Août est historiquement le pire mois de l’année pour la Bourse américaine. Le recul de 2,7 % du Dow Jones et du S&P 500 cette semaine donne-t-il déjà raison aux annales boursières?
Le Dow Jones a perdu 3,8 % depuis son sommet atteint il y a deux semaines, tout en rayant tous les gains engrangés depuis le début de l’année.
Certains financiers, tels que Martin Roberge, de Canaccord Genuity, croient que la correction longtemps appréhendée s’est bel et bien pointée.
Les risques d’une baisse augmentent entre août et novembre, lors de la sixième année d’un mouvement haussier, en particulier après un gain de plus de 100% en 5 ans, précise le stratège quantitatif.
L’indice mondial des attentes inflationnistes a probablement touché un plancher au premier trimestre et toute remontée a généralement pour effet de freiner la hausse des multiples d’évaluation des actions, explique-t-il aussi.
Des signes avant-coureurs
Des signes avant-coureurs
Son collègue chez Canaccord, l’Américain Tony Dwyer, indique que le mouvement de repli des grands indices avait été devancé par les titres à faible capitalisation. Le Russell 2000 américain a en effet reculé de 4,2% depuis le début de l’année.
«Le mouvement de repli devrait se terminer lorsque les titres à grande capitalisation auront rejoint les titres à faible capitalisation dans un mouvement de recul de 5 à 10% », prévoit M. Dwyer, qui renouvelle en même temps son optimiste envers la Bourse.
Michael Hartnett, stratège en chef de Bank of America Merrill Lynch, constate pour sa part que les marchés montrent des signes classiques d’un repli.
Les leaders mondiaux - les obligations de pacotille, les titres à faible capitalisation et les banques - perdent de l’élan.
«La mauvaise performance récente des obligations de pacotille par rapport aux obligations de qualité alerte les négociateurs de tempérer leur appât du gain en août», évoque-t-il.
Ces obligations émises par les sociétés baissent depuis trois semaines.
Les investisseurs mondiaux ont vendu 4,4 milliards de dollars fonds d’obligations de pacotille au cours de la semaine terminée le 30 juillet.
Le rendement à l’échéance moyen de ces obligations a aussi grimpé de 4,3 à 5,7%, depuis un peu plus d’un mois, ce qui indique que les investisseurs exigent un meilleur rendement pour le risque assumé avec ces titres, note aussi Bespoke Investment Management.
M. Roberge garde aussi à l’œil les obligations de pacotille, car elles sont un bon baromètre de l’appétit du risque des investisseurs.
Autre signe classique de correction, selon M. Hartnett: les investisseurs mondiaux se déplacent des leaders boursiers aux placements qui n’ont peu ou moins profité de la vague haussière, telle que la Chine ou encore le Japon.
Les fonds globaux chinois ont récolté 1,5 milliard de dollars, lors de la semaine close le 30 juillet, leurs meilleures entrées de fonds plus depuis décembre 2012. La Bourse de Shanghai s’est d’ailleurs relevée de 8% depuis son propre creux.
Les fonds mondiaux des marchés émergents connaissent aussi leurs meilleures entrées de fonds depuis 18 mois : 5,3 milliards de dollars américains, rapporte Bank of America Merrill Lynch.
Les négociateurs semblent aussi se réfugier dans des marchés peu influencés par le S&P 500 ou par les obligations américaines, telles que le Japon, la Chine et la Corée, explique M. Hartnett.
Deux stratèges, deux stratégies
Deux stratèges, deux stratégies
«La volatilité croîtra au cours des prochains mois (avec la meilleure croissance économique, une hausse des taux et du dollar américains), mais le consensus d’une correction est un peu trop répandu pour qu’il devienne une véritable cassure boursière. Les conditions pour un marché baissier, soit la combinaison d’une hausse des taux et d’une baisse des bénéfices, ne sont pas présentes», ajoute le stratège de Bank of America Merrill Lynch.
M. Hartnett suggère à ses clients de laisser passer l’orage en investissant dans les grandes multinationales mondiales.
M. Roberge, de Canaccord Genuity, voit le mouvement de repli sous un tout autre jour. Il espère qu'il préparera le terrain à une nouvelle hausse boursière qui prolongerait le marché haussier jusqu’au printemps.
Cette phase verrait les titres les sensibles à l’économie (dont les producteurs de métaux de base canadiens) mener la charge, grâce à la ré-accélération de croissance mondiale que signale actuellement les indicateurs avancés de divers pays.
«Les perspectives pour une meilleure croissance économique s’améliorent alors que les banques centrales sont prêtent à tolérer plus d’inflation. C’est pourquoi nous gardons le cap sur notre stratégie tant que l’évaluation des titres cycliques n’aura pas rattrapé en partie l’évaluation généreuse des titres défensifs», dit-il.