La Réserve fédérale s’est finalement rangée derrière le consensus qui souhaitait un report de son premier tour de vis, de peur qu’il ne perturbe des marchés financiers déjà secoués par la chute des ressources, par l’ampleur du ralentissement chinois et par les craintes que suscite la fuite des capitaux des marchés émergents.
Les contrats à terme sur le taux directeur de la Fed donnaient une probabilité d’un peu moins de 30% à une première hausse du taux directeur en neuf ans.
Il aurait été surprenant que la Fed déjoue ces attentes, surtout à peine trois semaines après un mouvement de recul de 12% pour le S&P 500, la série de mauvaises données économiques chinoises, ainsi que l’intervention de la Chine pour stabiliser sa monnaie.
Il est clair que la culbute récente des Bourses et des devises des pays émergents, ainsi que leur impact potentiel sur l'économie mondiale, ont pesé dans la balance.
Même si son économie se porte bien, les États-Unis ne sont pas à l’abri de ce qui se passe chez ses partenaires commerciaux.
L’appréciation de 17% du dollar américain depuis un an pèse déjà sur les exportations américaines et les revenus de ses multinationales.
Le dollar faisait d’ailleurs partie des facteurs qui avait fait dire à Goldman Sachs que la Fed ne bougerait pas en septembre. Janet Yellen a aussi fait allusion au récent resserrement des conditions monétaires en conférence de presse
En août, la production manufacturière avait reculé de 0,5%, le plus depuis janvier 2014. Les indicateurs régionaux de New York et de Philadelphie ont aussi retraité en août.
De plus, la Fed n’a jamais augmenté son taux directeur lorsque les bénéfices se contractent, rappelle Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity.
Or, les bénéfices du S&P 500 ont baissé de 0,7% au deuxième trimestre et ils pourraient baisser d’encore 4,4%, au troisième trimestre, si l’on se fie aux prévisions compilées par FactSet.
Il s’agit du premier recul des bénéfices pendant deux trimestres consécutifs, depuis 2009, rapporte l’analyste John Butters.
Pas plus de certitude pour les marchés
Pas plus de certitude pour les marchés
C’est donc partie remise puisqu’une majorité des membres du comité de la Fed (13 sur 17) croit toujours qu’une hausse des taux soit appropriée d’ici la fin de l’année, si l’emploi continue de s’améliorer et si ses membres gagnent en confiance que le taux d’inflation pourra atteindre sa cible de 2%, d’ici 2017.
Selon les nouvelles orientations fournies par la Fed pour encadrer les attentes de normalisation des taux, la prévision médiane indique un taux directeur de 0,375% à la fin de 2015, de 1,375% à la fin de 2016, de 2,625% à la fin de 2017 et de 3,375%, à la fin de 2018.
À 15h00, les contrats donnaient des probabilités de seulement 21% à une hausse du taux directeur en octobre et de 49% en décembre. Par contre, les probabilités pour janvier 2016 sont passées à 56%.
Michael Gapen, de Barclays, croit qu’en raison du jeu des devises et du cours du pétrole, l’inflation modeste persistera jusqu’au début de 2016, ce qui repoussera le premier tour de vis de la Fed, à mars 2016.
Bulle ou stagnation ?
Bulle ou stagnation ?
Si une trajectoire plus lente pour la remontée des taux est favorable pour la valeur d’une foule d’actif et les marchés financiers en général, elle ravivera certains débats.
D’un côté du ring, certains observateurs y verront un risque accru que le prolongement de taux près de zéro engendre éventuellement une bulle de sur-évaluation.
Déjà, certains prix immobiliers frôlent le farfelu dans bien des marchés. En Bourse et dans le marché des capitaux privés, bien des entreprises émergentes ou peu rentables obtiennent des évaluations généreuses.
Dans l’autre coin du ring, d’autres observateurs ne manqueront pas de nous rappeler que la Fed a encore une fois abaissé ses prévisions de croissance économique pour 2016 et 2017, ce qui fait émerger le spectre de stagnation, un environnement peu propice à la croissance des bénéfices des entreprises.