BLOGUE. Après avoir baigné passivement dans les rumeurs, les cachotteries, les enquêtes et les arrestations pendant de longs mois, l’ancien joyau du génie-conseil SNC-Lavalin réagit enfin au lieu de subir le scandale qui menace sa réputation et détruit sa valeur en Bourse.
Deux mois après son arrivée, le nouveau président, Robert G. Card, ainsi que le président du conseil Gwyn Morgan, tentent enfin de reprendre les choses en mains pour réparer les dommages causés par les malversations alléguées.
Au menu: la suspension des indemnités de départ de l’ex-président accusé Pierre Duhaime, un nouveau code de déontologie, une nouvelle procédure interne de plaintes, et surtout l’embauche d’experts indépendants en matière de conformité, de gouvernance et de lutte à la corruption.
Le spécialiste EthicsPoint gérera la ligne téléphonique dédiée aux questions éthiques et de corruption.
L’organisme à but non lucratif Trace International mènera des vérifications de l’intégrité à l’intérieur de SNC-Lavalin (Tor., SNC, 41,45 $) et chez ses agents commerciaux externes.
L’entreprise rafraîchira aussi son conseil d’administration, pour remplacer les administrateurs qui quitteront le conseil l’an prochain. Une campagne de recrutement externe a été mise en branle, à cet égard.
«Ce sont de bonnes initiatives pour s’attaquer et tenter de résoudre plusieurs des préoccupations qui assaillent les investisseurs depuis des mois», écrit Bert Powell, de BMO Marchés des capitaux. Cours-cible 44 $. Gain potentiel : 6 %.
«Ces gestes confirment que le conseil prendra les mesures nécessaires pour rétablir la crédibilité de la société auprès de ses clients et contrer la perception que la société facilitait les mauvais comportements», dit Pierre Lacroix, de Valeurs mobilières Desjardins.
Mettre en valeur les concessions pour déterrer celle de l'ingénierie
Mettre en valeur les concessions pour déterrer celle de l'ingénierie
Mais c’est la création d’un nouveau poste à la vice-présidence des concessions et infrastructures et la nomination de Gilles Laramée, l’ex-chef de la direction financière, qui inspire le plus les analystes financiers.
Trois d’entre eux y voient un premier pas pour mettre en valeur les investissements de SNC-Lavalin, dont l’autoroute torontoise 407 et le réseau AltaLink et ainsi revaloriser SNC-Lavalin en Bourse.
«Ça suggère que la société pourrait monétiser certains de ses actifs», prévoit M. Lacroix. Cours-cible : 54 $. Gain potentiel : 30 %.
«Le portefeuille des concessions est la clé de la valeur de SNC-Lavalin», note Maxim Sytchev, d’AltaCorp.
En jetant les projecteurs sur la valeur des concessions, la société fera émerger la valeur déprimée des activités principales d’ingénierie-construction, explique l'analyste.
En octobre 2010, SNC-Lavalin avait tenté d’envoyer l’autoroute 407 en Bourse, mais a dû abandonner l’appel public à l’épargne de TransAxio, estimée à 945 millions de dollars, parce que les investisseurs institutionnels jugeaient le prix demandé de 15 à 16 $ par action trop élevé.
Si on soustrait la valeur marchande attribuée aux concessions du cours de l’action de SNC-Lavalin, ça veut dire que le marché donne une valeur de seulement 6,8 fois les bénéfices prévus en 2013 aux activités d'l’ingénierie , estime M. Sytchev.
Ce multiple se compare à ceux de 13 à 14 fois des géants américains Fluor et Jacobs, et au multiple moyen de 15 à 16 fois pour cette industrie, à long terme, dit-il.
«La 407 et AltaLink dégagent non seulement des flux de trésorerie réguliers, mais croissants. Les deux concessions seraient très attrayants pour tout investisseur institutionnel», fait valoir M. Sytchev.
SNC-Lavalin continue de décroche des contrats, quatre au cours des dernières semaines, ce qui montre que le scandale n’a pas endommagé la réputation de SNC-Lavalin, ajoute l’analyste.
Pour sa part, Hamzah Mazari, de Credit Suisse, voit dans la démotion de M. Laramée la volonté de M. Card de revoir les pratiques de gestion de risque et de soumissions de la société et de recruter un nouveau chef de la direction financière d'ailleurs,
Dans les bouleversements, les meilleures occasions ?
Dans les bouleversements, les meilleures occasions ?
« SNC-Lavalin est l’occasion d’achat la plus irrésistible du secteur industriel. C’est lors d’importants bouleversements que les meilleures opportunités se présentent », écrit l’analyste d’AltaLink.
Malgré les enquêtes sur la corruption dans l’industrie québécoise de la construction, il y a peu de précédents dans le monde où un gouvernement bloque la participation d’un soumissionnaire même lors de cas de corruption et de pots-de-vin, avance M. Sytchev.
Il ajoute que tout individu et société peut améliorer aussi ses pratiques et c’est ce que le conseil de SNC-Lavalin fait depuis un an.
« SNC-Lavalin a recruté un président de haut niveau pour s’assurer que les turbulences ne prennent pas le dessus sur la vision de l’entreprise ».
Robert Card cumule près de 40 ans d'expérience en exploitation et gestion de projets d'infrastructures et d'énergie, acquise en partie au groupe de sociétés de génie-conseil CH2M Hill Companies.
M. Sytchev termine avec : « l’action de SNC-Lavalin ne reflète pas toute sa valeur. Éventuellement, les investisseurs en viendront à cette même conclusion ». Son cours-cible : 52 $. Gain potentiel : 26 %.
Les investisseurs ne mordent pas à l'hameçon pour l'instant. L'action de SNC-Lavalin est presque inchangée à 41.45 $ à 12h15, le 13 décembre,