BLOGUE. En l’espace d’une courte semaine, nous avons vu la famille Saputo se délester de 277 millions de dollars d’actions de TransForce (la moitié de ses actions) et du Groupe Saputo (2 % de ses actions), et Glen Chamandy, pdg de Vêtements de Sport Gildan, vendre 2,75 millions de ses 9,8 millions d'actions ordinaires de l'entreprise qu’il dirige.
Les 14 et 15 soût André Desmarais, président délégué du conseil, président et co-chef de la direction, a aussi vendu 5 millions de dollars d'actions de Power Corp. (Tor., POW), à un prix moyen de 23,80 $ par action, selon le rapport de Canadian Insider. Bloomberg indique la vente de 400 000 actions récemment.
Officiellement, ces ventes s’expliquent par une bonne planification successorale de la part des deux familles entrepreneuriales.
Les financiers consultés suggèrent une autre motivation. À quelques jours des élections, qui verra peut-être le Parti québécois (PQ) ou la Coalition Avenir Québec (CAQ) former le nouveau gouvernement, ces gros actionnaires vendent avant une hausse probable de l’imposition du gain en capital, proposée par ces deux partis.
Ce n’est que le début selon Christian Godin, gestionnaire de portefeuilles de Montrusco Bolton.
«Je ne suis pas surpris de voir des ventes comme celles des Saputo et Chamandy. Je crois que plusieurs entrepreneurs comme eux vont faire de la planification fiscale, à cause des hausses d’impôts prônées par les partis politiques.»
«Je prévois qu’il y aura beaucoup de gens fortunés qui vont planifier leur départ du Québec, en raison des changements punitifs à son régime fiscal par rapport au reste du Canada. À la fin du processus, la perte en impôts sera plus grande que les gains recherchés par les augmentations prônées par les différent parti politiques», fait-il aussi valoir.
Il n'est pas le seul à faire entendre sa voix.
Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuilles chez Claret, abonde dans le même sens. «La crainte d'une élection du PQ ou de la CAQ précipite certaines décisions financières de la part des gros actionnaires et des investisseurs plus fortunés», observe-t-il.
Selon lui, certains dirigeants québécois pourraient être tentés de devancer la vente d'actions afin d'éviter l'augmentation prévue par le PQ et la CAQ de l'impôt sur le gain en capital, particulièrement si leur entreprise a bien fait en Bourse. C'est le cas de TransForce, qui avait grimpé de 46 % avant la vente annoncée par Lino Saputo.
M. Fournier croit que le spectre d'une hausse d'imposition risque de nuire à la valeur boursière des entreprises québécoises à faible capitalisation. «Ça risque de créer une pression temporaire sur la valeur de ces titres», dit-il.
Claude Garcia, l’ex-président de l’assureur-vie Standard Life et aujourd’hui administrateur de sociétés, monte aussi aux barricades.
Dans une lettre ouverte au Journal Les Affaires, qui traite de la hausse proposée de 30 % de l’imposition des hauts salariés: « Comment comprendre la logique d’un parti (Parti Québécois) qui veut, d’une part, stimuler l’émergence et la croissance des entreprises et qui, d’autre part, fera tout en son pouvoir pour que les acteurs principaux de cette croissance quittent progressivement le Québec à la recherche de cieux fiscaux plus cléments ».