BLOGUE. Il est toujours fascinant de détecter des indices qui suggèrent que de grandes sociétés parfois oubliées sont sur le point de se réveiller en Bourse.
C’est le cas récemment des trois grands empires familiaux au pays : Power Corp., Thomson Reuters et Georges Weston, dont l’action avait procuré un rendement inférieur à celui du S&P/TSX, depuis 2002.
Ces entreprises qui visent la pérennité semblent toutes trois sortir d’une longue torpeur dans laquelle les avait plongé la crise financière (la chute boursière pour le fournisseur d’informations financières Thomson Reuters et la chute des taux pour le conglomérat financier Power Corp.) ou des bouleversements dans leur propre industrie (arrivée de Wal-Mart et dérive de stratégie pour Loblaw).
En janvier, Les Affaires avait mis en relief cinq entreprises canadiennes et l’élément déclencheur offrant le potentiel de stimuler leur titre en Bourse.
Depuis janvier, Georges Weston a bondi de 21 %, Thomson Reuters, de 22 % et Power Corp. de 15,8 %.
Les deux autres candidates de l’article de janvier ont moins bien performé : le géant des télécommunications BCE est toutefois resté stable, malgré la menace d’un quatrième concurrent viable sans-fil au pays, tandis que Barrick Gold, aux prises avec une dette élevée, des mines coûteuses et la chute du prix de l’or, a plongé de 46 %.
Georges Weston passe à l'offensive
Les observateurs attendaient depuis des années que Georges Weston mette son encaisse de 2 milliards à profit.
Voilà qu’il aide sa filiale Loblaw à avaler le plus gros pharmacien au pays Shoppers Drug Mart, dans une transaction de 12,4 milliards.
Ça sentait l’impatience chez Weston et Loblaw alors que son plan de redressement amorcé en 2007 tardait à donner des résultats.
La création d’un fonds immobilier, une relance de 100 M$ au Québec et des mises à pied plus musclées signalaient que la famille passait à l’offensive.
L’ingrédient d’origine: probablement le changement de la garde de 2011. Le 24 février 2011, l’espagnol Vicente Trius, un ex-cadre du géant européen Carrefour, a pris la relève d’Allan Leighton à la tête de Loblaw, M. Leighton, un homme de confiance de la famille Weston, agissait comme « tuteur» en quelque sorte après la nomination de Galen Weston, fils, à la tête du conseil de Loblaw, en 2006.
Dans les entreprises familiales où le statu quo prévaut, une nomination à la haute direction est souvent précurseur d'un changement de stratégie.
La famille Weston veille à ses propres intérêts puisqu’elle détient 63 % de George Weston, qui a son tour tire 75 % de sa valeur de l’épicier Loblaw.
Thomson Reuters perd patience
Thomson Reuters perd patience
On retrouve ce même ingrédient chez Thomson Reuters, qui ne s’est jamais remis de l’achat à fort prix (19 milliards) au sommet boursier de 2007 de l’agence Reuters. La valeur du placement de la famille Thomson dans Thomson Reuters a fondu de 20 à 12 milliards par la suite.
Le 19 janvier, Les Affaires écrivait : «un changement de la garde laisse présager un virage».
L’analyste Drew McReynolds, de RBC, entrevoyait alors la possibilité d’une stratégie plus musclée qu’une simple rationalisation et des acquisitions sélectives.
Le 22 juillet, le site internet The Baron dévoilait l’intention du géant de l’information professionnelle spécialisée de procéder à une vaste restructuration de sa division média baptisée Big Bang, qui verrait l’entreprise couper dans 6 % de ses effectifs, délocaliser, externaliser et fermer certains services.
Encore là, la nomination d’un nouveau président à la tête de la société privée de la famille Thomson, Woodbridge, pour la première fois en 15 ans semble avoir été l’élément déclencheur.
Tim Casey, de BMO, y voyait alors un indice que la famille Thomson perdait patience de voir de voir la société générer de bons rendements. David Binet a été promu de chef de l’exploitation à la présidence de Woodbridge, le 30 novembre 2012.
En mai, Thomson Reuters a recruté l’éditeur de The Economist pour diriger sa division média.
Thomson Reuters est propriété à 55 % de la famille Thomson, par le biais de Woodbridge,
Les taux et la Bourse sourient à Power
Les taux et la Bourse sourient à Power
Chez Power Corp., les changements sont moins visibles. Le titre du conglomérat financier de la famille Desmarais atteint tout de même un sommet en 39 mois, lundi.
Le propriétaire de l’assureur-vie Great-West et du gestionnaire de fonds Société financière IGM, profite surtout de la hausse des taux d’intérêt qui rentabilise les placements de l’assureur et de l’embellie boursière qui ravive l’intérêt des investisseurs pour les fonds communs de placement qu’offre IGM.
L’accalmie du climat de crise en Europe enlève aussi l’ombre qui pesait sur la société qui a d’importants placements sur ce continent (Total, GDZ Suez, Pernod Ricard).
Fidèle à ses habitudes, Power Corp. attend son heure pour sauter sur les occasions qui se présentent. Great-West vient de mettre la main sur l’assureur Irish Life, pour 1,75 G$.
IGM pourrait aussi envisager de prendre pied aux États-Unis. L’analyste John Reucassel, de BMO, avait identifié en janvier l’Américaine Waddell & Reed, spécialisée dans la gestion de patrimoine et de la planification financière.
IGM aurait aussi les moyens de racheter 9 % de ses actions, selon cet analyste.
L'empire des Desmarais enverrait aussi un signal de retour à la normale si elle recommançait à augmenter son dividende, qu'elle n'a pas majoré depuis 2008.
Ces trois cas illustrent qu’il vaut la peine d'être vigilant et de suivre les mouvements de personnel parfois discrets des grandes sociétés, en particulier celles dont la vision s’étend sur plusieurs générations.