BLOGUE. Les financiers du monde entier utilisent l’expression " Black Swan " pour dépeindre un événement isolé qu’on ne voit pas venir, mais qui a le potentiel d’avoir un effet de contagion, étant donné l'interdépendance des marchés financiers.
À lire : Chypre: 7 questions pour comprendre la crise financière
Aux États-Unis, on utilise plutôt l’expression « Lehman moment » depuis la crise financière qui a vu les marchés financiers complètement paralysés par la faillite du courtier Lehman Brothers le 15 septembre 2008.
Aucune institution financière ne voulait alors transiger avec une autre de crainte qu’elle ne soit insolvable, figeant les échanges quotidiens entre les institutions.
Même la vénérable General Electric ne pouvait plus « rouler « son papier commercial de 7 jours, donc ne pouvait plus emprunter pour la gestion de sa trésorerie à court terme !
Confiscation sans précédent
Confiscation sans précédent
Le nouveau gouvernement de Chypre parle d’une taxe « exceptionnelle » sur les dépôts, une condition imposée par Bruxelles pour obtenir de nouveaux fonds de sauvetage de 13 milliards de dollars américains. La ponction doit récolter 7,5 milliards de dollars américains.
Mais la décision du gouvernement d’annoncer cette « taxe » l’avant-veille d’un congé férié bancaire, la fermeture forcée des banques jusqu'à jeudi ainsi que l’incapacité du gouvernement minoritaire de siéger dimanche et lundi pour ratifier cette mesure d’exception en disent long sur les risques que soulèvent la mesure controversée.
Le rôle de plaque tournante de Chypre fait en sorte que son système bancaire a jusqu’à dix fois la taille de son économie à cause de l’ampleur des capitaux en transit.
La « taxe » est une confiscation sans précédent des épargnes pour renflouer des banques qui ont investi leurs surplus de capitaux, provenant en partie de richissimes Russes fuyant leur pays, dans les obligations souveraines (de la Grèce entre autres) aujourd’hui dépréciées.
Moody’s estime à 19 milliards les seuls avoirs de sociétés russes placés à Chypre, soit presque autant que la taille de son économie (22 milliards de dollars, selon Capital Economics).
S’y ajouteraient 12 milliards de dollars d’avoirs de banques russes dans des établissements chypriotes.
Mentalité d'assiégé
Mentalité d'assiégé
La ponction ébranle les fondements même de la confiance envers les banques, l’assurance-dépôt, qui garantit les dépôts en cas de faillite d’une institution de dépôts.
Les dépôts constituent le capital que les banques peuvent ensuite prêter et investir, les fondations du rouage du système financier.
La seule possibilité qu’un gouvernement puisse agir de la sorte peut créer un nouveau climat de méfiance.
Si les épargnants un peu partout en Europe se mettent à vider leurs comptes de banque et à garder leurs épargnes à la maison ou encore à acheter de l’or ou tout autre actif tangible, au lieu d’investir et de consommer, une mentalité d’assiégé peut s’installer et tuer la reprise économique dont tous ont besoin pour s’extirper de leurs dettes et déficits.
«Si la crise chypriote ébranle la zone euro, elle assure aussi que la Réserve fédérale maintiendra ses taux près de zéro et continuera à racheter des obligations encore longtemps », note Julian Jessop, économiste mondial en chef, de Capital Economics.
En attendant un dénouement, l’aversion du risque (risk-off) fait un retour avec la hausse de l’or, du dollar américain et des obligations américaines.