BLOGUE. La rapidité avec laquelle Groupe Jean Coutu (Tor., PJC.A, 19,35 $) a vendu ses dernières actions du pharmacien américain Rite-Aid, trois jours à peine après l’offre de Loblaw pour sa rivale Shoppers Drug Mart/Pharmaprix, donne à penser que le pharmacien québécois mijote quelque chose.
Après tout, Jean Coutu se retrouve dans la position enviable de compter sur presque 500 millions de dollars d’encaisse à son bilan, d'être libre de dette et de dégager des flux de trésorerie annuels de 130 millions de dollars, après ses dividendes, dans une industrie que la réforme des prix des génériques condamne à la consolidation.
Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC, déplore le fait que le pharmacien soit riche en liquidités, mais qu'il n’articule aucune stratégie claire pour profiter de sa position de force, en tant que grossiste de pharmacies franchisées et de fabricant de produits génériques.
Coutu attend son heure
Ce n’est pas parce que Jean Coutu ne dévoile pas son jeu et laisse les analystes spéculer qu’elle n’a pas de plan pour investir ses munitions.
«Il est possible que Jean Coutu attende simplement que la réforme des génériques rende les pharmaciens indépendants déficitaires pour bouger. Déjà, la chute des prix des médicaments a probablement réduit le rendement sur l’investissement des pharmaciens indépendants d’une fourchette de 15-20 % à une autre plus près de 5 %», note M. Caicco.
Cet analyste ne croit pas que la baisse décrétée des prix des médicaments génériques tire à sa fin, car les gouvernements sont satisfaits des économies.
D’ici trois ans, il prévoit que les prix des génériques équivaudront à 5 à 10 % de celui de leur médicament d’origine.
Les gouvernements économisent pour l’instant. Bientôt, les assureurs privés qui administrent les réclamations de médicaments des employeurs se joindront au mouvement et négocieront en bloc des rabais, comme c’est le cas aux Etats-Unis.
«La fabrication des génériques se déplacera outremer, sans trop susciter d’émoi parce que tous économiseront», dit l’analyste avec son franc parler habituel.
En un mot, la consolidation des pharmacies ne fait que commencer, à son avis.
Des cibles potentielles : Rexall, London Drugs
Des cibles potentielles : Rexall, London Drugs
M. Caicco évoque donc des possibilités pour Jean Coutu.
Avant même la vente du dernier bloc d’actions de Rite-Aid, M. Caicco évaluait la capacité d’acquisition de Jean Coutu à un milliard de dollars.
C’est amplement, dit-il, pour acquérir ou s’allier aux chaînes canadiennes Katz (420 pharmacies Rexall et PharmaPlus, surtout en Ontario, évaluées à 1,7 G$) ou encore London Drugs (77 pharmacies en Alberta et en Colombie-Britannique, évaluées à 800 M$ à 1 G$) ou encore de plus petits acteurs tels que Procurity, Peoples ou des coopératives.
M. Caicco calcule que l’achat de Katz pour 1,7 G$ ajouterait 31 % au bénéfice de Jean Coutu.
«Hors du Québec, Jean Coutu aura besoin d’un partenaire-grossiste pour calquer son mode de fonctionnement au Québec. Elle pourra aussi vendre les génériques que fabrique sa filiale Pro-Doc dans les pharmacies acquises, à l’exception de l’Ontario. À moins de payer trop cher pour une proie, il est difficile d‘imaginer que Jean Coutu ne puisse pas faire bénéficier ses actionnaires de sa participation au mouvement de consolidation.»
Empire pourrait lui vendre Lawton Drugs
Empire pourrait lui vendre Lawton Drugs
La hausse rapide des liquidités de Jean Coutu en quelques mois augmente les probabilités que Jean Coutu se prépare à une acquisition, estime aussi James Durran, de Barclays, qui place ce scénario devant la possibilité que Jean Coutu soit vendue, celle qu’elle rachète 11 % des ses actions ou encoe celle qu’elle verse un dividende spécial de 2,23 $ par action.
Outre Katz et London Drugs, M. Durran mentionne les 78 pharmacies Lawton qu’Empire-Sobeys pourrait vouloir vendre, après son achat de l’épicier Safeway.
François Jean Coutu a énergiquement rappelé que Jean Coutu n’était pas à vendre à l’assemblée annuelle du 9 juillet, malgré l’intérêt manifesté par l’épicier Metro. Tous attendent avec impatience de connaître son plan B.
L’action de Jean Coutu s’est appréciée de 33 % depuis le début de l’année et se négocie tout près de son sommet annuel de 19,60 $.
L’action se rapproche aussi du sommet historique de 22,36 $ atteint en 2005.