Les chemins de fer Canadien National (Tor, CNR, 72,72$) et Canadien Pacifique (Tor., CP, 204,14$) ne sont plus les locomotives qu’elles étaient en Bourse.
Les deux titres ont perdu jusqu’à 13% et 9% respectivement depuis le début de l’année, avant de se ressaisir un peu au cours des dernières séances. Cela se compare à un gain de 2% pour l’indice S&P/TSX.
Ces deux titres populaires reviennent un peu sur terre après une ascension fulgurante propulsée par la reprise économique depuis la crise et des gains d’efficacité inespérés qui ont gâté leurs actionnaires de rendements exceptionnels.
La renaissance de l’industrie après 2004, l’achat par Warren Buffett de Burlington Northern Santa Fe en 2009 et l’arrivée d’activistes en 2012 ont élevé le secteur sur un piédestal.
L’action de Canadien National a triplé entre juillet 2010 et février 2015, tandis que celle du Canadien Pacifique a quintuplé entre septembre 2011 et mars 2015.
Si bien que les titres du CN et de CP ont terminé l’année 2014 avec une évaluation supérieure de 31% à leur moyenne de dix ans.
Or, le transport de pétrole brut n’est pas le moteur de croissance sur lequel comptaient les chemins de fer et les analystes.
Les volumes de grain transportés baissent aussi depuis la récolte record en 2013. Même le transport intermodal de marchandises est moins vigoureux que prévu, maintenant que le port de Los Angeles s’est remis d’un conflit de travail.
Le deuxième trimestre sera le pire de l’année
Les analystes réduisent leurs attentes et prévoient que les deux chemins de fer auront du mal, pour une rare fois, à atteindre leurs objectifs annuels en 2015.
Le changement de régime est spectaculaire à court terme : la progression prévue des bénéfices de Canadien National sera d’à peine 1,5 % au deuxième trimestre par rapport à celle de 30% au premier trimestre et à celle de 23%, en 2014.
Certains croient que le recul des cours reflète déjà en bonne partie les nouvelles attentes et offre une nouvelle occasion d’achat.
C’est le cas de Turan Quettawala, de Banque Scotia, qui recommande l’achat de CN et CP, en prévision d’un rebond respectif de 10% et de 15%, de leur titre, d’ici 12 mois.
«Ces titres n’ont pas été aussi peu chèrement évalués depuis 2011, par rapport à l’évaluation du S&P/TSX», précise-t-il.
M. Quettawala évalue que dans l'éventualité que les deux chemins de fer rataient leurs objectifs annuels de 10%, et que leur évaluation baissait à la moyenne de leur industrie, le risque d’une baisse additionnelle serait seulement de 10% pour CP et de 3% pour CN.
"Rien n'a changé sinon que le recul des volumes de grain et de charbon a été plus prononcé que prévu", croit aussi Fadi Chamoun, de BMO. Leur multiple d'évaluation a probablement fini de se comprimer.
Dans une économie qui croît à un rythme 2,5%, ces deux transporteurs peuvent soutenir une croissance plus que respectable, dans le secteur industriel ajoute-t-il.
Allison Landry, de Credit Suisse, s’attend à ce que le deuxième trimestre, en cours, soit le pire de l’année. Les résultats devraient s’améliorer par la suite puisque que les deux entreprises ont commencé à réduire leur capacité pour s’ajuster à la demande.
«Les chemins de fer bénéficient encore du pouvoir d’imposer leur prix, un facteur que l’humeur pessimiste actuelle met de côté», écrit-elle.
Un analyste plus prudent
Un analyste plus prudent
D’autres analystes craignent que les cours n'aient pas fini de s'ajuster aux moins bonnes perspectives.
David Tyerman, de Canaccord Genuity, vient de réduire son cours-cible de 9 $ à 76$ pour Canadien National parce qu’il prévoit que le chemin de fer accroîtra ses bénéfices de 5,7% en 2015, au lieu du taux de croissance de 11,7% prévu par l’ensemble des analystes.
«Le décalage entre le volume moins élevé que prévu et le retrait d’employés et de wagons parles transporteurs pèsera sur leurs marges», explique M. Tyerman.
Le gain potentiel de 4% d’ici 12 mois ne justifie pas de recommandation d’achat, à son avis.
M. Tyerman reste toutefois confiant à moyen terme étant donné l’efficacité légendaire de CN et ses rendements financiers élevés.
Le retour de volumes de transport plus normaux en 2016 devrait pousser le titre jusqu’à 84$, d’ici 2 ans.
En 2016, la croissance des bénéfices de Canadien National devrait donc se rétablir à 9,9%, une prévision qui reste inférieure à celle de 11,8% du consensus.
Le récent épisode de déclin boursier aura au moins servi à rappeler aux investisseurs que les chemins de fer sont soumis comme avant aux soubresauts de l’économie. Les rendements spectaculaires qu’ils ont procuré, ces dernières années, l’avaient peut-être fait oublier.