BLOGUE. La couverture médiatique d’un repli somme toute mineur de la Bourse américaine étonne.
Après tout, le S&P 500 a perdu à peine 4,4% depuis son sommet historique du 2 août, pendant une hausse assez rapide de 1,2 % des taux américains de dix ans depuis le 2 mai, note Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity.
La Bourse américaine n’avait-elle pas flanché de 19 % en septembre 2011 et de 10 % en avril 2012, pendant la crise européenne, les débats sur la dette américaine et le déclassement de sa cote de crédit et de nouvelles craintes de rechute en récession et la fin des deux autres programmes de rachats d’obligations de la Fed.
Sevrage mieux toléré
La résilience de la Bourse devrait rassurer les investisseurs qui craignent plutôt de devoir se passer de leurs stéroïdes monétaires.
C’est en effet probablement un signe que cette fois les marchés sont capables de tolérer le sevrage de la banque centrale et que l’économie est plus solide.
Avec ses messages parfois confus, la Fed prépare tout de même le terrain à une normalisation nécessaire des taux d’intérêt et prévient la formation d’une « bulle » dans le marché obligataire américain et celui des marchés émergents, croit Ed Yardeni, économiste et fondateur de Yardeni Research.
Plus la Fed prolonge ses rachats d’obligations, plus un retour à la normale de sa politique monétaire risque de causer des dégâts.
Au rythme actuel des rachats, la Fed posséderait 13 % de toutes les obligations du Trésor en circulation, comparativement à une part historique moyenne de 8 %, rapporte Daniel Clifton, de Strategas, à l’hebdomadaires Barron’s.
Le déficit américain se rétrécissant de moitié, si la Fed continuait à racheter des obligations au rythme actuel de 45 milliards de dollars américains par mois, cela voudrait dire que la banque centrale serait l’acheteur de presque toutes les nouvelles obligations émises par le gouvernement américain.
« Le S&P 500 semble dans une période de consolidation autour de 1600, tandis que le S&P/TSX de Toronto fait du rattrapage grâce au retour des investisseurs étrangers dans les titres des banques et ceux des producteurs de pétrole et de gaz », dit-il.
Ces deux secteurs ont de l’influence puisqu’ils représentent 60 % de la valeur du S&P/TSX.
« On assiste à un premier déplacement des investisseurs des secteurs prudents, tels que les fournisseurs d’électricité, les pipelines, es fonds immobiliers, et les télécommunications aux titres cycliques hors des ressources, plutôt qu’à une fuite des actions. Je ne crois pas que cette rotation aurait lieu si les investisseurs n’avaient pas le sentiment que l’économie se porte mieux », explique M. Roberge.
La partie économique n’est pas gagnée
La partie économique n’est pas gagnée
L’économie de 2014 s’annonce meilleure, avec l’amélioration récente des indicateurs d’activité en Europe et en Chine. Aux États-Unis, l’effet des coupes budgétaires diminuera aussi de moitié, l’an prochain, indique le stratège.
La croissance mondiale serait alors mieux distribuée. Une stabilisation en Europe aiderait les pays émergents à exporter davantage, qui à son tour alimenterait la demande pour nos ressources.
Ces pays contribuent encore 80 % de la croissance économique mondiale.
La partie n’est pas gagnée pour autant : l’indice des surprises économiques de Bloomberg est redevenu négatif pour la première fois depuis avril.
Treize des 21 dernières données économiques ont déçu, précise Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Financière Banque Nationale.
Les deux dernières déceptions : la baisse de 7 % des commandes de biens durables en juillet, ainsi que la chute de 13,4 % des ventes de maisons unifamiliales neuves, en juillet.
L’indice américain des constructeurs a d’ailleurs déjà réagi avec un plongeon de 30,7 % depuis le 14 mai.
Des demandes hypothécaires pour l’achat de maison ont reculé de 15 % depuis dix semaines ; les demandes de refinancement ont chuté de 62 % depuis 15 semaines.
Dans ces circonstances, M. Marion mise donc sur un retrait très graduel de l’assouplissement quantitatif de la Fed.
M. Yardeni croit que la Fed pourrait mettre fin à ses rachats d’obligations, mais continuer de racheter des titres hypothécaires pour soutenir l’immobilier, comme le lui suggèrent deux économistes ayant fait une présentation à la réunion des banquiers mondiaux, à Jackson Hole, la semaine dernière.