Alors qu’Alain Bouchard demande aux actionnaires d’Alimentation Couche-Tard de prolonger le statut des actions des fondateurs à 10 votes chacune et que l’emprise de la famille Bombardier-Beaudoin sur Bombardier fait encore jaser, voilà une occasion de se pencher sur le débat de la gouvernance, au sens large.
La gouvernance englobe une foule de notions, de l’indépendance des membres du conseil, à la séparation des rôles de président du conseil et de président, en passant par la représentation des femmes au conseil et le code d’éthique, de conformité et de durabilité.
La taille de plus en plus volumineuse des circulaires de la direction, produites pour les assemblées annuelles, témoigne de l’ampleur que prend le phénomène. La circulaire d'Alimentation Couche-Tard compte 97 pages.
S’il est essentiel de surveiller les sociétés pour éviter les abus de pouvoir de dirigeants et tout autant d’instaurer des protections pour contrer la pression indue d’investisseurs-touristes, ce débat reçoit trop d’attention.
Un faux sentiment de sécurité ?
Il y aura toujours des entreprises intègres et performantes et leur contraire peu importe si elles respectent toute la panoplie des règles de gouvernance et quelque soit leur structure de capital.
Le respect des règles de gouvernance n’a pas empêché les scandales comptables spectaculaires de Worldcom ou d’Enron, aux États-Unis, ni la culture de corruption chez SNC-Lavalin.
Faut-il rappeler que SNC-Lavalin s’est mérité deux mentions d’honneur de la part du Globe & Mail et de l’Institut canadien des comptables agréés en matière de gouvernance en 2012, au moment même où les premières révélations de corruption faisaient surface.
Entre 2004 et 2007, le groupe Hollinger International du magnat déchu de la presse Conrad Black, a aussi connu son lot de batailles judiciaires liées à ses condamnations pour fraude, malgré un conseil d’administration trié sur le volet.
Plus près de nous, Alimentation Couche-Tard, Groupe CGI, Power Corporation et Cogeco, entre autres, ont toutes procuré de bons rendements à long terme, malgré une structure de capital qui accorde dix votes à chaque action multivotante.
Je doute que Bombardier ait reçu plus de commandes pour son appareil CSeries, si la famille Bombardier-Beaudoin, avait fait passer ses droits de vote de 10 à 6 par acction.
Les règles de gouvernance peuvent parfois créer un faux sentiment de sécurité. L'attention des investisseurs devrait être ailleurs.
Du cas par cas
Du cas par cas
Nombre de gestionnaires de portefeuilles m’ont confié au fil des ans que la meilleure façon pour eux de jauger les entreprises et leurs dirigeants est de suivre leurs paroles et leurs gestes de près, pendant une longue période, pour s’assurer qu’ils concordent.
Leur performance se mesure surtout en étudiant les meilleurs ratios d’enrichissement, tel que le rendement sur le capital investi, le rendement de l’avoir des actionnaires, ainsi que les flux de trésorerie excédentaires, année après année.
Pour alimenter votre réflexion, je vous laisse avec les paroles d’Alain Bouchard, tirées de sa lettre dans la circulaire de la direction pour l’assemblée annuelle du 22 septembre.
Pour convaincre les actionnaires de prolonger les dix droits de vote des actions de catégorie A des quatre fondateurs, Alain Bouchard leur rappelle que la valeur de la société a été multipliée par 650 fois, depuis son entrée en Bourse en 1986.
L’amendement proposé vise à ce que la société conserve sa structure à deux paliers du capital aussi longtemps que l’un des fondateurs siégera au conseil et que collectivement, les fondateurs et/ou leur famille possèdent au moins 50% des droits de vote.
«Nous aimerions continuer de jouer un rôle stratégique clé dans la croissance de Couche-Tard et croyons que ceci est dans le meilleur intérêt de tous les actionnaires. Le fait que nous soyons aussi investis dans Couche-Tard a été bénéfique pour tous. Avoir des fondateurs intéressés, engagés et dévoués permettra à Couche-Tard de se concentrer sur la création de valeur à long terme». Lisez toute la circulaire en téléchargeant le fichier en haut à gauche de cette page.
Parions que les actionnaires entérineront l’amendement le 22 septembre.
Espérons aussi que les nouvelles venues en Bourse, qui ont aussi adopté la structure des actions multivotantes, tels que Entreprises Cara, Stingray, Shopify et GDI (l’ex-Groupe Distinction), s’inspireront du chemin tracé par Alimentation Couche-Tard.