BLOGUE. Christian Paradis, le ministre fédéral de l’Industrie envoie un message on ne peut plus clair aux fournisseurs sans-fil établis : il ne les laissera pas étouffer la compétition en profitant des déboires financiers des nouveaux fournisseurs pour mettre la main sur de nouvelles fréquences.
Son objectif reste toujours de promouvoir l’implantation d’un quatrième fournisseur sans-fil viable, dans tous les grands marchés au Canada.
M. Paradis bloque la vente de Mobilicity à Telus pour 380 M$ et reporte à janvier 2014 les enchères des fréquences sans-fil, ce qui donne trois mois aux nouveaux fournisseurs pour se financer et jouer leurs cartes.
" En dévaluant Mobilicity, M. Paradis espère inciter une nouvel investisseur stratégique à consolider les nouveaux fournisseurs sans-fil et à participer aux enchères ", fait valoir Jeff Fan, de Banque Scotia.
Les analystes estimaient à 600 millions de dollars le coût pour tous les nouveaux fournisseurs sans-fil pouer d'acheter de nouvelles fréquences dans les enchères.
Pour participer aux enchères, les intéressés doivent soumettre un premier dépôt le 17 septembre et un deuxième le 29 octobre.
Bien que les analystes voient mal pourquoi de nouveaux investisseurs voudraient financer un quatrième fournisseur sans-fil, pour contrer Rogers, Telus et BCE, un scénario potentiel prend les devants tout de même.
Il offrirait une solution du secteur privé au problème du ministre Paradis.
« Je ne crois pas que le ministre aurait interdit la transaction Telus-Mobilicity s’il n’y avait pas une chance raisonnable qu’un plan B soit possible », indique un analyste qui préfère garder l’anonymat.
Colin Moore, de Credit Suisse, croit aussi que M. Paradis gagne du temps, en espérant qu'une solution pour créer un quatrième fournisseur sans-fil indépendant émergera, sans engager un fournisseur établi.
Un trio d’investisseurs pour consolider les nouveaux fournisseurs ?
« La décision d’Ottawa de bloquer le transfert de fréquences de Mobilicité à Telus augmente la probabilité que les créanciers de Mobilicity prennent le contrôle de Mobilicity et discutent ensuite d’une fusion avec Wind Mobile », fait valoir Greg MacDonald, de Macquarie.
Le financier torontois Newton Glassman, de Catalyst Capital Group, détient 30 % des créances de Mobilicity, qui compte 250 000 abonnés.
Dans ce scénario, l’actuel propriétaire de Wind Mobile, la société néerlandaise VimpelCom vendrait Wind au nouveau groupe d’investisseurs. Wind Mobile est le principal nouveau fournisseur sans-fil, avec 600 000 abonnés.
Anthony Lacavera, l’ex-président et ex-actionnaire de Wind, pourrait se joindre au groupe d’investisseurs, tout comme son ancien associé chez Wind Mobile, le milliardaire Naguib Sawiris.
Le financier égyptien, M. Sawiris, est le même qui vient d’acquérir le fournisseur national de téléphonie d’affaires Allstream, de Manitoba Telecom, par l’entremise de sa nouvelle société d’investissement Accelero Capital.
1,5 milliard de capital requis
1,5 milliard de capital requis
« En ciblant les mêmes clients, les trois nouveaux fournisseurs sans-fil, Wind, Mobilicity et Public Mobile se concurrencent entre eux plutôt qu’avec les fournisseurs établis. Il est difficile d’être rentable avec des revenus moyens par abonnés de 29 à 31 $, par mois. À trois, ils avaient un million d’abonnés. Si un seul fournisseur raflait tous ces abonnés, il deviendrait un quatrième fournisseur solide », entrevoit le même analyste anonyme.
Si une telle consolidation faisait naître un quatrième fournisseur sans-fil plus viable, ce serait un signal négatif pour les fournisseurs établis, indique pour sa part M. MacDonald.
" La consolidation des nouveaux fournisseurs ans-fil Wind, Mobilicity et Public Mobile devient une option plus attrayante. Toutefois, un tel fournisseur aurait quand même besoin d'un bailleur de fonds solide diposé à investir d'importantes sommes ", note Tim Casey, de BMO Marchés des capitaux.
M. Fan estime à 1,5 milliards le capital requis pour consolider les nouveaux fournisseurs, acheter des fréquences, mettre à niveau leurs réseaux sans-fil et absorber des pertes.
Surtout que M. Paradis a déclaré qu’il « n’hésiterait pas à utiliser tout outil à sa disposition pour promouvoir plus de concurrence dans le marché sans-fil ».
Ces outils pourraient inclure le partage obligatoire des tours de transmission ou encore des ententes d’itinérance.
Rogers et Québecor aussi touchés
Rogers et Québecor aussi touchés
Si la politique d’Ottawa favorise le service sans-fil de Vidéotron au Québec, Québecor pourrait toutefois être privé d’environ 1 $ par action si M. Paradis bloque aussi la vente de ses fréquences sans-fil ontariennes à Rogers.
Shaw Communications, qui a aussi vendu des fréquences à Rogers, pourrait aussi être privée d’un dollar par action.
« Les deux sociétés ont probablement perdu l’occasion de tirer de la valeur de ces fréquences », explique Tim Casey, de BMO Marchés des capitaux.
L’analyste craint que les récentes et prochaines décisions du ministre Paradis entraînent énormément d’incertitude pour les fournisseurs sans-fil établis, dont les actions pourraient en souffrir en Bourse, à court terme. À plus long terme, le brane-bas de combat actuel aura probablement peu d'impact sur les mérites d'investissement des fournisseurs établis.
M. Casey continue de recommander les titres de Telus, Rogers et Quebecor.
Les actions des fournisseurs sans-fil, fort populaires pour leurs dividendes, ont déjà perdu des plumes en Bourse au cours des dernières semaines.
Rogers a perdu 12 % depuis son sommet annuel du 10 avril, Telus 5,6 % depuis son propre sommet du 22 mai ; BCE a décliné de 5,5 % depuis le 22 mai, tandis que Quebecor a fléchi de 2 %.
En raison de l'incertitude qui prévaut, M. Moore de Credit Suisse, est plus sélectif dans ses choix de titres. Il préfère Québecor pour la qualité de ses actifs de câble et son service sans-fil concurrentiel. Parmi es fournisseurs établis, Telus offre aussi de meilleures perspectives de croissance et de retour de capital .