Plusieurs stratèges préfèrent les marchés étrangers aux actions américaines, en raison du stade plus avancé du cycle économique et boursier en Amérique.
Les marchés émergents s’apprécient aussi en fin de cycle habituellement de concert avec le cours des matières premières, pendant la phase d’expansion qui ferme la boucle économique.
Depuis le début de l’année, l’indice des matières premières S&P GSCI Total Return s’est apprécié de 9%.
Pourtant, après des entrées d’argent records dans les marchés émergents, voilà que les investisseurs sortent à nouveau leurs billes de ces marchés.
La cause: la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis - qui sert d’étalon à tous les marchés obligataires du monde - en même temps que le rebond de 5% du billet vert (depuis mars) et de 18% du pétrole (en 2018), équivaut à un resserrement des conditions financières pour ces pays, explique Michael Hartnett, stratège en chef de Bank of America Merrill Lynch.
« Le regain des ressources provient surtout d’un resserrement de l’offre plutôt que d’une recrudescence de la demande. »
Les nouvelles sanctions américaines contre l’Iran amplifient le mouvement haussier du pétrole, poussant le baril de pétrole Brent à 77$US.
M. Hartnett signale d’ailleurs que le secteur de l’énergie n’emboite pas le pas à la hausse du cours du pétrole.
C’est peut-être un indice que les investisseurs ne croient pas que le bond du pétrole soit durable.
«Les investisseurs ne se déplacent pas du secteur de la technologie à celui de l’énergie, comme c’est le cas historiquement lorsque le cours du pétrole grimpe», renchérit-il.
Le cours du baril de pétrole West Texas a bondi de 18% à ce jour cette année, alors que le secteur énergétique du S&P/TSX a fléchi de 1,3% et celui du S&P 500 a gagné 6%, précise la Financière Banque Nationale.
Après une ascension de 140% le cours du bois d’œuvre atteint aussi un record aux États-Unis, en partie en raison du conflit commercial canado-américain.
Les tarifs sur l’acier et l’aluminium imposés par les États-Unis soulèvent aussi les cours de ces métaux industriels.
Appétit du risque
Déjà inquiet des fondations fragiles du marché haussier, M. Hartnett surveille les flots de capitaux de près.
Son indicateur Bull/Bear - qui mesure l’optimisme des investisseurs à l’aide de diverses variables - est au neutre près de 4,8, soit son niveau le plus faible depuis janvier 2017.
Si cet indicateur glissait près de 4, il signalerait alors que les investisseurs perdent encore un peu plus de leur appétit pour le risque.
La fuite des marchés émergents - des placements jugés plus risqués et moins facilement négociables - pourrait alors se prolonger et se répandre aux marchés développés, explique le stratège.
Chez Capital Economics, Oliver Jones prévoit un recul de 10 à 15% en monnaies locales d’ici la fin de 2019.
Si la hausse des taux et du dollar affaiblit les marchés émergents cette année, l’an prochain la modération des économies américaine et chinoise pourrait refroidir l’appétit du risque pour ces marchés, entrevoit l’économiste.
Trop tôt pour s’énerver
Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity, reste zen parce qu’il est convaincu que les marchés émergents sont en bien meilleure posture financière pour résister à la hausse des taux et du dollar américain par rapport à la période avant la crise asiatique de 1998.
«La peur que ces pays aient du mal à servir leur dette émise en dollars américains parce que leur propre monnaie se déprécie, est très prématuré», écrit-il.
Le bilan de ces pays, en ce qui concerne le déficit du compte courant et le niveau d’endettement de leurs entreprises, est sain.
De plus, l’inflation moyenne dans les marchés émergents tourne autour de 3,2%, un plancher historique qui permet aux banques centrales de ces pays de prolonger l'assouplissement monétaire favorable à l’économie locale.
Il perçoit donc le récent repli des marchés émergents comme une nouvelle occasion d’y investir pour profiter de leur croissance élevée.