Nous partageons notre quotidien avec nos enfants. Nous jouons avec eux. Nous les guidons au mieux de nos connaissances. Nous les aimons. Mais est-ce que l'on se rend vraiment compte de l'apport extraordinaire que peut avoir leur vision sur notre vie adulte ? Et si on prenait le temps de les regarder, de les interroger, d'observer leurs réactions ?
Je dois vous avouer que, plusieurs fois par le passé, j'ai pu résoudre certaines de mes difficultés comme entrepreneure, femme et dirigeante en observant attentivement mes enfants, puis mes petits-enfants. Grâce à cette lucidité qui leur est propre, ils savent simplifier des situations qui nous semblaient pourtant si complexes. Sans en prendre conscience, ils ciblent souvent le coeur même de la problématique. Je m'émerveille chaque jour devant leur créativité foisonnante, leur rare perspicacité, leurs pistes de solution à la fois justes et imaginatives.
Il peut sembler paradoxal de rapprocher la candeur des enfants de la rigueur souvent impitoyable des affaires. Je suis toutefois convaincue que les plus jeunes détiennent des réflexes naturels qui pourraient assurément nous inspirer au quotidien et aiguiser nos compétences en tant que dirigeants et entrepreneurs.
L'audace et la prise de risque
Les enfants ne craignent pas la défaite. Ils foncent, et qu'importent les chutes et les égratignures, ils se relèvent et en tirent une leçon précieuse. Quelle belle inspiration que cet accueil de l'inconnu !
Comme entrepreneur, on reconnaît aussi l'importance de l'audace. Le risque est inextricablement lié au monde des affaires. Pourtant, je vois trop souvent des gestionnaires compétents et des dirigeants talentueux, figés au bord du précipice, incapables de sauter de l'autre côté. La peur les paralyse. Et je peux les comprendre ! Que ce soit en classe ou au travail, on nous a appris que chaque erreur nous ferait subir des conséquences désastreuses. Comment peut-on espérer sortir des sentiers battus si on tremble devant le spectre de l'échec ?
Les erreurs ne sont pas des fatalités. Les enfants le savent. Certaines entreprises l'ont compris aussi. Procter & Gamble valorise les actes risqués, en récompensant par exemple une vice-présidente qui, pour démontrer la qualité de sa litière pour chats, avait souligné à d'importants clients qu'aucun d'entre eux n'avait remarqué la boîte totalement inodore qui était restée sous la table durant toute la réunion.
Amazon lutte contre l'aversion au risque en pratiquant la politique du «oui institutionnel». Quand un gestionnaire soumet une idée, son supérieur doit spontanément l'accepter. S'il insiste pour décliner, il doit expliquer les raisons de son refus dans une argumentation de deux pages.
Même approche pour Adobe qui remet aux employés une carte de crédit prépayée de 1 000 $ afin qu'ils puissent expérimenter une idée de leur choix au profit de l'entreprise. Ils ont ensuite 45 jours pour concrétiser leur projet. Au sein de mon entreprise comme lors de mes rencontres de mentorat, je constate que tous les employés peuvent avoir des idées innovatrices. Sans exception. Adobe leur donne simplement le pouvoir de les matérialiser.
La créativité et l'émerveillement
Les enfants sont des inventeurs nés. Plusieurs objets de notre quotidien sortent de l'imaginaire débridé de petits génies qui n'avaient pas encore terminé leurs études secondaires. Louis Braille a conçu son fameux système d'écriture à 15 ans. Alexander Bell a inventé le téléphone à 18 ans. Le Popsicle, le cache-oreilles, le trampoline et la planche à voile sont autant d'inventions créées par des enfants.
Selon une étude neurologique américaine, les enfants passeraient plus du deux tiers de leur temps à imaginer des choses. À force de jongler entre la fiction et le réel, entre le rationnel et le fantastique, ils détectent souvent des possibilités qui nous échappent. Une force que je constate chaque fois que j'ai la chance de passer un moment avec mes petits-enfants.
Ici comme ailleurs, des entreprises de tous les secteurs et de toutes les tailles rivalisent d'ingéniosité pour favoriser cette créativité sans limites. Ils en font une priorité.
Cet été, la firme technologique québécoise GSoft prenait le pari de sortir ses troupes de leur zone de confort en ouvrant un bureau satellite en Espagne. Deux semaines par année, tous les développeurs et gestionnaires auront ainsi la chance de travailler dans cet appartement situé au centre-ville de Barcelone, une destination choisie par les 115 employés. Inspirées par une culture d'entreprise qui mise sur le plaisir et l'innovation, les équipes informelles composées de six à huit personnes se déracineront à tour de rôle afin de réfléchir à des idées extraordinaires, que ce soit de peaufiner les méthodes de recrutement de l'entreprise ou de créer une initiative de marketing encore jamais vue dans l'industrie.
Tout est à apprendre dans un autre pays - se retrouver dans la ville, faire ses emplettes au marché, commander un repas au restaurant... Pour fonctionner au quotidien et stimuler leur créativité, les employés devront poser un regard neuf sur chaque petite chose. Ils devront abandonner leurs acquis et leurs habitudes afin de s'émerveiller, de basculer sur le mode de l'exploration. Le mode par défaut des enfants.
Les enfants sont une richesse vivante. Je partage pleinement la philosophie de ce proverbe chinois. Je suis convaincue que la jeunesse peut nous enseigner autant que nous lui apprenons en retour. L'enrichissement doit être mutuel.
En guise de conclusion, je me permets de vous citer Antoine de Saint Exupéry : «Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants, mais peu d'entre elles s'en souviennent». Et si on profitait de la rentrée des classes pour se reconnecter à notre créativité.
Danièle Henkel a fondé son entreprise en 1997, un an après avoir créé et commercialisé le gant Renaissance, distribué partout dans le monde. Mme Henkel a été plusieurs fois récompensée pour ses qualités de visionnaire et son esprit entrepreneurial. Elle est juge dans la téléréalité à caractère entrepreneurial Dans l’œil du dragon, diffusée à Radio-Canada.