Les stratèges des grandes firmes de courtage américaines sont prolifiques, avec des mises à jours fréquentes de leur stratégie de placement.
Certains diront qu’ils existent pour inciter les clients à négocier et par le fait même, pour générer des revenus pour leur employeur.
À leur décharge, leurs clients, que ce soit les caisses de retraite, les fonds de couverture ou les fonds communs, sont constamment dans les marchés et cherchent de nouvelles idées, thèmes ou tendances pour faire mieux que les indices ou leurs concurrents.
C’est à ces pros actifs que s’adresse toute la littérature des stratèges, qui conseillent des rotations de secteurs, de devises et de pays, etc.
L’investisseur moyen n’a pas à se prêter à ce type de jeu à court terme heureusement, mais il peut tout de même trouver matière à réflexion dans les écrits des stratèges.
En ce vendredi d’avant la Fête des Patriotes, le stratège mondial de Credit Suisse, le Britannique Andrew Garthwaite, fait encore une fois la démonstration de son savoir-faire, en dissertant, 90 graphiques et tableaux à l’appui, sur la hausse des taux d’intérêt et son impact sur les Bourses.
Ses conclusions : investir au Japon et dans les marchés émergents, préférer l’Europe aux États-Unis, faire un virage cyclique tout en privilégiant les banques et la technologie, peut difficilement être reproduit par le petit investisseur.
Néanmoins, on peut en tirer de bonnes explications de phénomènes financiers très complexes et de l’inspiration.
En voici quelques-unes :
Le marché baissier des obligations est commencé
Le marché baissier des obligations est commencé
En voici quelques-unes :
- La hausse des taux (par la voie des rendements obligataires) provient de l’éclatement d’un élastique trop étiré dans une classe d’actif surévaluée, qui a notamment vu les taux allemands de 10 ans tomber au niveau farfelu de 0,08 %;
- Les taux s’ajustent aussi à la perception que le risque de déflation diminue, avec la remontée rapide du pétrole et la hausse du coût de la main-d’oeuvre aux États-Unis;
- Même si le pétrole reste où il est au cours des 12 prochains mois, le bond qu’il a connu récemment fera bondir le taux d’inflation en janvier 2016, en Europe;
- Le repli du dollar américain a aussi l’effet de soutenir l’inflation, en augmentant le coût des biens importés, tout en soulevant le cours du pétrole;
- Les taux remontent aussi parce que les investisseurs réévaluent à la hausse la cadence de l’économie en Europe et ailleurs dans le monde, même si l’économie américaine ralentit à très court terme. D’ailleurs, la différence entre les obligations à haut rendement et les obligations des gouvernements en Europe a peu réagi pendant le récent sursaut des taux, un signe que les investisseurs craignent peu pour les entreprises et l’économie;
- Les obligations amorcent un marché baissier, même si à court terme la hausse des taux ne gagnera pas en force, après un bond éclair de 0,60 % pour les taux américains de 10 ans, en trois mois. Si le passé est un bon guide, le déclin durera le tiers de la période haussière de 32 ans aux États-Unis, soit dix ans:
- Même si le monde a besoin du maintien artificiel de taux anémiques pour freiner le coût de l’énorme dette des gouvernements et pour stimuler l’emploi, la reprise américaine est assez forte pour encaisser une hausse modeste des taux sans broncher. Le stratège rappelle en passant que le déficit budgétaire des États-Unis est passé de 11,6% du PIB en 2009, à 2,2%, cette année;
- Le pétrole ne devrait s’apprécier beaucoup plus parce qu’au cours actuel, trop de producteurs ont encore un intérêt économique à produire davantage.
Les actions : pas de danger jusqu'à 2,8%
Les actions : pas de danger jusqu'à 2,8%
- La recherche démontre que la hausse des taux n’est pas un danger pour l’évaluation des actions américaines tant que le taux de 10 ans ne dépassera pas 2,8%. À partir de ce niveau, le rendement que procure les profits des entreprises commence à devenir moins attrayant par rapport aux rendements obligataires. Ce taux de référence est actuellement de 2,14%;
- La hausse des taux ne devrait pas mettre en péril non plus les bénéfices des entreprises. La chute des frais d’intérêt représente en effet presque le tiers de la hausse des marges de profit, depuis la crise. Il faudrait que les rendements des obligations de sociétés grimpent d’au moins un pourcent pour commencer à freiner la croissance des bénéfices;
- Tant que les sociétés dégageront un rendement de leurs flux de trésorerie supérieur à ce que les rendements des obligations de sociétés procurent, elles continueront d’emprunter pour racheter leurs actions et réaliser des acquisitions Actuellement, 58% des entreprises américaines et 72% des entreprises européennes bénéficient de cet avantage;
- L’ingénierie financière se poursuivra à qui mieux mieux puisque les sociétés et les fonds d’investissement privés disposent de capitaux de 5 500 milliards de dollars américains dans le monde pour financer des rachats d’actions, des transactions et des dividendes. Ces sommes équivalent à 13% de la valeur boursière mondiale;
- Quand les taux remontent, les payeurs de dividendes - les grandes sociétés de produits de consommation et les fournisseurs d’électricité - performent moins bien en Bourse parce que les investisseurs quittent leur refuge. Leur dividende élevé perd aussi un tant soit peu de son attrait relatif;
- À part sa préférence relative pour l’Europe, le Japon et les marchés émergents à court terme, Credit Suisse recommande les secteurs financiers et de la technologie, dans sa stratégie sectorielle;
- Le secteur de la technologie devrait se distinguer à cause de son levier opérationnel naturel à la croissance économique et de son faible niveau d’endettement:
- Le secteur financier, en particulier les banques européennes pour les particuliers, devrait bénéficier du nouveau régime de taux, qui améliorera un tant soit peu leurs rendements financiers et ramènera graduellement leur évaluation à un niveau plus normal.