La reprise est peut-être plus lente et moins vigoureuse que toutes celles de l’après-guerre, mais ce n’est pas étonnant après avoir vécu la pire crise financière en 70 ans.
Malgré tout, les dépenses de consommation ont retrouvé leur niveau d’avant-crise il y a un moment déjà ; le marché immobilier résidentiel guérit même si la précarité financière des jeunes et le souvenir du plongeon des prix de 2009-10 freinent les acheteurs ; les ventes d’autos ont aussi retrouvé leur erre d’aller.
Pour les entreprises, c’est au tour des investissements de prendre le relais des meilleurs dividendes et des rachats d’actions pour enrichir leurs actionnaires, croient plusieurs experts.
Nombreux sont les stratèges à prévoir un rebond des dépenses en immobilisations par les entreprises. Ils admettent toutefois que l’économie mondiale encore fragile, la difficulté à faire passer des hausses de prix et l’incertitude entourant le retrait sans précédent des liquidités par la Fed garderont les dirigeants plus prudents qu’avant.
Les racheteurs d’actions moins prisés qu'avant
Or, les investisseurs sont plus disposés à récompenser les entreprises qui dépensent leur surplus de capital, alors qu’ils récompensaient les entreprises aux bilans les mieux nantis après la crise et les plus gros « racheteurs » d’actions dans la reprise.
Une proportion de 60 % de 170 gestionnaires de portefeuilles mondiaux sondés par Bank of America Merrill Lynch, en mai, souhaitent en effet que les entreprises fassent travailler leur capital en investissant dans leurs immobilisations, la plus forte proportion depuis 2002.
Il est naturel qu’après un rebond boursier, qui a soulevé l’évaluation boursière des entreprises, les investisseurs jugent que le rachat d’actions soit une moins bonne utilisation du capital qu’avant, note Savita Subramanian, stratège quantitative, de Bank of America Merrill Lynch.
Quand le S&P 500 s’échangeait à 10 fois ses bénéfices à la fin de 2011, il est normal que les investisseurs préféraient alors les rachats d’actions.
Actuellement, le quart des flux de trésorerie d’exploitation des entreprises non financières du S&P 500 servent aux rachats d’actions, la plus forte proportion depuis plus de 20 ans, à l’exclusion de 2006 à 2008.
Le meilleur incitatif : des investisseurs réceptifs
Le meilleur incitatif : des investisseurs réceptifs
« Compte tenu du faible rendement que procurent les faibles taux, il est de plus en plus difficile pour les entreprises de justifier de rester assis sur leurs liquidités, pour éviter de payer des impôts sur le capital rapatrié de l’étranger par exemple. Les entreprises capables d’emprunter à faible coût peuvent s’endetter davantage pour investir », donne en exemple Mme Subramanian.
Aussi, une amélioration des prévisions économiques est de nature à donner aux dirigeants la confiance qui leur manquait pour envisager d’ajouter à leur capacité de production.
Pour la première fois depuis plus d’un an, les économistes relèvent leurs prévisions pour l’économie américaine, dont la cadence passerait à 3,1 % en 2015.
Une accélération économique et une évaluation déjà juste des actions en Bourse devraient inciter les entreprises à aller chercher un meilleur rendement en investissant, fait aussi valoir la stratège.
Actuellement, 46 % des flux de trésorerie d’exploitation des entreprises non financières du S&P 500 servent aux dépenses en immobilisations, par rapport à une moyenne historique de 57 %, précise Mme Subramanian.
Le taux d’utilisation de la capacité de production se rapproche de 81 %, un seuil qui dans le passé, a déclenché un rebond de 7 à 10 % des dépenses en immobilisations, au cours des trois années suivantes.
Le meilleur incitatif pourrait toutefois provenir de la Bourse elle-même.
« Contrairement à 2012 et 2013, les sociétés qui rachètent activement leurs actions performent moins bien en Bourse. Cette année, les sociétés qui investissent performent mieux », note la stratège.