Les cours des matières premières sont à leur plus bas en 5 ans, selon l’indice Bloomberg Commodity Index.
Le prix d’un baril de pétrole Brent a baissé sous 100 $ US jeudi, soit son niveau le plus faible depuis deux ans.
Le cuivre et l’indice des denrées alimentaires de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture sont aussi à leur plus bas depuis 2010.
Ce recul est-il le un mauvais présage pour l’économie mondiale ? Les ressources étant une importante part de la Bourse canadienne, devrait-on s’inquiéter ?
Non, répondent les stratèges si on simplifie leurs récents écrits.
Les prévisionnistes attribuent davantage le blâme à la hausse de 8 % du dollar américain depuis juin.
Le bond du billet vert augmente en effet le coût des matières premières pour les acheteurs de denrées qui n’ont pas le dollar américain comme monnaie.
Quand le dollar américain emprunte une pente haussière, les négociateurs, qui se déplacent d’un placement à l’autre à court terme, vendent aussi des matières premières.
« Les matières premières sont sujettes aux mêmes sautes d’humeur de la part des investisseurs que les actions et les obligations, avec la prolifération des fonds négociés en Bourse et des autres placements dans les denrées ", explique Julian Jessop, économiste de Capital Economics.
Or, le dollar de l’oncle Sam s’apprécie parce que l’économie américaine prend justement du mieux, rappelle M. Jessop.
Un dollar fort ne freinera-t-il pas les exportations américaines et les bénéfices des entreprises américaines ?
« Les États-Unis sont beaucoup moins dépendants des exportations que bien d’autres nations et peuvent encaisser le coup. Si le dollar américain grimpait trop vite, la Fed réagirait en maintenant son taux directeur plus bas plus longtemps », explique aussi M. Jessop.
La modération de l'économie mondiale est aussi un baume pour l'économie américaine en freinant la hausse du coût des ressources, dont l'essence à la pompe et celles de l'inflation et des taux, indique Allen Sinai, président de Decision Economics, qui prévoit une accélération de l'économie américaine de 2,2 % en 2014 à 3,5 %, l'an prochain.
Le dollar américain s’apprécie aussi parce qu’on se rapproche de la première hausse du taux directeur par la Fed depuis 2006, rappelle Michael Harnett, stratège en chef de Bank of America Merrill Lynch. Cela dirige des capitaux vers les États-Unis à la recherche de rendement.
Le dernier encan d'obligations du Trésor américain a attiré le plus d'acheteurs étrangers depuis février, selon Bloomberg.
Les obligations américaines de trois ans procurent un rendement d'un pourcent supérieur aux obligations allemandes de même échéance, pour la première fois depuis 2006, donne en exemple M. Harnett.
Les indicateurs pointent toujours vers le haut
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Évidemment, le fait que les économies de la Chine, de l’Europe et du Japon ne croissent pas aussi rapidement que prévu contribue aussi au recul récent des cours des matières premières.
L’Agence internationale de l’énergie a d’ailleurs réduit pour une deuxième fois ses prévisions pour la demande de pétrole pour le reste de 2014 et pour 2015.
Là aussi, les stratèges se montrent peu inquiets. Les indicateurs mondiaux des directeurs d’achat ont plié un peu l’échine en août, mais leur niveau pointe toujours vers une amélioration de la cadence mondiale plus tard en 2014, indique M. Jessop.
La remontée récente des taux phares américains rassure aussi. Les taux américains de dix ans ont augmenté de 0,15 à à 2,61 %, cette semaine.
« Cela suggère que le récent recul des matières premières n’est pas le signal d’une rechute de l’économie mondiale », dit Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity.
En revanche, le ralentissement mondial a tué dans l’œuf la remontée à la Bourse de Toronto des titres les plus cycliques, les producteurs de ressources, qui devaient profiter de l’accélération économique synchronisée sur laquelle misaient certains stratèges.
Sans une accélération de la Chine, il est difficile d’imaginer que l’indice torontois S&P/TSX « puisse soutenir son élan » (après un gain de 14 % depuis le début de l’année), soutient Vincent Delisle, stratège de Banque Scotia, qui préfère d’ailleurs le S&P 500 au S&P/TSX, dans sa stratégie.
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