan(Tor.,GIL,44,19$),Cott Corp.(Tor., BCB, 14,53$) et FirstService(Tor.,FSV,29,37$).
Le 15 juillet, Michael Van Aelst, de Valeurs mobilières TD, avait fait passer son cours-cible pour l'action d'Alimentation Couche-Tard de 62$ à 66$, afin de refléter l'augmentation de la valeur des bénéfices réalisés en dollars américains sur sa cible pour le titre, qui elle, est en dollars canadiens.
Le même jour, l'analyste Chase Bethel, de Marché des capitaux Desjardins, avait relevé son cours-cible de 44$ à 45$ pour Gildan pour les mêmes motifs.
Le 21 juillet, c’est au tour de Mark Neville, de Banque Scotia, d’augmenter son cours-cible de 165 à 185$ pour le titre de CCL Industries(Tor.,CCL.B,167,42$) en partie parce que le taux de change gonfle ses revenus et ses marges.
De sa perche ontarienne, le fabricant mondial d’étiquettes et de contenants pour les produits de consommation courante réalise 95% de ses revenus à l’étranger, dont 55% aux États-Unis. Ses 102 usines sont réparties dans 28 pays.
M. Neville mise sur une amélioration de 3,1% de sa marge d’exploitation et un bond de 9,3% de ses revenus, au deuxième trimestre que CCL dévoilera le 31 juillet.
Pour sa part, Mario Mendonca, de Valeurs mobilières TD, recommande à nouveau d’acheter son employeur Banque T-D(Tor.,TD,52,39$) et fait passer son cours-cible de 59 à 62$, en raison des bienfaits qu’elle tirera de ses activités bancaires au sud de la frontière.
La banque réalise 2 milliards de dollars ou le quart de ses bénéfices au sud de la frontière.
Ses prévisions de bénéfices augmentent aussi de 0,10$ à 4,85$ par action pour 2016.
La seule conversion de ses résultats américains gonflera de 5 à 20% la croissance des bénéfices de sa division américaine, d’ici la fin de l’année, estime-t-il.
Ses prêts à l’industrie de l’énergie représentent seulement 1% de son portefeuille total de prêts par rapport à une moyenne de 3% pour des rivales.
Une fois sa restructuration complétée aux États-Unis l'an prochain, la banque devrait mieux profiter de la croissance supérieure des prêts commerciaux et à la consommation aux États-Unis et éventuellement de l’effet de la hausse du taux directeur par la Fed sur ses marges d’intérêt, croit M. Neville.