BLOGUE. Si la hausse boursière confirme pour certains le retour tant attendu des investisseurs aux actions, d’autres voient des signes d’excès qui les rendent nerveux.
On commence à voir les observateurs utiliser les termes de « melt-up » (hausse marquée et rapide), « all-in » (j’investis tout) et de « risk-on » (le retour de l’appât du gain) pour décrire la meilleure hausse boursière pour le S&P 500 (24 %) depuis… une décennie.
Certains mentionnent même l’optimisme manifesté par Alan Greenspan, l’ex-président de la Réserve fédérale et le volte-face de pessimistes de longue date dont David Rosenberg, de Gluskin Sheff + Associates, comme des indicateurs que la hausse boursière tire à sa fin.
Plusieurs indices touchent en effet des sommets historiques dont le Dow Jones, le S&P 500, l'indice des titres du transport du Dow Jones, les trois indices Russell, les indices de titres à moyenne et faible capitalisation du S&P, ainsi que l’indice le plus généraliste le Wilshire 5000.
Certains observateurs s’inquiètent de la performance explosive de titres à la mode tels que Netflix (+ 251 %), Tesla (+ 378 %), Sun Power (+ 481 %) et SolarCity (+ 379 %) ou encore de la valeur milliardaire accordée aux entreprises techno, souvent encore déficitaires, dès leur entrée en Bourse.
Tout le monde a cité la retenue de Twitter pour le prix demandé pour ses actions dans son appel public à l’épargne, mais le site de microblogage vaut tout de même 11 milliards de dollars, sans avoir dégagé un seul profit.
Hausse généralisée de bon augure
Si ce culte de la performance dérange Howard Silverblatt, stratège indiciel de Standard & Poor’s, le vétéran met toutefois cette frénésie en perspective.
En 1998, le S&P 500 a gagné 27 % ; seulement 58 % des titres ont participé aux gains cette année-là.
Pendant la hausse de 20 % du S&P 500 en 1999, seulement 48 % des titres ont fini l’année en hausse.
Cette année, le portrait est très différent : 451 titres ou 90 % du S&P 500 se sont appréciés cette année et leur hausse moyenne est de 23 %.
Ce « taux de participation » élevé est un indicateur positif qui confirme les sommets du S&P 500 et améliore les chances que la Bourse connaisse sa hausse saisonnière jusqu’à la fin de janvier 2014, indique Stephen Suttmeier, analyste technique, de Bank of America Merrill Lynch.
« Étant donné les conditions monétaires favorables et l’effet saisonnier, nous serions acheteur dans tout recul boursier », écrit-il.
Les actions ne sont ni des aubaines ni trop chères, mais d’autres gains reposent sur une nouvelle hausse de leur évaluation, qui elle, proviendra surtout du prolongement de taux anormalement bas.
Trop de liquidités, trop longtemps
Trop de liquidités, trop longtemps
Parmi les économistes, on craint davantage que le prolongement de taux exceptionnellement bas, au nom du chômage, crée des bulles dans l’évaluation des actifs financiers.
« Les banques centrales inondent encore les marchés de liquidités dans l’espoir de créer des emplois. Je crains que ces capitaux continueront de souffler les cours boursiers au lieu de réduire le chômage structurel. Quand Janet Yellen prendra la tête de la Fed le 1er février, elle aura peut-être à composer avec une bulle boursière et un marché de l’emploi encore fragile », évoque Ed Yardeni, économiste et président de Yardeni Research.
Si le multiple cours-bénéfice du S&P 500 passe de 15 fois à une fourchette de 17 à 19 fois les bénéfices prévus dans 12 mois, nous serions tentés d’encaisser des gains, indique M. Yardeni.
Chez BCA Research de Montréal, on explique ce paradoxe autrement : « En ce moment, les investisseurs préfèrent une économie lente, assortie d’assouplissement monétaire, à une économie forte. Les taux faibles ne soulèveront pas les bénéfices, mais ils peuvent gonfler davantage les multiples d’évaluation des actions, pour un court temps encore », écrivent les éditeurs Doug Peta et Jonathan LaBerge, dans le bulletin hebdomadaire de stratégie de BCA.
Nouvelle occasion de vendre ses obligations
L’an prochain, l’accélération économique attendue et une nouvelle progression des bénéfices devront prendre le relais pour que la Bourse américaine gagne un autre souffle, reconnaît BCA.
BCA voit même dans le repli des taux repères de dix ans une nouvelle nouvelle occasion pour les investisseurs pour vendre des obligations, et ainsi rééquilibrer leur portefeuille pour les prochaines années.
La firme de Montréal continue aussi de recommander les obligations de sociétés à rendement élevé pour aller chercher des gains que les obligations gouvernementales et les obligations de société de première qualité ne pourront pas donner en 2014.
« Il serait étonnant qu’un monde inondé de liquidités ne produise pas de poches de spéculation. Certains actifs commencent à montrer des signes d’excès, tels que l’immobilier dans les grandes capitales, les obligations britanniques à rendement élevé ou les titres de dettes à taux variables. Nous continuons de croire qu’en 2014, nous assisterons davantage à une réaccélération économique et au retrait de liquidités qu’à une période dominée par la spéculation », fait valoir Michael Harnett, stratège américain en chef de Bank of America Merrill Lynch.
Moins d’austérité fiscale, moins d’austérité bancaire et l’effet de richesse de l’appréciation mondiale dans la valeur des maisons stimuleront l’économie mondiale l’an prochain.
De plus, le retour des investisseurs vers les actions, qui s’est amorcé en décembre 2011, en même temps que le marché immobilier touchait le fonds du baril, est encore bien jeune.
« Nous verrons beaucoup plus d’investisseurs redevenir optimistes envers l’économie et les actions et plusieurs autres gourous pessimistes capituler avant que le marché haussier prenne fin sa marche », conclut le stratège.