La fusion des câblodistributeurs américains Comcast et Time Warner Cable crée un précédent pour Rogers Communications et Shaw Communications, au Canada.
Jeff Fan, analyste chez Banque Scotia, juge fort probable une transaction entre les deux câblodistributeurs canadiens, d’ici un an ou deux.
Il est en effet assez anachronique de constater que le petit marché canadien ne compte pas de fournisseur de câble national, alors que l’industrie américaine s’épure depuis 20 ans, dans un marché dix fois plus imposant.
La transaction de 45 milliards de dollars américains donne à Comcast le tiers du marché américain du câble.
« Les câblodistributeurs canadiens ont autant besoin des économies d’échelle que recherchent Comcast et Time Warner en unissant leurs forces pour mieux rivaliser leurs concurrents », écrit M. Fan dans un rapport.
Les deux entreprises américaines doivent investir d’importantes sommes pour migrer leur service télé sur le protocole Internet et sur la plateforme infonuagique.
Comcast prévoit des synergies de 1,9 milliard de dollars américains sur trois ans, dont 400 M$US en dépenses en capital en moins. Une partie des ces économies ira au rachat de 10 % de ses actions.
Le nouveau patron de Rogers voudra-t-il marquer un grand coup de 13,7 milliards ?
Cette transaction survient au moment où les câblodistributeurs doivent tous réinvestir d’importants capitaux dans la mise à niveau de leur réseau et dans l’achat de programmation pour concurrencer les rivaux traditionnels, les services de télé par satellite, mais aussi les services de téléchargement vidéo tels Netflix.
Greg MacDonald, de Macquarie Capital Markets Canada, partage l’avis de M. Fan, mais hésite à qualifier une telle transaction d’inévitable, à cause de la difficulté de concilier les intérêts des deux familles de contrôle, les Rogers et les Shaw.
« Si j’étais le nouveau président de Rogers, j’aimerais bien porter un grand coup au début de mon mandat pour faire oublier la détérioration fondamentale des services de câble et de sans-fil et concentrer l’attention des investisseurs sur son potentiel », a confié un autre analyste qui préfère garder l’anonymat.
Le britannique Guy Lawrence a promis de présenter son plan de math au mois de mai pour Rogers. Toutefois, la décision revient aux enfants du fondateur, Edward et Melinda Rogers, en vertu des pouvoirs dévolus à la fiducie familiale.
Un nouveau sentiment d’urgence
Un nouveau sentiment d’urgence
Au Canada, l’industrie fait face aux mêmes défis avec un déclin des abonnés au service de câble de base et avec la baisse des revenus à mesure que les abonnés délaissent les forfaits les plus dispendieux pour s’abonner à un service à la Netflix.
D’ailleurs, le quatrième trimestre révèle bien que la pression monte sur Rogers. La société n’a majoré son dividende que de 5 %, parce que ses dépenses en capital augmentent, par rapport à un rythme de 11,7 %, depuis cinq ans.
« Il est clair que les économies d’échelle deviennent encore plus nécessaires pour absorber un nouveau cycle de dépenses en capital, à un moment où les revenus par abonné plafonnent ou baissent et où les coûts d’achat de programmation explosent », explique M. MacDonald.
Surtout que le service de téléphonie par câble n’est plus le moteur de croissance qu’il a été depuis dix ans pour les câblodistributeurs.
Les synergies ne sont pas que technologiques. Elles s’étendent aussi aux centres d’appel et aux services à la clientèle, ajoute l’analyste.
Une transaction prendrait probablement la forme d’un échange d’actions pour limiter la facture fiscale de la famille Shaw.
Il ne faut pas s’attendre à ce Rogers offre le prix fort pour Shaw, croit M. MacDonald, citant le multiple de 8 fois le bénéfice d’exploitation que paie Comcast pour Time Warner. Un multiple de 8 fois donnerait une valeur de 13,7 milliards de dollars à une transacrion Rogers-Shaw. Un échange d'actions augmenterait de 60 % le nombre d'actions de Rogers en circulation,
On est loin du multiple de 20 fois payé par Quebecor pour Vidéotron, en 2000.
M. Fan croit que Rogers pourrait offrir jusqu’à 31,50 $ pour Shaw, pour que la transaction soit rentable, en raison du potentiel d’offrir son service sans-fil dans le territoire de Shaw.
L’analyste de Banque Scotia revient périodiquement sur cette vieille spéculation. En janvier 2013, il citait la planification successorale de J.R. Shaw, le président sortant de Shaw, pour prédire que la famille se préparait à vendre.
L’action de Rogers (Tor., RCI.B) a perdu 11 % depuis le début de 2014, et termine à 42,93 $, le 19 février ; celle de Shaw (Tor., SJR.B) est restée stable à 26 $.