BLOGUE. Les investisseurs mondiaux achètent des fonds d’actions européennes depuis 15 semaines consécutives.
Du jamais vu en 11 ans, note Michael Harnett, stratège en chef de Bank of America Merrill Lynch, dans un rapport intitulé «Everyone loves Europe».
Une partie de ce capital provient de ceux qui voient en Europe le même potentiel de redressement qui a fait doublé la Bourse américaine, depuis sa crise il y a cinq ans.
Il y a aussi ceux qui misent tout simplement sur les marchés susceptibles de combler leur retard sur la remontée des Bourses mondiales.
Les bénéfices des entreprises européennes sont encore inférieurs à ceux d’avant la crise de 2007, tandis que les bénéfices américains passent de record en record.
Aussi, les données économiques s’améliorent en Europe et nourrissent l’espoir que la zone euro aura à son tour sa reprise économique.
L’indice avancé de l’OCDE pour l’Europe a augmenté tous les mois depuis 11 mois, jusqu’en août.
D’ailleurs, les pays les plus mal en point sont ceux qui ont le plus grimpé cette année : la Grèce + 30,9%, l’Espagne + 27% et l’Italie + 24%, le Portugal + 19%, en dollars canadiens, selon Bloomberg.
Préférée au Japon et aux marchés émergents
Les Bourses européennes profitent aussi du soulagement entourant la réélection d’Angela Merkel à la tête de l’Allemagne et de l’échec de la tentative Silvio Berlusconi de faire tomber le gouvernement italien.
Les doutes qui pèsent sur l’expérimentation monétaire au Japon et aussi sur la santé économique des pays émergents dirigent aussi des investisseurs vers l’Europe.
Enfin, l’impasse budgétaire à Washington envoie les investisseurs, qui veulent réduire leurs placements en dollars américains, vers le refuge tout relatif de l’euro.
Risque de déception
C’est donc dire que la nouvelle lune de miel entre les investisseurs et l’Europe pourrait être de courte durée, car elle provient en partie d’investisseurs à court terme.
Une résolution à Washington du plafond de la dette pourrait ramener ces investisseurs-touristes aux États-Unis.
D’autres pourraient aussi perdre patience si l’économie de la zone euro fait mentir les indicateurs économiques précurseurs.
Le Fonds monétaire international (FMI) fait partie des sceptiques et prévoit une croissance de seulement 1% de la zone euro en 2014, après un recul de 0,4% en 2013.
Le FMI estime que le risque d’une nouvelle crise n’est pas écarté parce que les réformes bancaires et économiques tardent.
Chez Hexavest, le gestionnaire de Montréal spécialisé dans les marchés développés, on adopte une approche prudente en équipondérant l’Europe dans les portefeuilles.
«D’un côté, les données économiques prennent du mieux et la banque centrale européenne se tient prête à baisser son taux directeur ou à prêter aux banques de nouveau. De l’autre, l’Europe n’a réglé aucun de ses problèmes structuraux», explique en entrevue Marc Christopher Lavoie, vice-président, marchés européens, chez Hexavest.
Le chômage chronique, l’endettement encore très élevé de certains pays par rapport à la taille de leur économie et des banques peu enclines à prêter aux entreprises freineront la reprise et risquent de décevoir les investisseurs moins patients, dit-il.
Contrairement aux États-Unis où le marché des capitaux fournit 80 % du financement aux entreprises qui émettent des obligations, en Europe les banques fournissent 80% du financement aux sociétés.
«La courroie de transmission entre l’assouplissement monétaire de la banque centrale et l’économie fonctionne donc moins bien», précise M. Lavoie.
Les actions européennes ne sont plus les aubaines qu’elles étaient par rapport aux actions américaines, si bien que les bénéfices devront être au rendez-vous pour qu’elles s’apprécient davantage.
Les Bourses européennes se négocient à un multiple de 12,7 fois les bénéfices, comparativement à 9 fois à la mi-2012. Ce multiple se compare à celui de 14,2 fois pour le S&P 500 américain, selon IBES.
«Au début de 2013, les analystes prévoyaient une hausse de 10 % des bénéfices annuels. On se dirige plutôt vers une croissance de 2 %. L’an prochain, les analystes tablent sur une croissance de plus de 10 %», explique M. Lavoie.